Contributions

Transitions, élections et autres considérations

Mais la majorité des Algériens et des Algériennes voteront pour préserver l’État-nation et la stabilité de l’Algérie. Ce sera leur mérite et leur marque de patriotisme.

Par Hocine Khaiti

Devant l’exaspérante, mais trompeuse, exiguïté des dilemmes (pour ou contre le hirak, contre le hirak donc pour le pouvoir, pour ou contre la transition, pour ou contre les élections) dans lesquels veulent nous enfermer des stratèges, aussi manichéens que machiavéliques particulièrement ceux au service du capitalisme néolibéral de l’impérialio-sionisme, pour nous imposer leurs choix économiques et politiques destituant l’Algérie de son ambition historique qu’elle cultivait dans la continuité du mouvement de libération nationale et réduisant les Algériens à l’état de « bêtes de consommation » (« hayaouen el istihlak » comme le chantait si justement Cheikh el Imam), iĺ importe de dévoiler les logiques jacentes des discours et des actions menées par les représentants des classes bourgeoises dominantes.

A défaut d’une formation politique visible et audible implantée dans un espace socio-politique d’expression et d’action propres aux travailleurs, aux classes populaires, aux progressistes anti capitalistes, anti impérialistes, anti-sionistes, il est impératif que toute personne consciente des dangers qui s’amoncellent sur l Algérie informe les gens pour qu’ils prennent la juste mesure de la situation délétère et explosive pouvant mener notre pays au désastre, des enjeux de classes avec une bourgeoisie capitaliste à l’offensive, aidée par une partie des classes moyennes, en jonction avec le capitalisme mondial ainsi que du contexte géopolitique international et régional où l’imperialo-sionisme, le néo-colonialisme français et des pays voisins, assurés de la complicité de relais nationaux, ont programmé la destruction et la dislocation de l’Etat national et la dislocation du territoire en plusieurs entités.

L’effondrement ou même la fragilisation, déjà fortement entamée, de l’État national fera de l’Algérie une proie facile.

Dès lors que l’élection présidentielle a été décidée pour le 12 décembre 2019, la transition revendiquée à cor et a cri n’est plus de mise.

Fallait-il passer par une phase transitoire avant de recourir a l’élection présidentielle? Parlons-en.

La transition, notion furieusement à la mode depuis quelques années, pourrait désigner, dans une acception générale, un changement pensé, voulu, organisé, qu’il s’agit de réaliser soit par des élections, soit par une démarche consensuelle associant tous les courants politiques et les organisations citoyennes, soit par un acte de force, pour passer d’une situation à une autre, présumée meilleure.

La transition pourrait être brutale et radicale, un court épisode intermediaire entre deux situations, ou s’inscrire dans un temps plus ou moins long.

Une autre approche, plus substantielle, permet d’appréhender la transition comme un moment se vertébrant dans un processus au cours duquel on donne un fondement politique et une consistance socio-économique à une perspective historique préalablement définie.

Le vocable est très usité et galvaudé par les dirigeants politiques, les politologues, les experts, les technocrates, les responsables associatifs, les en lui accolant de multiples déclinaisons: transition démocratique, écologique, énergétique, démographique, numérique, générationnelle etc.

Par la grâce de la grammaire – substantif devenant qualificatif – on la parle même de justice transitionnelle!

En politique, la filiation du concept de la transition avec la pensée marxiste est incontestable: il désigne le passage du capitalisme au socialisme puis au communisme par des phases historiques dans lesquelles les rapports socio-économiques seront modifiés en profondeur et une société sans classes sera édifiée.

Mais par une ruse aussi perverse que mordante de l’histoire, le concept de transition, désormais affublé du qualificatif « démocratique », consacre un processus transitionnel inversé: on passe du socialisme au capitalisme, à l’économie de marché et à la démocratie dite libérale.

« C’est la fin de l’histoire « avait imprudemment annoncé, après l’effondrement du système socialiste en URSS et dans les autres pays de l’Est, l’universitaire américain Francis Fukuyama,voulant signifier par là que le capitalisme, l’économie de marché et la démocratie dite libérale sont devenus, pour reprendre à contre-emploi, la formule de Jean-Paul Sartre à propos du marxisme « l’horizon indepassable de notre temps « .

Toutes les transitions dites démocratiques n’ont été que des mascarades et n’ont fait qu’entériner les rapports de force préétablis en faveur du libéralisme capitaliste. Les victimes les plus accablés de ces transitions factices ont été les travailleurs, les classes populaires et les classes de petit rang.

« La fin de l’histoire  » a constitué une base théorique à la transilogie, si tant que celle-ci puisse être considérée comme une spécialité savante pour formuler avec une joie revancharde, la sortie de L’URSS et des pays Est-Européens du socialisme et de leur entrée honteuse dans le capitalisme.

Toutes les transitions dites démocratiques qui se sont déroulées dans le monde n’ont fait que fortifier, conforter, instaurer ou restaurer le système capitaliste.

Ce que confirme l’antropologue Maurice Godelier pour qui transition rime avec subordination, la capitaliste.

Même la transition tunisienne, tant vantée par les idéologues et medias, citée comme le modèle en Algérie par les courants politiques libéraux et la société civile (beaucoup plus une expression qu’une réalité), n’était qu’un mythe.

Pilotée en fait par la France en complicité avec l’ONU, la transition tunisienne avait pour but de maintenir la Tunisie sous domination néo-coloniale française, de conforter le système capitaliste et de donner une image moderne de la société tunisienne en consacrant des avancées sociétales qui ne concernent que les privilégiés pour occulter la question sociale qui concerne l’écrasante majorité du population.

La complaisance occidentale est allée jusqu’à décerner le prix Nobel de la paix au comité assurant la transition qui l’utilisait comme attribut de légitimation pour cacher les réalités peu reluisantes de la Tunisie (inégalités sociales criantes, chômage des jeunes, graves déséquilibres, conflits sociaux etc.) et surtout que le pouvoir est toujours entre les mains des nantis.

Heureusement, les classes populaires ont déjoué le complot et ont élu au poste de président de la République non pas un larbin de la France mais un patriote tunisien qui parle de dignité et de justice sociale.

Une transition en Algérie ? Qu’en aurait-il été ?

Une transition pouvait être le débouché naturel du mouvement dit du hirak.

Mais, il est hors de tout doute que le hirak a été lancé par une aile du pouvoir.

Le hirak n’est pas né spontanément dans la rue, ni dans les réseaux sociaux (qui n’ont de réseaux sociaux que le nom).

De surcroît, aucun parti d’opposition n’a la moindre capacité ni les rudiments d’organisation nécessaires pour initier un mouvement social de contestation.

Les partis politiques d’opposition sont plutôt pris par leurs dissensions internes, leurs guerres de clans et de leaderships.

Ce sont les contradictions, ayant atteint un niveau paroxystique entre les trois principaux segments de l’oligarchie algérienne qui sont à l’origine du hirak.

Dans un schéma général, on peut situer en fonction de leurs activités et de leurs intérêts, sans pour autant que cela soit une assignation rigide – en ce sens que ceux-ci peuvent se chevaucher ou s’entremêler, les trois segments oligarchiques:

  • une oligarchie dont les activités et les intérêts sont liées à ceux de France et de l’Union européenne,
  • une oligarchie liée aux Etats Unis et à la Chine (quelle contradiction !),
  • une oligarchie liée à la Turquie et aux pays du Golfe

Les principales oligarchies algériennes ont dépassé, et de loin, le stade de l’accumulation primitive du capital. De ce fait, leur expansion et l’accaparement de nouveaux marchés devient une nécessité vitale pour leur profit.

Or, l’expansion de certains oligarques était aidée par « l’aile centrale » du pouvoir, d’aucuns voyaient leur expansion freinée, voir bloquée; d’autres se contentaient des limites imposées à leur expansion.

La résolution de ces contradictions, rendues intenables, passait obligatoirement soit par un repartage négocié des secteurs d’activités et des marchés, soit par l’élimination du segment oligarquarchique bloquant l’évolution des autres capitalistes ouvrant la voie à une nouvelle reconfiguration de l’appropriation des activités économiques.

C’est le second cas de figure qui est advenu avec le lancement et l’instrumentalisation du hirak.

Il reste bien entendu que ce mouvement a pris d’autres dimensions : rejet d’un pouvoir purulent (confirmé par les arrestations massives de premiers ministres, d’oligarques, d’officiers supérieurs de l’armée), exigence d’un état social par les classes populaires, revendication de liberté d’expression, de réunion etc.

Mais le hirak n’a pas condamné la cause fondamentale de cette situation : le capitalisme néo-libéral.

Bien au contraire, les protagonistes centraux du hirak et leurs instigateurs ont engoncé le mouvement dans une camisole de force pour obliger les manifestants à ne scander que des mots d’ordre abstraits et dénoncer un système de personnes (la hissaba) et non le système économique néo-libéral dont le processus d’instauration a été amorcé sous la présidence de Chadly, renforcé par Mouloud Hamrouche et les « réformateurs », terminé sous la présidence Boutlefika.

La malignité machiavélique des partisans de la transition, la plupart apôtres de la vulgate néo-libérale, refusant de dévoiler leur agenda caché, voulait imposer leur format à la transition .

Aux questions sur les objectifs socio-économiques, les programmes et les perspectives de la phase de transitoire, les transitionistes ne répondaient que par un évasif : « Après »!

Après? Quand les poules auront des dents ?

Et l’on comprend mieux pourquoi les transitionistes autoproclamés exigeaient d’être intronisés régents sans passer par les élections.

Il faut également noter le rôle dans le hirak de transilogues et d’experts, nombreux venus de France et de Navarre, se gonflant d’importance et incitant à un degagisme intégral pour occuper les cabinets ministériels et rafler les postes dans les différentes administrations.

Vivant à l’étranger pour la plupart d’entre eux, déclassés, confrontés à des difficultés financières, ils espéraient se renflouer en Algérie.

Ce n’est ni par conviction ni par principe – s’ils en avaient ils seraient restés dans leur pays – qu’ils proposaient leurs offres, mais par intérêt.

Mais il est triste de le constater, le hirak a provoqué une funeste fracture ethnique qui dégénèrera, tôt ou tard, en conflit ethnique qui rejouit déjà ceux qui veulent abattre l’Algérie et effacer tout ce qu’elle représentait dans la lutte antianti-impérialiste et anticolonialiste .

D’un autre côté, des suprématistes ethno-identitaires y compris des progressistes avertis, infatués d’eux-mêmes et qui, du haut de leur vacuité, toisent avec dédain les autres Algériens, alors que leur aliénation et leur soumission et leur docilité aux intérêts néocolonialistes français sont en passe de devenir proverbiales.

Lorsqu’on rejette l’analyse de classe, qu’on refuse le clivage droite/ gauche ou capitalisme/ socialisme, on sombre facilement dans un identitarisme fantasmagorique .

Même des progressistes avisés qui se référaient a l’essai « Les Identités Meurtrières« , où Amin Maalouf dénonçait les illusions, les pièges, les instrumentations et les dangers de l’identité, semblent l’avoir oublié.

Pour ce qui est des elections, il est stupéfiant, surréaliste, de constater que des groupes politiques de la mouvance dite démocratique, les refusent et incitent, quand ce n’est pas eux mêmes qui les feront, des voyous fascistes, à interdire par la force aux citoyens de voter.

Là , nous ne sommes plus dans le domaine politique et nous assistons à une régression de la pensée même.

Les elections, quel que soit le contexte, peuvent constituer des moments privilégiés dans la vie politique et démocratique d’un pays.

Elles permettent aux partis politiques de présenter leur doctrine, leur idéologie, leur programme, leur candidats et candidates.

Le suffrage universel permet également à tous les partis de mesurer leur influence dans l’électorat et dans la société.

Voter est un droit politique, démocratique et civique pour tout citoyen qui doit refuser à quiconque de l’en dessaisir.

La liberté de voter ou de ne pas voter est un acte politique et personne n’a le droit de s’y opposer.

Il est risible de relever que tous les partis qui refusent les elections avaient présenté un candidat à l’élection présidentielle qui était prévue le 11 Avril 2019. Les partisans les plus acharnés de la transition, comme M. Bouchachi, Mme Assoul, d’autres encore, ainsi que d’anciens progressistes, convertis au capitalisme, soutenait le général candidat Guediri, cornaqué par l’oligarque Rebrab, le considérant comme le candidat de la rupture. Tout ce beau monde avait validé et cautionné la candidature de l’ex-président. Ils avaient tous accepté la compétition électorale avec un Bouteflika en chaise roulante ou réifié en cadre. Quelle hypocrisie! Quel opportunisme! Quel cynisme!

Quelles sont les classes et couches sociales qui s’opposent aux élections ?

Quels sont les intérêts de classes qui les animent ?

Nombre d’oligarques préféreraient ,sans contexte,une transition dirigée par les tenants du libéralisme pour accroître leur empire dans les activités économiques et commerciales.

Une partie des classes moyennes francisantes (à ne pas confondre avec francophone), neo-harkis de la France-Algérie, avec double nationalité et enfants installés à l’étranger; les classes moyennes compradores (employés au service du capitalisme étranger dans les sociétés étrangères et les multinationales occidentales) rentières du pétrole algérien sont les plus virulentes et les plus enragées dans la contestation anti-elections.

Sous des apparences bon chic-bon genre, ces catégories de la population, plutôt cette faune parasitaire sont d’une cruauté et d’une sauvagerie sociale insoupçonnée. Leur haine des travailleurs et des classes populaires s’exprime dans un champ sémantique odieux: les gueux, laghraya (va-nu pied), bagara (vacher), gharyane (berger), cavia (de l’argot français « cave »).

Les classes populaires sont traites d’ignorants lorsqu’elles votent pour ce qu’elles considèrent comme ses intérêts et non pour les intérêts des classes parasitaires.

Mais ces gueux, ces ghraya sont infiniment plus dignes et plus patriotes que la racaille de larbins qui les insultent. Ajoutant à cette cohorte les hystériques berberistes (à ne pas confondre avec les kabyles) et les résidus de l’ex-FIS qui ont agressé, devant les bureaux de vote en France, avec des méthodes de voyous fascistes, des vieilles femmes et des vieillards qui allaient voter.

Pour qui voter? Compte tenu du rapport de forces socio-politiques et de l’hégémonie libérale dominante dans la société algérienne, les cinq candidats à l’élection présidentielle ou même des candidats putatifs comme Mr Ghuediri, Bouchachi Said Saadi ou Mme Assoul appliqueront, ces derniers avec zèle, ce que le capitalisme national et international exigera.

Le futur président de la république et son équipe gouvernementale auront pour tâches principales, afin d’éviter une nouvelle guerre entre oligarques:

  • organiser et structurer le capitalisme national avec une répartition revue des activités économiques et commerciales entre les oligarques algériens.
  • réguler et abriter les conflits qui naîtront de la concurrence et de la concentration-fusion entre oligarques.

Mais la majorité des Algériens et des Algériennes voteront pour préserver l’État nation et la stabilité de l’Algérie. Ce sera leur mérite et leur marque de patriotisme.

Comment relancer un mouvement populaire englobant les travailleurs, les classes populaires et les progressistes, distinct du « trop hirak », trop pollué par les classes possédantes, et les classes moyennes parasitaires, pour relancer la lutte contre le capitalisme et instaurer plus de justice sociale reste l’objectif principal pour l’après élection?

Quant à la corruption, enjeu tacite des élections, il conviendrait de situer les facteurs structurels qui la génèrent et les sources qui l’irriguent pour l’éradiquer.

Seule une lutte populaire appuyée par les associations nationales anti-corruption, la justice et d’associations internationales reconnues et fiables.

La corruption n’est pas immanente à la société algérienne; phénomène mondial, elle sévit dans tous les pays.

En Algérie, trois causes principales portent la corruption :

  • elle est inhérente aux orientations économiques libérales et à l’accumulation primitive du capital, qui ont engendré un darwinisme social, la course à l’enrichissement et le culte de l’argent;
  • elle est liée aux rapports sociaux qui possèdent une forte dimension anthropologique: distinction sociale, possession d’un patrimoine financier et immobilier à léguer aux enfants, consommation de luxe ostentatoire;
  • elle est nourrie par les sociétés étrangères et les multinationales installees en Algérie.

C’est ainsi que des secteurs d’ activités sont, par la corruption, sous l’empire des sociétés françaises et américaines.

Après avoir visé ce que dans le vulgaire langage marketing on nomme les personnes-cibles (les leaders d’opinion, les influenceurs, c’est-à-dire des personnes de pouvoir d’autorité et de décision), les sociétés étrangères enclenchent leur procédé de corruption au vu et au su de tout le monde: cadeaux de tout genre, soirée mondaine à l’hôtel Sheraton, voyage organisé à l’étranger avec escort-girl, prise en charge des vacances à l’étranger, financement de l’installation à l’étranger des enfants des corrompus etc.

Des scandales de corruption concernant des multinationales ont été rapportés par la presse. Citons quelques exemples :

  • La Société Générale a transféré illégalement en France plus d’un milliard d’euros. La plainte de la Banque Centrale Algérienne est restée sans suite. Qui est intervenu?
  • SANOFI procédait à de doubles facturations de médicaments.
  • HALLBURTON Société Américaine connue pour ses pillages en Irak surfacturait abusivement tout ce qu’elle entreprenait en Algérie.
  • GÉNÉRAL ELECTRIC a été accusé de corruption pour plus d’un milliard de dollars. Le dossier de justice a été bloqué par Chakib Khelil, un des plus grans chefs de la Hissaba algérienne .
    • G.E a réussi à saborder la création d’une filière solaire algérienne pour garder le monopole des équipements des centrales électriques et nous refiler des turbines refectionnées.
    • Après avoir acquis l’usine de cablerie de Biskra, un des fleurons de l’industrie algérienne qui exportait ses produits, GE l’a rendu inopérante.
    • Mais le plus grave, GE a commis un crime contre la souveraineté nationale en équipant les centrales electriques avec du matériel israélien. La SONELGAZ a déposé plainte. Là encore le chef de la Hissaba Chakib Khelil a bloqué le dossier judiciaire.
    • G.E serait un repaire de sionistes.

Pour exiger la réouverture des dossiers judiciaires de ces multinationales prédatrices et corruptrices et dénoncer la complicité de la Hissaba nationale avec la Hissaba internationale, des manifestations doivent être organisées devant les multinationales impliquées, avec la participation des associations algériennes anti-corruption et des citoyens en contact avec les organisations anti-corruption françaises et américaines.

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