Société

Adieu Ali BenAchour, Adieu l’Ami

C’est avec une infinie tristesse que j’apprends le décès, en
France, de mon ami Ali Benachour. Je l’ai connu à Oran dans
les années 1980. Il avait déjà une histoire, voire même une
légende.
Etudiant en sociologie à l’Université d’Oran, il était aussi
responsable du Comité de volontariat étudiant (CVU). Militant
du PAGS clandestin, Ali avait de fortes convictions progressistes.
15016335_1191280934250787_688341413635899480_o.jpgA la fin des années 1980, il s’exile en France où il travailla
comme responsable du Service Jeunesse de la mairie de
Vitry-sur-Seine. Avec le peu de moyens qu’il avait, Ali apportait
une aide précieuse à tous ces exilés des années 1990 qui arrivaient
en France.
Ali était un poète de la vie, qui n’avait pas besoin d’écrire.
Sa vie était de la poésie. C’était aussi un grand intellectuel, cultivé, rationnel, que seule
une profonde humilité a empêché d’élaborer une œuvre de réflexion.
Ali était généreux, sensible, et révolté au plus haut point, en même temps que lucide.
Tous ceux qui l’ont connu ont décodé en lui, un être hors du commun.
Son décès nous laisse orphelins. En ces circonstances douloureuses, j’ai une pensée
pour ses enfants, pour sa compagne, pour tous ses proches.

Arezki Meterf
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Paix à son âme, un camarade d’une très grande finesse. j’accrochais au revers de ma veste un pins marteau et faucille, j’avais une rencontre avec Ali de préparation du volontariat campagne 1972. Il me regarda le sourire aux lèvres « et si tu m’enlèves ça , ça ne fera de mal à personne ». J’ai compris et vite exécuté- je crois et depuis je n’ai plus mis de pins ou de signes quelconque
Saci Belgat


À LA MEMOIRE D’ALI BENACHOUR
(Par Dr Cheikh Touhami)
Ensemble nous avions traversé la vie, avec ses joies ,ses difficultés ,ses échecs et les affres de l’exil .Nous avions vécu des moments inoubliables dans une région qui vient du fond des âges ,habitée jadis par de nombreuses civilisations. Il faisait bon d’y vivre . Nous rêvions avec l’étoile la plus lointaine bercés par la poésie d’Aragon et de Paul Eluard .Nous avions l’ habitude de nous retrouver pour débattre de nos problèmes et des grands sujets d’actualité .On venait chez toi pour se ressourcer , en nous enrichissant de ta culture et de ta poésie .Ta porte restant grande ouverte en tout lieu et à tout moment .Une habitude prise depuis Puvis de Chavannes et qui s’est perpétuée jusqu’à Vitry .Même si on me proposait le meilleur des endroits ,Je ne pouvais pas être à Paris sans passer une soirée en ta Compagnie .Ce fut un plaisir toujours renouvelé et un moment de bonheur inoubliable. Nous parlions beaucoup, nous apprenions énormément, nous découvrions ce que nous ne connaissions pas irrigués d’une cuisine raffinée et d’une poésie de l’art des verbes et des mots .
Aujourd’hui, je ne suis pas venu pour une soirée. Je ne te verrais plus, je ne t’entendrais plus. Tu n’es plus, tu as rejoint l’éternité .Je ne suis ici que pour en témoigner ,en remontant le cours du temps pour évoquer celui qui m’a toujours accompagné dans les toutes les circonstances des affres de la vie ,et qui m’a donné tant de bonheur d’exister. Sa générosité n’avait d’égale que celle des seigneurs, qui savaient s’élever au- dessus de tout matériel pour se hisser dans le monde de l’authenticité et de l’absolu.
Avec Ali je traversais les siècles pour vivre dans le monde de la poésie et des idées qui vous transporte dans la pureté et dans les mystères des Dieux de l’Olympe. On oublie les soucis du quotidien et les problèmes de la société ,d’un monde injuste qu’il aspirait à vouloir changer depuis sa plus tendre enfance .Il portait ce rêve et croyait à la pensée de Karl Marx « la philosophie n’ayant fait qu’interpréter le monde ,il fallait aujourd’hui le transformer ».Il caressait ce rêve ,sans l’avoir vu se réaliser .Toute notre génération y avait cru et y avait adhéré à cette vision d’une humanité nouvelle et d’un monde plus juste .Hélas le temps ne l’a pas enfanté , les injustices et les inégalités se sont aggravées .Quelle déception, quel tristesse ? Tristes et douloureux évènements, le plongeant dans le désarroi ,le contraignant à vivre avec les étoiles de son propre monde de manière atypique ,pour ne pas dire marginale .C’était un incompris ,un homme complexe difficile à cerner avec plusieurs facettes et des comportements par moment imprévisible .Il fallait bien le connaitre pour comprendre cette révolte qui le minait et qui grondait en lui .Ali vivait en dehors des convenances d’une société qu’il n’aimait pas ,mais il aimait les gens et les gens l’aimaient ,sa compagnie toujours recherchée pour son verbe et ses qualités intellectuelles. Il n’avait aucun programme dans sa vie , aucun tableau de bord ,il naviguait à vue ,obéissant pour ainsi dire à la direction du vent , tous les excès étant permis ,gaspillant de la vie , sans tenir compte des problèmes de santé ,ni de l’ordre établi .Peut-être au fond la vie n’était pour lui qu’une plaisanterie à ne pas trop prendre au sérieux ?.Il était quelque part comme Serge Gainsbourg ,et comme lui il avait l’âme de l’ artiste C’était le poète et l’intellectuel qui ne s’est pas accompli ,refusant la société dans laquelle il vivait, bref un homme révolté en quête de liberté et de l’absolu .Il ne calculait pas et ne prévoyait rien ,et surtout il n’avait aucune attache avec l’argent ,vivant pleinement sans se poser de question sur demain et sans envisager l’avenir .Il n’obéissait pas aux normes de notre temps ,il s’en fichait éperdument .Toujours partant pour faire la fête ,sans se soucier du « qu’on dira- t-on » l’enfer pouvant être les autres ,il n’avait pas de temps à perdre avec la bêtise humaine .Il flambait son argent , le partageant avec ses amis ,même si le lendemain ,il n’avait pas le sou et les poches vides . Depuis que je le connais il était sur la voie d’Abou Nouas et Omar el Khayyam alliant la philosophie avec les jouissances de la vie , mais il ruisselait d’humanité, vivant et vibrant avec le monde des poètes et des artistes .Il voulait tout simplement une autre société et une autre humanité .Il n’ arrivait pas à s’adapter à notre monde ,il le refusait . C’est pourquoi il se déconnectait par une ivresse quelquefois excessive ,qui le plongeait dans un monde artificiel et éphémère ,oubliant la réalité .C’était un véritable personnage de roman ,mais aussi ami magnifique et loyal qui portait en lui toutes les formes entière de l’humaine condition .
On ne peut mesurer la souffrance que j’ai aujourd’hui et ce que j’éprouve pour un ami de la prime enfance qui m’ a toujours accompagné dans les moments les plus difficiles, je me sens orphelin et je sombre dans le chaos et l’abime, d’autant plus fragilisé par la perte depuis peu d’un ami commun de notre génération .Par moment, je me sens pris de folie devant l’absurdité de l’existence ,me demandant si Albert Camus n’avait pas raison et si la vie n’est pas un lourd fardeau de plus en plus difficile à supporter .Jour après jour nous voyons ce que nous aimons disparaitre. Faut il croire au pessimisme du poète El Maari son son fameux poème « Quel triste fardeau est la vie ? » nous n’y pouvons rien contre la grande faucheuse . C’est la fatalité et le lot de la condition humaine. Aucune arme ne peut s’opposer au temps ,ce joueur qui gagne à tous les coup ? La finitude étant inscrite dans la vie de l’homme et de toutes les créations sur terre .
C’est une rude épreuve de la vie qui pousse au désespoir. Mais c’est aussi ce qui donne le sens à la vie. Car toute chose périt et toute les belles choses disparaissent. On ne peut ne pas en souffrir, mais nous devons l’accepter , c’est écrit sur la tablette .
Nous n’avons pas de choix de continuer à vivre, comme si jamais on ne devait mourir. Mais Où trouver la force pour résister et continuer ? Et comment oublier Ali Benachour ? Je sais ,mon frère ,que tu m’attendais , je suis ici pour t’affirmer qu’entre nous, ce n’était qu’un vulgaire malentendu ,les mots ayant dépassé la pensée , je ne voulais que secouer le cocotier pour ne pas t’égarer , je comprenais ta souffrance ,Le destin t’ayant accablé .
C’est pour moi une chance de t’avoir connu et je t’aimais. Saches que tu as été, tu es et tu resteras, jusqu’à la fin des temps ,mon Ami .
Repose en paix, mon frère, que Dieu ait ton âme et qu’il te reçoive dans le monde des poètes et des artistes .
A Dieu nous appartenons et à lui nous retournons
C. TOUHAMI

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Lecture du Poème de Omar el Khayyam ,à la mémoire de notre ami Ali Benachour
« Tout est depuis longtemps écrit sur la tablette,
Et la plume demeure obstinément muette,
Tout se fait, bien ou mal, comme le veut le destin,
Fou qui lutte et plus fou qui pleure la défaite.
Si comme Dieu, j ‘avais en main le Firmament,
Je le démolirais sans doute promptement,
Pour à sa place bâtir enfin un nouveau Monde,
Où pour les braves gens tout viendrait aisément  »
OMAR EL KHAYYAM

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