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DISPARITION DU PAGS: LE NÉCESSAIRE DÉBAT Par :Abdallah Chiboune.

A Raina je fais parvenir une réflexion sur un débat qu’il me parait nécessaire de promouvoir autour des facteurs ayant progressivement présidé à la déviation du PAGS puis à sa disparition. Cela me parait d’autant plus indispensable que les partis politiques encore en place semblent empêtrés dans les mêmes types de problèmes que nous avions connus il y a près d’un quart de siècle, les soumettant à des crises internes périodiques et les empêchant de prendre leurs envols. De même qu’ils continuent de faire obstacle à l’émergence d’une alternative politique de gauche crédible dont le pays a grandement besoin pour recentrer le débat sur les domaines traditionnels de clivages que sont l’économique, le social et la culture.

Cordialement
A.C

L’article du 28 Janvier 2016 de Sadek Hadjerès intitulé « Le PAGS et le Pays: cinquante années plus tard » s’inscrit dans le prolongement de celui très critique qu’il avait déjà commis le 20 Juillet 2010 sur la résolution politico-idéologique du congrès du Pags (cf. Socialgerie.net) et de l’interview-fleuve qu’il avait donnée dans « Le Soir d’Algérie » en 2007. L’ambition affichée par ces trois interventions consiste à suggérer les causes ayant conduit à l’implosion du Parti juste après sa sortie de la clandestinité et au lendemain de la tenue de son premier congrès en Décembre 1990, alors même que ces évènements majeurs dans la vie d’une organisation politique auraient dû donner une plus grande impulsion à son activité et, partant, à son implantation et à son influence dans la société.

Emanant de celui qui en était alors le premier responsable, c’est là, certainement, une initiative louable, qu’il convient de saluer à sa juste mesure et dont il faut souhaiter qu’elle soit suivie par d’autres témoignages et analyses de la part de membres de la direction de l’époque et – pourquoi pas ? – de militants de la base, susceptibles d’apporter des éclairages sur les défaillances dans l’orientation politique, les dysfonctionnements organiques et enfin de situer les responsabilités collectives de la Direction et individuelles de chacun de ses membres, dans cette catastrophe que les militants d’alors et les couches populaires ressentent encore comme telle, pour les avoir, en effet, privés d’un instrument au moins de résistance aux dérives multiformes que connait aujourd’hui le pays.

Pour revenir à ce que l’on pourrait, dans ce cadre, qualifier de contributions de Sadek Hadjerès, il est regrettable d’y relever une tendance à se soustraire à une analyse approfondie des causes et du mode opératoire ayant conduit à la déstabilisation progressive puis à la disparition du PAGS, continuant, près de vingt-cinq ans après, à en parler en demie teinte, n’osant pas même nommer clairement Hadj Bekhtaoui, qu’il désigne par ses seules initiales, comme s’il craignait que la mise en cause ouverte de ce personnage ne suscite de sa part des révélations gênantes quant à sa propre responsabilité.

Au reste, il est difficilement admissible d’imputer la responsabilité de la déconfiture de toute une organisation à un seul homme, aussi intelligent et diabolique soit-il, et ce quel que soit le degré d’implication des services à ses côtés. L’intelligence politique, l’expérience et la vigilance éprouvées par de longues années de militantisme et de clandestinité des autres membres de la direction, dont Sadek Hadjerès, excluent, à l’évidence, l’accréditation d’une telle hypothèse. Seul un large consensus sur l’orientation politique et les méthodes de travail et d’action, au sein de la direction comme des échelons intermédiaires, ont pu rendre possible à cette issue.

A cet égard, beaucoup de militants avaient été effarés par les orientations libérales qu’exprimaient publiquement comme en privé des membres de la Direction, dont certains ne manquaient pas de s’extasier sur les bienfaits soudainement révélés non seulement de l’économie de marché, mais aussi de ce nouveau capitalisme dit moderne dont Rebrab, disaient-ils, serait l’incarnation.

Cette vision inédite annonçait les renoncements futurs aux idéaux de progrès, de solidarité et de justice sociale qui ont façonné l’identité du Parti et guidé jusque-là l’engagement de ses militants. Elle s’était du reste déjà exprimée par une implication plutôt mitigée dans l’accompagnement et la direction des luttes sociales et démocratiques particulièrement massives et radicales des travailleurs et des couches populaires dans la période ayant suivi la révolte d’Octobre 1988, y compris dans leur aspiration à changer de cadre de représentation que la Direction s’entêtait, à contre-courant, à vouloir seulement rénover.

Elle trouvera son couronnement dans le silence et le laisser-faire approbatifs de la remise en cause des dispositions progressistes de la législation du travail par les lois sociales Hamrouche/Ghrib de 1990, ainsi que par le soutien au programme de libéralisation économique du gouvernement dont la Direction avait poussé la démesure dans la soumission, jusqu’à l’acter dans la fameuse résolution politico-idéologique (RPI) du congrès, pourtant censée incarner la matrice identitaire du Parti.

Pour faire adopter ses orientations, celle-ci a globalement bridé le débat politique interne et avec la société, ce dans un contexte de grands chamboulements tant à l’échelle internationale avec l’effondrement du monde communiste, qu’au plan national avec l’ouverture démocratique et l’émergence d’un courant islamiste hégémoniste et agressif, qui auraient normalement dû conduire à l’analyse approfondie et collective de ces situations inédites et à la définition d’une stratégie politique et à la mise en place d’instruments organiques à même d’y répondre.

Au lieu de prendre la mesure des défis et enjeux auxquels étaient confrontés le pays et ses forces patriotiques et de progrès, elle s’était cantonnée dans le repli et la manipulation par la peur de l’avenir et la suscitation de la méfiance entre les militants, comme méthodes d’action pour réduire leur vigilance et éluder les débats réclamés. Seuls semblaient la préoccuper le statu quo, y compris par un amarrage au pouvoir en place qu’elle sait pourtant profondément rejeté par la société, allant jusqu’à l’assurer d’un « soutien critique » aux relents opportunistes, car formulé dans un contexte de pluralisme politique où exister implique le port d’un projet alternatif autonome et crédible.

Aussi bien, il ressort que ce sont la sous-estimation et le déficit – liés à une longue période de clandestinité mais aussi d’essence idéologique – de la pratique démocratique tant dans la conception, la mise en œuvre et l’exécution des orientations politiques du Parti que dans les rapports de ce dernier avec la base sociale et politique dont il aspirait à se faire le représentant, qui sont fondamentalement à l’origine de son isolement, ont favorisé son infiltration par les services, pour enfin aboutir à sa disparition.

C’est pour cela qu’il est du devoir de chacun et en particulier des membres encore en vie de l’ancienne Direction, d’ouvrir ce débat qui n’avait pas eu lieu en son temps, pour enfin faire connaitre de manière aussi objective que possible les causes de cette implosion et aider au moins ainsi les jeunes générations de militants politiques à déjouer les pièges et interférences de la police politique et à se défaire de la tutelle autoritaire et sclérosante de leurs propre responsables de partis, qui sont autant de facteurs négatifs compromettant l’édification des organisations politiques puissantes dont le pays a besoin pour se construire et satisfaire les aspirations de ses citoyens au progrès et au bien-être.

Abdallah Chiboune.

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