Histoire

LETTRE À JULIETTE

A l’occasion du premier anniversaire de la disparition de notre camarade GEORGES ACAMPORA nous remettons en ligne la lettre poème lue lors de l’hommage qui a été rendu par la Moubadara du 24 février ( à la fin octobre de l’année 2011, quelques mois avant son décès survenu le 11 février 2012 ) adressée à la camarade Juliette sa femme !
par FATEH AGRANE

LETTRE À JULIETTE

Bonjour camarade !
Aujourd’hui je voudrais te dire des tas de choses !
Comme, comment m’apprendre à tresser le courage, tailler l’espoir pour en faire emblème ! comment allaiter le condamné a mort avant la guillotine !
Te dire de m’apprendre à résister et lutter pour deux, pour mille, pour l’idéal !
Je me contenterais juste de te demander de me raconter l’histoire du (pull)
Le pull destiné A Fernand, il avait froid le camarade en ce début du mois de février 1957 dans le quartier des condamnés a mort de la prison de Barbe rousse a ALGER ! Sa femme est venue te voir pour lui transmettre à travers son compagnon Georgio, un pull qui puisse le tenir au chaud car c’était ton jour de parloir !
Et tu te présentas fierté ! à la porte de la prison voulant faire la chaine pour voir ton amour GEORGIO, les femmes présentes sur les lieux t’avaient alors demandé de ne pas rentrer ce jour là ! Étonnée et angoissée tu avais foncé vers la porte et là on t’informa que FERNAND YVETON à été guillotiné a l’aube, avec ses compagnons Mohamed OUENNOURI et MOHAMED LAKHNECHE.
La terre avait tremblé sous tes pieds, et tu avais éclaté en sanglots, les femmes t’avaient dis alors ! surtout pas devant eux ! Ne pleures pas devant « l’isstiaamar » le colonialisme.
Ils les ont guillotinés à l’aube !… le poète Nazim Hikmet disait dans une lettre de prison à sa bien aimée pour la rassurer « on ne va quand même pas arracher la tête d’un homme comme on arrache un navet ! »
Et pourtant ma chère JULIETTE ! Comme l’avait dis le jour même de l’exécution ANNIE FIORIO STEINER détenue au même moment et a la même prison dans le quartier réservé aux femme !
Ce matin ils ont osé
C’était un matin clair
Aussi doux que les autres
Ou vous aviez envie
De vivre et de chanter. Vivre était votre droit
Vous l’avez refusé
Pour que par votre sang
D’autres soient libérés.
Que vive votre idéal
Et vos sangs entremêlés
Pour que demain ils n’osent plus
Ils n’osent plus
Nous assassiner.
En sanglots tu te présentas au parloir devant GEORGIO qui te répéta la même chose « ne pleures pas, veux tu faire plaisir aux gardiens ? Ressaisis toi, oui, à l’aube ils ont exécuté Fernand Iveton et les deux frères ! Surtout ne pleures pas !
Le couffin a été remis et le pull d’YVETON c’est GEORGIO qui l’a mis jusqu’à la fin , jusqu’à ce qu’il tombe en lambeaux !
La légende dit que ce pull a été porté par tous les condamnés à mort exécutés et ceux restés en vie !
Par nos chouhada tombés au champ d’honneur pour que vive l’ALGERIE libre et indépendante !
Ce pull a voyagé dans le ciel bleu d’ALGERIE ! Pour raconter le rêve des martyrs pour la justice, la solidarité et la liberté !
Ce pull qu’a porté GEORGIO et toi ma chère JULIETTE nous le porterons toujours sur notre dos et dans nos cœurs ! La légende dit qu’il avait trois couleurs, vert, blanc et rouge frappé d’un croissant et d’une étoile !
JULIETTE je t’embrasse !
aujourd’hui je voudrais te dire des choses ! que je ne pourrais jamais parler de GEORGIO, OUENNOURI, IVETON, LAKHNECHE, sans penser à toi ! et à tes semblables, résistants anonymes de notre peuple !
Que je ne pourrais jamais penser au combat sans me rappeler ton doux sourire et ta voie cristalline !
Que je ne pourrais jamais parler liberté sans condamner le colonialisme ! Tu sais JULIA rien qu’hier sur les colonnes d’EL WATAN deux journalistes de ce quotidien ont écrit en réponse à un historien indigné devant leur aplaventrisme devant l’OTAN que « la lutte contre l’impérialisme est un combat d’arrière garde », c’est sûr qu’ils ne t’ont pas connue ! c’est sûr qu’ils n’ont pas porté le pull d’YVETON et d’un million et demi de « chouhada » ! savent- ils au moins qu’ils parlent du stade suprême d’un ordre qui a engendré le colonialisme ?
Je t’embrasse mère, camarade !
FATEH AGRANE
28 10 2011

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