Politique

Les Eglises d’Orient et la situation en Syrie.

Les Eglises d’Orient entre Mar Bichara Boutros Er-Raîî, le synode
2010, Paolo Dall’Oglio et sœur Agnès Mariam de la Croix
par Mohamed Bouhamidi –

Mar Bichara Boutros Er-Raîî, patriarche maronite et cardinal depuis
novembre 2012, a suscité d’innombrables commentaires en se rendant à
Damas, le 10 janvier 2013, pour la messe célébrée en l’honneur de Jean
X El Yazidji, nouveau patriarche grec orthodoxe d’Antioche et de tout
l’Orient.
Chacun des aspects de ce premier voyage d’un patriarche maronite depuis
trente ans avait de quoi provoquer des réactions passionnées ou
enthousiastes. Le discours du patriarche ne laisse aucun doute sur la
puissance des motifs qui ont surclassé un si vieux différend. Deux très
courtes citations suffisent à les jauger. Mar Bichara a affirmé que «
chaque goutte de sang versé en Syrie est une larme du Christ ». Bichara
est fils de l’Orient et, pour ne laisser aucun doute, sur ces terres
habiles à la controverse, sur la signification de son message, il affirme
avec force qu’« aucune réforme ne mérite une goutte de sang d’un
innocent mort injustement ». Cette formule ne laisse aucune place au doute: l’entreprise engagée en Syrie est, aux yeux de Bichara, criminelle et
illégitime, du fait même qu’elle verse non pas quelques gouttes de sang
innocent, mais a saigné des villages entiers.
Les adversaires du voyage damascène se recrutent dans l’opposition
syrienne et sa squelettique composante chrétienne et dans les partis
libanais du 14 mars. Par cette démarche de convergence fraternelle entre
maronites et orthodoxes grecs, Mar Bichara et El Yadjizi ôtent de la
bouche des partis chrétiens leur « rente » de confusion entre
représentation politique et représentation communautaire, chaque parti
étant à la fois le parti d’une vision politique et/ou d’une église
particulière. Les soutiens de cette visite savaient, par contre, le poids
symbolique et politique considérable de cette venue et de cette attitude
d’unité des églises d’Orient si diverses et si souvent divergentes.
Deux ou trois souvenirs pour situer cette importance.
Les propos de Bichara s’opposent frontalement au discours, aux actes et
à l’agitation du Père (jésuite) Paolo Dall’Oglio pour pousser les
chrétiens de Syrie au soutien de la « révolution », puis à la «
neutralité » après son échec patent à les entraîner dans son
entreprise et enfin pour obtenir le soutien de l’opposition syrienne
(http://www.lalibre.be/actu/international/article/765036/les-propos-du-pere-paolo-me-scandalisent.html).
L’autre souvenir est celui de Sœur Agnès Mariam de la Croix et son
action pour la manifestation de la réalité du terrain faite de
destruction des églises (et de mosquées alaouites), de nettoyage
confessionnel et ethnique de la part des rebelles. Le troisième souvenir
est celui du synode des évêques pour l’Orient qui s’est tenu à
Nicosie en juin 2010 et qui tirait la leçon de la guerre d’Irak et la
colonisation israélienne sur la destruction des églises de Palestine et
d’Irak qui se vidaient de leur communauté chrétienne.
Le synode montrait qu’une partie de l’Eglise sensible à la présence
chrétienne refusait que les chrétiens quittent les terres de la naissance
de sa foi. Le synode montrait qu’une partie de l’Eglise n’était pas
dupe que, dans le « paquet » démocratique des interventions
étrangères, se trouvait le colis des idées du Plan Yinon de division en
Etats ethniques et confessionnels de la région en s’assurant de
l’exode des chrétiens. Le synode a demandé alors aux chrétiens
d’Orient de rester sur place, de refuser d’émigrer, en soulignant la
valeur de témoignage de leur présence. On sait le poids de cette notion
de témoignage pour l’Eglise. Benoît XVI a soutenu la tenue du synode
puis le voyage de Bichara. Il a refusé de recevoir une délégation des
rebelles sans leur condamnation préalable de la violence. Il a envoyé, le
19 fevrier2013, le cardinal guinéen Robert Sarah en Jordanie pour visiter
les réfugiés syriens et les assurer de sa compassion tout en réaffirmant
par la bouche de ce dernier son refus d’un exode des chrétiens
d’Orient hors les cas désespérés. Une partie de l’Eglise d’Orient
se dresse déjà contre le projet de détruire la volonté des peuples de
se construire un destin indépendant et solidaire retrouvant dans sa lutte
contre la Rome moderne de l’Empire que nous affrontons l’essentiel du
souffle de Jésus dans sa lutte contre la Rome antique et de ses alliés
les commerçants du Temple. Une Eglise arabe des peuples voit-elle le jour? Paolo Dall’Oglio en étoufferait de rage. Bon débarras.

Mohamed Bouhamidi

http://www.reporters.dz/index.php?option=com_content&view=article&id=4809:les-eglises-dorient-entre-mar-bichara-boutros-er-raii-le-synode-2010-paolo-dalloglio-et-sur-agnes-mariam-de-la-croix&catid=6:monde-&Itemid=13

Les commentaires sont clos.