Luttes des travailleurs

Le boycott Israélien : un véritable pouvoir dans l’achat, Par Lobna Hadji

images-17.jpg| 5 Août 2014

Les festivités de l’Aïd el Fitr ont eu comme un gout amère cette année due aux évènements en Birmanie, Syrie, Irak, République Centrafricaine, Palestine, et plus particulièrement à Gaza. Comme à l’habitude, les musulmans du monde entier se sont acquittés de la zaqat-al-fitr, une aumône obligatoire versée à la fin du ramadan. La majorité des mosquées en France ont encouragé leurs communautés à se mobiliser et à diriger leurs actes charitables vers les opprimés de Gaza. On rapporte que l’élan de générosité de la part des communautés musulmanes a surpassé toute attentes.
Paradoxalement, ces mêmes communautés qui se rassemblent pour la cause Palestinienne sont celles qui consomment quotidiennement des produits d’entreprises (israéliennes ou non) qui soutiennent économiquement la politique sioniste d’occupation, de près ou de loin. Cette charité aux bonnes intentions est au final contradictoire. Or pour que tout soutien, et plus particulièrement un soutien à la Palestine, soit complet et cohérent, il se doit d’aller au delà des gestes occasionnels afin qu’actions et positions soient en total accord. Cette harmonisation est notamment possible à travers des choix économique conscients.
Opération Bordure « Destructrice »
Depuis le déclenchement de l’opération “ Bordure Protectrice ” ou plutôt “ Bordure Destructrice ” le 8 juillet 2014, le bilan des victimes palestiniennes s’élève à plus de 1650 morts, 8668 blessés, 410 000 déplacés et des souffrances incalculables. Pour ceux qui sont encore dans le doute que ce conflit n’est pas une guerre mais un massacre, laissons donc les chiffres parler d’eux même.
L’ONU estime que 75% à 80% des morts sont des civils, un tiers sont des enfants et que, parmi eux, 125,000 nécessiteront un suivi psychologique du à la perte de leur parents ou de leur maison. Evidemment, la plupart d’entre eux n’en recevront aucun et entreront à l’âge adulte avec les souvenirs douloureux des avions F16, des drones ainsi que des bombes. Ces chiffres restent très conservateurs et ne cessent d’augmenter au fil des heures.
Gaza: Châtiment Collectif
Gaza est sous blocus depuis sept longues années. Cette bande de terre de 41 km de long et 10 km de large est une prison dense à ciel ouvert où s’entassent quelques 1,8 million d’habitants. Gaza est assiégée, asphyxiée et étranglée. Les gardes se situent non pas à l’intérieur mais à l’extérieur de ce bout de terrain et l’occupant israélien contrôle absolument tout: terre, ciel et mer. Le sentiment de n’avoir rien ou de tout perdre fait partie du quotidien; vivre à Gaza rime avec mourir.
Israël châtie collectivement sans cesse la population de Gaza pour sa constante insolence mais surtout pour son manque de docilité face aux attaques. La bande de Gaza est régulièrement attaquée. Avant l’Operation “ Bordure Protectrice ”, il y a eu les opérations “ Plomb Durci ” en 2008 et “ Pilier de Défense ” en 2012, où les morts civils ne se comptent jamais sur les doigts d’une main. Son seul crime à Gaza est de continuer à vivre malgré ce qu’on lui fait subir, de ne pas se subordonner, mais de se borner à résister face à un état militaire, et ségrégationniste.
Gaza, c’est aussi un laboratoire de morts et de destruction pour Israël qui teste ses équipements militaires sur les Gazaouis, des vies ne semblent ne plus rien valoir. D’un point de vue militaire et expérimental l’Opération “Bordures Protectrice” est un vrai succès et les technologies seront bientôt exportées dans d’autres parties du monde pour continuer le carnage. Rappelons que ce massacre de plus de 20 jours continue grâce à l’aide américaine et aux généreuses donations de l’Europe pour la soit disant “recherche”. La majorité de la communauté internationale ne condamne pas, mais pire, elle reste muette et complice face à ce massacre, au racisme israélien institutionnalisé et son viol perpétuel des droits de l’homme. Les pays occidentaux vont plus loin encore et redéfinissent les termes. On parle étonnamment du “droit à l’auto-défense” alors que, fort est de constater, près de 80% des victimes sont des civils. Israël en tant que colon, ne peut pas jouer à la fois un rôle de victime et de colonisateur; il est évident que l’on est soit l’un ou l’autre mais pas les deux en même temps.
Ces atrocités n’existent malheureusement pas seulement à Gaza. Israël viole régulièrement les droits des palestiniens vivants en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Il est important de souligner que Gaza et la Palestine ne sont pas des entités différentes mais font bien partie de l’état palestinien et ce malgré les murs, les fausses frontières, les différents gouvernements et l’occupation illégale.
De l’Afrique du Sud à la Palestine
L’acharnement mensonger des médias et des politiques ne convainc pas. Ce conflit n’est pas une guerre mais une expédition punitive et disproportionnée qui a pour seul but le maintien d’une occupation illégale. Cependant, l’impunité accordée à Israël est en complet désaccord avec les mouvements actuels de solidarité avec Gaza. Si les gouvernements refusent d’agir face aux opérations militaires illégales d’Israël, les sociétés civiles locales et individus se mobilisent à travers des actions citoyennes et civiles afin de manifester leurs mécontentements en réponse à l’immunité octroyée à Israël. Ils utilisent des méthodes similaires qui ont isolé la société Sud Africaine pendant l’apartheid afin de promouvoir l’application du Droit International en Palestine et ce, tant qu’Israël ne respectera pas les Droits de l’Homme et le Droit International.
Un mouvement en particulier semble gagné en popularité et en ampleur. Le Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS) a été lancé par la société civile palestinienne en 2005 suite à des dizaines d’années de lutte contre Israël et sa politique d’apartheid. A travers le BDS, les palestiniens demandent aux citoyens du monde entier de boycotter Israël et de faire pression sur les entreprises étrangères afin qu’elles mettent fin à leurs collaborations avec un état jugé criminel par les lois internationales. Le boycott existe sous différentes formes : économique, culturelle, sportive et universitaire et est soutenu par des organisations et personnalités (israéliennes et non-israéliennes) telles que B’tselem ou des intellectuels tels que Ilan Pappe, Stephen Hawking, Gideon Levy, Desmond Tutu (prix nobel de la paix) et des artistes tels que Roger Waters (chanteur du group des PinkFloyds).
Le boycott économique des produits Israéliens ou des entreprises liées à la politique sioniste se dit être “la réponse citoyenne et non violente à l’impunité d’Israël”. Le BDS est une initiative honorable qui demande aux individus de prendre une position morale plutôt que d’être complice des crimes de colonisation. Comme le souligne le mouvement, “il ne s’agit pas de définir les règles, mais de les faire appliquer”. Le boycott est aussi une manière de responsabiliser et de créer une consommation éthique. Derrière chaque boycott, un message politique est adressé à Israël pour dénoncer et refuser de supporter sa politique répressive envers le peuple palestinien. Cliquer pour la liste des produits BDS.
Malgré le scepticisme de certains, il est rapporté que les campagnes BDS affectent d’une certaine manière l’économie des colons israéliens, même si il est difficile de mesurer le dégrée exacte d’impacte. Mais bien plus encore, elles semblent influencer non seulement l’opinion publique, mais aussi les consciences des entreprises. Récemment, la plus grande société de gestion de fonds de pension des Pays-Bas PGGM a décidé de retirer l’ensemble de ses investissements de cinq grandes banques de l’état sioniste. La petite nièce du fondateur de Walt Disney, Abigail Disney, a également renoncé à tous ses actifs dans AHAVA en expliquant qu’elle ne voulait pas “tirer le moindre profit d’une société installée dans une colonie”. De même, Sodastream vient d’annoncer la fermeture du magasin Ecostream de Brighton, en Angleterre et John Lewis ne commandera plus les produits après deux années de campagne.
D’autres boycottes économiques étendent la consommation éthique aux géants de l’industrie tels que Coca Cola, Nestlé, Starbucks, l’Oréal, Levis Strauss, Timberland, Celio, Mc Donalds, etc… Des entreprises qui apportent toutes un soutien non négligeable à l’état Israélien. Par exemple, l’Oréal a investi des millions en créant une usine de production à Migdal Haemeck, et le congrès juif a exprimé sa satisfaction de voir le géant de l’industrie international “devenir un ami chaleureux de l’état d’Israël”. McDonald’s dispose de plus de 80 restaurants en Israël et emploie près de 3000 personnes dans ces restaurants. McDonald’s applique une politique discriminative en interdisant à son personnel de parler l’arabe. Pareillement, Coca Cola a des liens très étroits avec la Chambre de commerce américano-israélienne, qui a pour mission de soutenir l’économie israélienne. La liste est longue mais le combat n’est pas impossible.
Un pouvoir d’achat légal et moral
Juridiquement les choses sont limpides, le boycott individuel est légal. Chaque citoyen jouit d’une pleine liberté quand à son pouvoir d’achat, et peut à travers lui exprimer son opinion notamment en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien. Face aux politiques, le pouvoir d’achat prend un tout autre sens. Il n’est plus passif, mais pensé et calculé. De ce fait, il reprend sa vraie étymologie et l’achat devient un pouvoir, un pouvoir réel d’expression d’opinion, de prise de position dans la vie quotidienne. Le boycott n’est pas non plus antisémite comme certains faussement l’affirment. Dans un article du quotidien Haaretz, le célèbre historien israélien Zeev Sternhell affirme : “ce n’est pas l’antisémitisme qui se trouve à la base du boycott des colonies qui se développent en Europe. Le boycott est tout d’abord une sorte de révolte contre le colonialisme et l’apartheid qui dominent les territoires“.
Et demain?
Le boycott, qui n’est pas une fin en soi, n’est bien sûre qu’un aspect de la lutte pro-palestinienne et fait partie d’une campagne morale mondiale pour la justice d’un peuple opprimé. Une lutte lucide se doit d’être étudiée et d’aller au-delà des mots, des statuts Facebook, des Tweets, et de l’aumône. Peut importe la prise de position, il est important de garder une cohérence, une conscience entre positions, choix et actions. Un véritable engagement ne doit pas seulement se limiter à des initiatives occasionnelles mais doit s’étendre à des compromis au quotidien, même lorsque la souffrance des enfants de Gaza disparaitra du théâtre médiatique.
Il existe aujourd’hui une responsabilité et un devoir moral est encore plus profond chez les anciens colonisés qui, aux noms des souffrances, des tragédies, des vies disparues, du traumatisme colonial, du silence et surtout au nom de l’indépendance, se doivent de responsabiliser leurs choix. Mais rappelons que le massacre à Gaza n’est pas uniquement un problème local mais un sujet universel. Il ne faut pas être palestinien, arabe, musulman, chrétien, juif ou ancien colonisé pour s’en préoccuper, il faut tout simplement être humain.
telechargement_2_-5.jpg Lobna Hadji est une franco-algérienne qui a grandi aux Etats-Unis. Elle est diplômée de la prestigieuse Université de Columbia à New York, où elle a obtenue un Master en Affaires Internationales, en développement économique et politique. Passionnée, elle s’intéresse aux questions socio-économiques et politiques à travers le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, plus particulièrement au processus de démocratisation. Actuellement à Genève, elle est investie dans la lutte et la prévention des violations des droits de l’homme dans les pays musulmans et arabes.
– See more at: http://www.algerie-focus.com/blog/2014/08/le-boycott-israelien-un-veritable-pouvoir-dans-lachat/#sthash.ZooBeQ2P.dpuf

Les commentaires sont clos.