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L’université de Boumerdès: Entre une gestion laxiste et le diktat de certains étudiants que reste-il à faire?

Depuis quelques années l’université de Boumerdès est le théâtre en permanence de conflits et de grèves d’étudiants. On peut se dire, à certains moments, que c’est tout à fait normale qu’une université connaisse des mouvements de protestions de la part des étudiants revendiquant de meilleures conditions de travail et d’études. On peut supposer aussi que, vu le nombre d’étudiants qui augmente chaque année, on ne manque pas de voir quelques problèmes surgir mettant en difficulté momentanément la gestion administrative de l’université. Cela peut passer, mais, ce n’est pas du tout le cas.


Une minorité d’étudiants, pas toujours la même et selon le problème qu’elle rencontre, agisse en bloquant les accès à l’université et aux facultés paralysant toute activité. Ainsi cette minorité annule des cours ou des examens selon les périodes et son bon vouloir. Le moyen d’action et de communication de cette poignée d’étudiants est le fameux FaceBook. Le mot d’ordre, pour la dernière grève, est très simple « On ferme la fac » et les raisons sont incroyables. Certains donnent comme raison « pas d’examens au mois de Ramadhan » et d’autres invoquent les mauvaises conditions pour le « ftour » dans les résidences durant ce mois sacré. Une situation pareille est impensable dans un milieu universitaire qui est sensé, en principe, abriter l’élite de demain. Cela peut arriver, peuvent dire par indulgence certains! Mais, malheureusement cette situation et ces manières d’agir persistent depuis déjà quelques années. Le même mot d’ordre « on ferme » et les raisons sont variables selon les moments et le désir des uns et des autres. Cela va du report des examens à leur immixtion dans la note de rachat en passant par le soutien à un de leur camarade exclu par un conseil de discipline. Ils sont aussi prêt à tout pour faire pour taire les étudiants qui osent s’opposer à leur action. L’intimidation et la violence physique sont devenues leurs seuls arguments pour faire valoir la « justesse » de leurs revendications.


En face, de cet état d’esprit des étudiants, se trouve une administration complètement dépassée et piégée par des années de gestion laxiste. Aucune décision réglementaire, contestée par les étudiants, n’a été appliquée à leur encontre. Combien de fois, des sanctions disciplinaires d’étudiants ont été tout simplement annulées par le responsable de l’université, au mépris des conseils de discipline des facultés. Les notes de rachat, avec la pression de l’administration, ont été revues en réaction à la pression des étudiants. Les questions sur les problèmes que rencontre la gestion de la pédagogie et toutes leurs implications sur la qualité de l’enseignement sont rarement discutées. La communication avec les étudiants est réduite au simple affichage des emplois du temps et des notes d’information. Elle se prive ainsi de toute stratégie ou anticipation pour comprendre et résoudre les problèmes des étudiants. Cette gestion au jour le jour vise en réalité le maintien du statu quo et l’évitement toute agitation qui risque de déborder et compromettre la paix sociale. Ignorant qu’au contraire c’est une telle gestion populiste qui met en danger la société à moyen et à long terme. Mais peut-on espérer mieux de notre système au pouvoir?


Que pensent les enseignants dans tout ça? Les enseignants de la faculté des sciences, où souvent les grèves des étudiants sont plus visibles, sont partagés entre une minorité agissante et une majorité silencieuse. La majorité silencieuse; on ne sait pas ce qu’elle pense de cette situation. Certains parmi eux considèrent leur activité d’enseignant comme accessoire, d’autres, on peut le supposer par éloignement de leur lieu de résidence viennent juste pendant leurs charges horaires. Ils évitent le déplacement quand ils apprennent qu’il y a une grève. De ce fait ils s’excluent de la vie à l’université et ce qu’elle implique comme engagement. Revenons à la minorité agissante qui se démène à proposer des solutions et garantir le respect minimum de la réglementation pour maintenir tant que cela peut un niveau acceptable des études . Mais, leurs propositions heurtent souvent celles de l’administration et elle accepte difficilement le consensus sans lequel aucune solution ne peut être trouvée. Comme dans toute partie agissante, les idées et les approches de sa composante diffèrent, se contredisent parfois et c’est tout à fait normale dira-t-on si cela ne devient pas un frein pour son activité. Elle reste donc loin de constituer une force de proposition agissante et efficace.

Le temps des syndicats ou des organisations d’étudiants semble aujourd’hui révolu. Le temps où ces jeunes élites, partageant le même idéal, rêvaient ensemble de construire une société meilleure, débattaient entre eux des problèmes, agissaient ensemble pour proposer leurs solutions mais ne leur venaient jamais à la tête que pour passer en année supérieure il faut baisser la note de rachat ou penser que le ramadhan n’est fait que pour dormir. Ce temps là, semble bien dépassé. Mais faut-il pour autant le regretter? La question n’est pas là.

Facebook, aujourd’hui, a pris place dans la vie des jeunes de toutes les catégories. Une minorité non organisée et sans se connaître et sans être jamais rencontrée, mais seulement connectée au même réseaux peut agir une fois le mot d’ordre est lancé. Il ne faut plus de discours élaborés et des arguments bien choisis pour les convaincre. Il ne faut plus interpeller leurs raisons. Depuis longtemps, leur esprit critique a été annihilé. Il ne l’ont jamais pratiqué ni dans leur environnement social ni encore moins à l’école. Dans ce cas, Imaginer dans une telle situation où le plus simple échange reste difficile à établir,les multiples possibilités de manipulations, de dévoiement des luttes sincères pour résoudre les problèmes et l’exploitation de la colère parfois légitime des jeunes pour de sordides intérêts. La vraie question est comment approcher ce problème et ce nouveau phénomène? Les solutions du passé ne peuvent être des solutions pour les problèmes d’aujourd’hui. L’expérience a montré que la répression ne règle rien. Seul remède est donc la démocratisation de l’espace publique adossée à une réforme profonde de l’école où l’on n’apprend pas seulement à restituer les connaissances mais aussi à développer son esprit critique. Le résultat se verra le temps d’une génération ou deux.


Le 23/06/2015.
Mohamed Morsatt(mmorsatt@gmail.com)

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