Société

Décès de Claudine Chaulet, acteur et témoin du combat pour la liberté des Algériens, Par Saïd Djaafer

Les militants de Novembre que sont les Chaulet partent en octobre. Ce n’est pas un choix, c’est ainsi. Une sorte de prédestination. Pierre est parti le 5 octobre 2012. Claudine vient de le rejoindre en ce jeudi 29 octobre 2015. Paix aux braves.

A ceux qui partent à la veille de novembre, de ce ce grand mouvement qu’ils ont fait avec les autres militants de la cause nationale. De ce grand mouvement qui nous a fait et dont on cherche encore l’accomplissement.

En ces jours sacrés de veille de novembre, comment ne pas s’incliner bien bas devant la grandeur paisible de cette dame. Allah Yerahmak Claudine Chaulet.

La militante de la cause nationale Claudine Chaulet est décédée jeudi 29 octobre à Alger, trois ans après son compagnon dans la lutte et dans la vie, Pierre Chaulet, parti le 5 octobre 2012.

Née en en 1931 à Longeau en Haute-Marne, fille d’un officier de gendarmerie et d’une enseignante, Claudine est arrivée en Algérie en 1941. Etudiante à Alger, elle suit les cours d’André Mandouze, homme exceptionnel venu en Algérie en 1946 pour préparer une thèse sur Saint-Augustin, un grand chrétien, un ancien résistant pour qui l’insoumission était un « acte de foi ».

Un homme que sa droiture pousse à s’engager du côté des militants de l’indépendance et qui deviendra la bête noire des ultras de l’OAS et qui finira par être expulsé d’Algérie après avoir signé le  » Manifeste des 121 « .

Bifurcation décisive

C’est chez André Mandouze, à Hydra, le 21 décembre 1954, que Claudine Guillot rencontre Pierre Chaulet. Elle devait discuter du contenu du dernier numéro de la revue « Consciences Maghribines » elle se retrouve dans une sorte de bifurcation décisive où le cheminement personnel épouse celui de l’histoire.
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Elle le raconte dans le livre « Le choix de l’Algérie » : « Ce soir-là sont venus les deux Pierre (Chaulet et Roche) et deux personnes non prévues qui avaient besoin d’asile, Abdelhamid Mehri et Salah Louanchi (…) Quand vers la fin de mon séjour, le 6 janvier 1955, Pierre Chaulet m’a demandé si j’étais d’accord pour continuer avec lui, j’ai dit oui ».

Une épopée

Le couple Chaulet venait de se constituer. C’est ensemble qu’ils feront la révolution. Une épopée. Une action guidée par un engagement pour la justice sociale qui se prolongera par la lutte pour l’indépendance.

« J’étais syndicaliste en essayant de défendre les intérêts des étudiants. J’avais compris que le 1er Novembre était un événement extraordinaire qui allait donner enfin un sens aux luttes. C’est donc tout naturellement que je me suis engagée aux côtés de Pierre… ».

[fond bleu][BLOG – Pierre et Claudine Chaulet, un choix d’attachement (*)[/fond bleu]

En septembre 1955, c’est la rencontre avec Abane Ramdane, homme un « peu enveloppé, très sympathique et direct » qui pose la question de confiance. « Est-ce que l’organisation peut compter sur nous ? ». Nous répondons ensemble et séparément « oui ».

Transports de tracts, évacuation de militants recherchés, le récit de ces jours extraordinaires est raconté dans le livre à deux voix paru chez Barzakh avec l’humilité de ceux qui ont pleinement conscience d’avoir été dans un mouvement d’une ampleur gigantesque une révolution.

De la plate-forme de la Soummam transportée dans les langes de son bébé au récit de l’exfiltration de Abane Ramdane vers Blida le jour même où Pierre était arrêté par la DST. Une évacuation faite en compagnie du bébé. Ce n’est qu’après avoir déposé Abane Ramdane à l’entrée de Blida qu’elle se laisse aller. « C’est alors seulement que j’ai pu pleurer, mon bébé dans les bras ».

Ensuite ce fut l’exil, la poursuite du combat à partir de Tunis. Et cet engagement de sociologue-militante après l’indépendance par le même élan de justice pour cette paysannerie qui a été la force de la révolution.

Claudine Chaulet nous quitte la veille du 1er novembre, trois ans après Pierre Chaulet. Cette grande dame a choisi l’Algérie. On ne lui sera jamais assez reconnaissant. Sans elle, Pierre et d’autres, on serait encore des indigènes, a écrit quelqu’un, hier, en guise d’hommage.

Beaucoup le savent. Beaucoup garderont le souvenir d’une femme discrète, économe de paroles, dont les yeux pétillaient d’un humour très fin. D’une femme qui était belle. De la beauté des justes.

Par Saïd Djaafer

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