Société

De si bonnes vibes entre Alger et La Havane

Amazigh Kateb s’est rendu à la Havane pour assurer la partie musicale avec des artistes cubains. Un album très attendu.

Mobiliser des créateurs algériens, les emmener à Cuba et revenir avec des projets et des initiatives, c’est le challenge du collectif d’artistes rassemblés autour de la thématique «Tropique du cancer». De ce mixage culturel résulte une résidence artistique, une exposition et un concert. A découvrir !

«J’ai découvert ce projet sur la Toile, et je trouve qu’il mérite toute l’attention vu sa structuration, son intention et son énergie. On peut s’avouer qu’en Algérie certains artistes attendent toujours des aides qui ne viennent pas. Ils peuvent stagner des décennies durant sans que leur quotidien ne change ! D’autres s’activent dans les ministères et les organismes affiliés au ministère de la Culture afin de faire valoir leur travail et par la même occasion celui des autres artistes.
J’ai été agréablement surpris par l’idée nouvelle et différente de ce groupe d’artistes algériens traversant Cuba d’art en art», affirme Ahmed Zeouali, plasticien et écrivain algérien, il a passé la moitié de sa vie entre la Suisse et l’Algérie, pour lui l’initiative de Karim Abdesselam est à renouveler et à suivre. «Peu de gens ont fait autant en si peu de temps pour nos artistes. L’art officiel gangrène la créativité !», regrette-t-il. L’initiateur de ce projet, l’artiste photographe Karim Abdesselam, a d’abord peu communiqué sur son projet en attendant de revenir de Cuba pour expliquer sa démarche et lancer la série de résidences artistiques qui s’étendra jusqu’au mois de décembre, et dont le fruit serait une exposition collective algéro-cubaine, un concert et une tournée.
On pourrait se poser la question sur le choix de Cuba, et on pourrait trouver un début de réponse dans le fait que les deux pays soient alignés sur le tropique du cancer. Une piste de plus pour comprendre le cœur du projet. L’idée était de rassembler des artistes dont les projets s’inscrivent dans une transversalité entre plusieurs domaines artistiques : musique, arts plastiques, management culturel. En juin dernier, la caravane pluridisciplinaire, composée d’une dizaine d’artistes algériens, s’est rendue à la Havane, brisant les chemins conventionnels qui mènent au pays de Fidel Castro, Celia Cruz, du Congri (plat national), ou encore du mystérieux Leonardo Padura !
Anticoloniaux
Arrivé à Cuba, l’équipe s’est enfoncée dans les rues de la capitale cubaine. Le séjour a été une véritable découverte pour certains, les photos et les vidéos réalisées témoignent de l’émerveillement, la nostalgie et parfois la curiosité de savoir ce qui se passe – et ce qui s’est passé – durant toutes ces années, dans ce pays qui a longtemps été isolé du reste du monde. Un pays qui intrigue depuis la récente annonce d’un rapprochement historique entre La Havane et Washington.
Une coïncidence qui donne, dans ce contexte, une autre dimension à cette combinaison multiculturelle. Il faut savoir que les actions menées sur le terrain, en Algérie et à Cuba, portent une réflexion constante sur l’histoire révolutionnaire des deux pays, la référence presque religieuse aux icônes nationalistes. Dans la présentation du projet nous pouvons ainsi lire : «On ne peut nier, par ailleurs, le fait que les deux nations ont toujours représenté le fer de lance des combats anticoloniaux et non alignés à travers la planète, leur rôle prépondérant dans l’élan qui a permis l’avènement du mouvement tricontinental durant les années 1960 et 1970 n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
L’idéologie socialiste étant, bien évidemment, le trait d’union qui a le plus alimenté cette complicité indéfectible.» Vu de cet ensemble, l’artiste, acteur majeur de la société, prend sa place dans ce retour aux sources. D’abord pour revoir ses moyens d’expression, la composition de sa démarche et ses initiatives dans le groupe. Puis, pour trouver des porteurs de projets et des structures accueillant artistes et public.
Lutte culturelle
Composé d’artistes algériens et cubains, ce projet a pour objectif principal de valoriser les artistes et leurs œuvres, tout en leur donnant des espaces à la hauteur, c’est-à-dire là où se retrouve la critique constructive et de bonnes conditions de travail. «A Cuba, l’art est partout !», confie Meriem Aitelhara, plasticienne et chef de département à l’AARC (Agence algérienne pour le rayonnement culturel). «Le séjour a été des plus fructueux. Rencontrer des artistes cubains et travailler avec eux dans un tel espace a permis de développer une pratique artistique de qualité.
Ces échanges ont encouragé l’AARC à contribuer dans le projet en organisant des résidences artistiques et aussi ouvrir des voies pour faciliter la promotion et la diffusion des cultures de chaque pays», annonce-t-elle. Les mois de novembre et de décembre prochains seront décisifs pour le collectif. Au programme : résidence artistique, préparation de l’exposition, vernissage, concert et une tournée musicale. Fruit de la collaboration entre Amazigh Kateb, de la chanteuse Diaz Ramos Lien, des musiciens cubains et algériens qui l’accompagneront.
Plus qu’une exhibition, plus qu’un voyage d’aventure, c’est une réflexion dans la continuité dont on n’a pas fini d’en parler, comme l’explique Mohamed Nazim Alem, coordinateur projet. : «Notre démarche vise surtout à prendre le pouls d’une société à l’histoire aussi tourmentée et héroïque que la nôtre, mais qui mène un combat quotidien totalement dénué de violence, une lutte culturelle et artistique le plus souvent silencieuse. Sa portée dépasse largement les frontières de Cuba ! L’Algérie connaît actuellement une sorte de sursaut culturel qu’il faudrait absolument encadrer et canaliser, nos amis cubains peuvent nous en apprendre beaucoup à ce sujet.»

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