Commentaires sur le Film « Inégalité pour Tous » de Robert Reich
”Comment contraindre le capitalisme de ne pas faire des choses insenses qui ne sont pas dans l’intérêt général? Si vous avez une démocratie qui fonctionne suffisamment bien, les lois et les règles économiques peuvent être changé pour empêcher cela. Mais si la démocratie est elle-même corrompue, alors il ne reste qu’une seule chose à faire: interdire aux grosses fortunes de se mêler de la politique”. C’est l’idée phare de Robert Reich dans son combat contre l’inégalité sociale dans son pays.
Robert Reich ancien secrétaire d’ état au travail dans l’administration Clinton, professeur à l’université de Californie Berkley, dénonce depuis quelques années la situation précaire dans laquelle vivent les travailleurs américains. Il a écrit plusieurs ouvrages dont lesquels il stigmatise l’orientation économique et politique, très libérale, de son pays qu’il juge catastrophique . Très récemment en 2013, il traita dans un film qu’il a réalisé ”Inequality for all” le problème de la réparation inégale de la richesse aux états unis. Ce film très pédagogique et argumenté séduit par son approche et analyse de ”classe”. A travers ce film il souhaiterait dit-il expliquer de manière simple à la majorité des travailleurs les règles du jeu de l’ économie. Ces règles qui déterminent les résultats économiques sont donc susceptibles d’être changées dans une démocratie qui fonctionnerait comme une démocratie devrait fonctionner. De sorte, que les règles peuvent être adaptées pour que les gains de la croissance économique soient plus largement distribués sans sacrifier l’efficacité ou l’innovation. Il construit son analyse sur la base du constat suivant appuyée par des statistiques officielles et des données réelles:
- 1% de la population américaine détient plus de 50% du revenu national américain. Pour Reich cette concentration des richesses entre les mains d’une faible minorité a conduit, chaque fois quand elle s’est réalisée, à une crise chronique suivie par un crash économique. Il illustre cette hypothèse par des données économiques montrant que les années 1928 et 2007 représentaient des pics dans la courbe de la répartition du revenu national. Les deux années qui ont suivi chacune des ces deux dates ont connu un crash.
- Dans ce film ”Inégalité pour tous”, des exemples de la vie quotidiennes aux USA montrent qu’en plus des salaires des travailleurs qui stagnent,
plusieurs familles de la classe moyenne avec deux salaires s’en sortent difficilement et souvent n’arrivent pas à terminer le mois.
- La baisse d’impôt concerne que les plus riches. Alors que les travailleurs de la classe moyenne voient plutôt leur impôt progresser. Dans certains cas le salaire des travailleurs est revu à la baisse et dans d’autres cas c’est le temps de travail des salariés qui est augmenté par les patrons. Le film présente des exemples édifiants sur cette situation.
- Face à cette situation dramatique du monde du travail américain s’ajoute l’absence d’organisations ou de syndicats (Unions) qui offrent un cadre de lutte aux travailleurs, pour se faire entendre et revendiquer des conditions de vie et de travail meilleures.
Pour Reich, la situation en Amérique n’était pas toujours aussi mauvaise. La période après la deuxième guerre mondiale était prospère et la répartition des richesses avantageait les classes moyennes. Il cite donc les progrès immenses dans le secteur de l’éducation et de l’industrialisation. Les choses ont commencé à se gâter à partir du début des années 70. Trois grandes étapes ont marqué depuis cette période jusqu’à nos jours:
1. L’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, a permis aux entreprises de faire passer le gel des salaires. Les familles ont commencé à sentir qu’un seul salaire n’était plus suffisant. Mais pour les entreprises c’était l’aubaine. Elles avaient augmenté leur temps travail sans avoir à augmenter la masse salariale. Ce qui devait être une émancipation pour les femmes est devenu une exploitation de leurs forces de travail.
2. La mondialisation, les progrès technologiques et le début des délocalisations allaient encore aggraver la situation des travailleurs. L’objectif des grandes entreprises est de faire des profits et non de créer des postes de travail. Ces entreprises ont donc cherché à produire là où le coût du travail est dérisoire. L’opposition des travailleurs à cette politique économique a été vite réprimée et leurs syndicats cassés. Le sort subi par le syndicat des aiguilleurs du ciel lors de sa grève au milieu des années 80 sous l’administration de Reagan, en est un exemple à ce titre.
3. Cette politique ne tarda pas à faire apparaître ses conséquences négatives sur l’économie. L’appauvrissement des travailleurs américains a conduit logiquement à une baisse de la consommation et finalement aux mauvaises performances des entreprises. L’artifice trouvé pour relancer la machine à faire des profits, après avoir épuisé tous les autres moyens (baisse de salaire, augmentation temps de travail, …), est de recourir au crédit pour booster la consommation. C’est vivre au-dessus de leurs moyens en s’endettant. La crash de 2008 en ait la consécration. Des lobby se sont donc constitués pour bloquer tout changement qui pouvait compromettre les intérêts des 1%. Toutes les institutions ont été phagocytés. Plus personne ne intéresse aux intérêts des travailleurs.
Reich, dans sa démarche critique de la politique économique américaine, n’a pas été tout à fait conséquent . Il s’est démarqué à chaque occasion des idées socialistes. Pour lui le capitalisme reste la solution. S’il rejette le libéralisme il penche vers la sociale-démocratie à l’européenne. Il a aussi, dans son film ”Inequality for all” fait l’impasse sur les guerres impérialistes menées par la classe dominante étasunienne. Le lien entre les intérêts des travailleurs américains et ceux des travailleurs des autres peuples a été aussi occulté.
Mohamed Morsatt
19/07/2014
Le film « Inequality for All »: