Politique, Société

La CEDEAO agent de l’impérialisme

A l’origine du problème du Mali et de la CEDEAO (Comité Des Etats de l’Afrique de l’Ouest) est les coups d’Etat successifs perpétrés par la junte militaire qui a repris les rênes du pouvoir face à la détérioration de la situation sécuritaire du pays, des risques de son implosion et l’absence manifeste des institutions de l’Etat. Ce mouvement de redressement a voulu, en toute souveraineté, fixé une période de transition de cinq ans pour mettre en application le projet de stabilisation du pays afin d’assurer la maîtrise de la situation dans le centre du pays, de réaliser l’entente avec la population de ces contrées, de réaliser la refonte institutionnelle, de renforcer la maîtrise de l’Etat et enfin d’aller vers des élections libres. Ce projets à été initié et arrêté démocratiquement avec l’ensemble des Partis et des représentants de la société civile. Il a été présenté au peuple à travers des forums.

Contrairement à cette situation contraignante, la CEDEAO a pris des mesures de sanctions contre le Mali en infligeant dans un premier temps une interdiction de voyages à 150 personnalités et de leur famille avec gel de leurs avoirs dans les pays membres de l’organisation. Elle a exigé, de plus, la convocation des élections en février 2022. Des sanctions économiques et financières plus lourdes ont été énoncées dans un 2 éme temps, après un court délai. Elles constituent en fait un embargo total d’un pays enclavé et entouré en grande partie des pays membres de la CEDEAO. Les mesures consistent en la fermeture des frontières de ces pays, le rappel de leur Ambassadeur, suspension des transactions à l’exception de certains produits médicaux et de 1 ère nécessité, gel des avoirs déposés à la BCAO et dans les Etats membres. C’est non seulement l’exercice de pressions vives, mais aussi la recherche de la mise à genoux du Mali et même de son implosion..

La CEDEAO semble ne pas tenir compte de la grave situation sécuritaire que vit le Mali et des menaces qui pèsent lourdement sur son devenir en tant que nation unie. Elle semble aussi ignorer ces mêmes menaces qui pèsent sur la vie de simples citoyens sans protections, face aux actes odieux et répétés du terrorisme, tant dans le nord que dans le sud et dans le centre du pays. Elle se limite bien au contraire à une vision unique juridiste et totalitaire loin de convenir à la prise en compte des réalités du contexte que des réalités des pays africains.

Elle semble aussi vouloir insérer les 16 Etats membres dans le carcan juridiste balisé par la seule ligne imposée, celle des droits de l’homme en reprenant la ligne de conduite de presque l’ensemble des organisations et des ONG internationales qui se sont perfectionnées dans la reprise stricto-sensu des valeurs et des principes de rayonnement et de domination de l’occident. Ces outils des « maîtres dominants » se sont répandus et deviennent une norme d’acceptation et de reconnaissance pour tout pays du Tiers Monde et de l’Europe de l’Est.

Cette normalisation recherchée est en fait un asservissement de ces pays à s’ouvrir totalement aux lois du marché et de son expansion dans l’intérêt du capital dominant contre toute exigence de souveraineté nationale et régionale.

Concernant le Mali, membre de cette Organisation pan africaine, le malheur est que les sanctions infligées viennent de cette même CEDEAO, hormis les sanctions des vols aériens d’Air France qui a arrêté tout vol allant ou en provenance du Mali, amplifiant ainsi le boycott et l’embargo du pays.

Pourtant le rôle de la CEDEAO devrait, à la date de création en 1975, se limiter en principe à la coordination des échanges et de développent entre les différents membres. A l’origine son rôle consistait aussi de promouvoir l’intégration économique, développer la coopération entre les Etats membres et d’initier et constituer un grand ensemble.

Est-ce de la poudre aux yeux pour l’ensemble des observateurs qui marquent un intérêt à ces louables objectifs ou est-ce un simple attrape nigaud ? Nous n’avons trouvé aucun bilan portant sur l’activité de mise en application de ces objectifs, ni même un programme d’actions de cette organisation.

Ce que nous constatons c’est qu’au contraire ce Comité s’est arrogé dans le temps un pouvoir extensible en se dotant de trois organes de … gouvernance ! ( exécutif, législatif et judiciaire) et s’est déclaré désormais compétent en matière de violation des droits de l’homme exercés par tout Etat membre ainsi que les citoyens, personnes morales et physiques, relevant de ses mêmes Etats. Il s’assigne aussi le rôle d’apprécier la légalité des règlements, directives et autres instruments juridiques. Mais si quelle base de référence ? Nous ne pouvons le savoir.

En vérité ce Comité animé par une démarche cavalière et prétentieuse néglige son rôle initial. Il s’entête, de par son activisme et sa fuite en avant, à vouloir s’adjuger la qualité « universaliste », cela au mépris des peuples africains et de certains de ses dirigeants qui relèvent la tête, à devoir s’aligner au service des dominateurs et des impérialistes.

En fait, malgré la marque de servilité et ses intentions remarquables, sa compétence juridique n’est pas exactement définie, elle ne répond pas à un cadre juridique préalablement tracé et précis. Ce Comité se limite uniquement à énoncer les principes de libertés et de droit de l’homme, en voulant éviter sans doute de révéler l’orientation politique et idéologique qu’il veut assigner à l’avance aux Etats. Il a préféré laisser à l’appréciation des seuls juges qu’il nomme pour décider dans les litiges sur la base référentielle des jurisprudences de la Communauté Européenne et de la CEA.

Il a fini par créer un chevauchement des compétences avec les organes de l’U A et celles de l’ONU. Il ne possède aucun pouvoir de droit pénal, si ce n’est que le pouvoir d’agir par des incitations et sanctions à travers les pays membres et un fonds commun de dépôt qu’il utilise à des fins de sanctions.

En bref, l’activisme et surtout le dessein de ce Comité nous laisse envisager l’assurance dans la relève de la Françafrique et de la garantie de la présence et du maintien aussi de la main agissante de la France et de l’impérialisme sur cette partie de l’Afrique, d’autant que la France de par son passé colonial et le rejet de sa présence qui s’amplifie, rentre dans une spirale de reniement dans le continent. Elle comptera sur sa « 5ème colonne ».

Cette organisation, si elle veut être constructive, devrait prendre exemple et tirer des leçons sur la constitution évolutive des grands ensembles qui ne se réalisent pas à coups de sanctions mais de négociations et d’échanges. En tout cas pas au détriment de la souveraineté de chaque Etat et le respect de chaque entité nationale pour consolider progressivement leur union.

La CEDEAO a connu déjà des fissures par le retrait de la Mauritanie qui préfère vouer son action à la construction du L’UMA, suivant l’exemple de l’Algérie qui a refusé de porter son adhésion. Le Maroc a récemment rejoint l’organisation ; la Guinée a été sanctionnée par la CEDEAO pour fait de coup d’Etat, tant bien que mal les Guinéens n’ont pas vécu de conséquences graves. D’ailleurs ce pays refuse de s’aligner sur les positions de la CEDEAO, concernant le Mali. D’autres pays ont rejoint ou vont la rejoindre.

Des observateurs ont souligné que l’organisation se sent moins concernée par les dérives autoritaires de certains Présidents qui baignent dans le déni et la corruption, qui continuent à se maintenir à vie au pouvoir.

La grande fissure provient tout d’abord du pays concerné : il refuse le dictat de cette organisation tout comme celui de la France et de son armée. Aussi des manifestations à répétition se déroulent dans des contrées maliennes. Le peuple voisin Burkina B. s’est joint à la lutte en soutien du peuple Malien face à la CEDEAO et à leur confrontation à la situation désastreuse sécuritaire. Les forces armées françaises sont nettement ciblées. Elles sont accusées de vouloir faire du sur place et d’entretenir leur présence dans les pays membres de la CEDEAO et notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Contre une situation qui perdure ces peuples ne sont pas près à baisser les bras. Le mouvement de contestation ira en s’amplifiant à d’autres contrées et à d’autres peuples. La solidarité internationale doit se manifester avec nos frères Maliens, Bourkina B., Nigériens. Il semble que nous assistons à un deuxième éveil africain, celui de la prise en compte de son destin face aux menaces en tout genre et que beaucoup d’enjeux mondiaux se dénoueront demain en Afrique.

RAINA

Alger, le 23 janvier 2022

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