Politique

La « guerre mondiale contre le terrorisme » a tué au moins 1,3 million de civils

Révélations Humanité Dimanche. Un rapport publié par un groupe de médecins lauréats du prix Nobel de la paix révèle qu’un million de civils irakiens, 220 000 Afghans et 80 000 Pakistanais ont péri, au nom du combat mené par l’Occident contre « la terreur».

« Je crois que la perception causée par les pertes civiles constitue l’un
des plus dangereux ennemis auxquels nous sommes confrontés », déclarait en
juin 2009 le général états-unien Stanley McCrystal, lors de son discours
inaugural comme commandant de la Force internationale d’assistance à la
sécurité en Afghanistan (ISAF). Cette phrase, mise en exergue du rapport
tout juste publié par l’Association internationale des médecins pour la
prévention de la guerre nucléaire (IP- PNW), lauréate du prix Nobel de la
paix en 1985, illustre l’importance et l’impact potentiel du travail
effectué par cette équipe de scientifiques qui tente d’établir un décompte
des victimes civiles de la « guerre contre le terrorisme » en Irak, en
Afghanistan et au Pakistan.

« LES FAITS SONT TÊTUS »

Pour introduire ce travail globalement ignoré des médias francophones,
l’ex-coordinateur humanitaire pour l’ONU en Irak Hans von Sponeck écrit: «
Les forces multinationales dirigées par les États-Unis en Irak, l’ISAF en
Afghanistan (…) ont méthodiquement tenu les comptes de leurs propres
pertes. (…) Celles qui concernent les combattants ennemis et les civils
sont (par contre) officiellement ignorées. Ceci, bien sûr, ne constitue pas
une surprise. Il s’agit d’une omission délibérée. » Comptabiliser ces morts aurait «détruit les arguments selon lesquels la libération d’une dictature en Irak par la force militaire, le fait de chasser al-Qaida d’Afghanistan ou
d’éliminer des repaires terroristes dans les zones tribales au Pakistan ont
permis d’empêcher le terrorisme d’ atteindre le sol états-unien,
d’améliorer la sécurité globale et permis aux droits humains d’avancer, le
tout à des coûts “ défendables ”».
Cependant, « les faits sont têtus », poursuit-il. « Les gouvernements et la
société civile savent que toutes ces assertions sont absurdement fausses.
Les batailles militaires ont été gagnées en Irak et en Afghanistan mais à
des coûts énormes pour la sécurité des hommes et la confiance entre les
nations. »
Bien sûr, la responsabilité des morts civils incombe également aux «
escadrons de la mort » et au « sectarisme » qui portait les germes de
l’actuelle guerre chiitesunnite, souligne l’ancien secrétaire à la Défense
Donald Rumsfeld dans ses mémoires (« Know and Unknown », Penguin Books,
2011).
Mais comme le rappelle le docteur Robert Gould (du Centre médical de
l’université de Californie), l’un des auteurs du rapport, « la volonté des
gouvernements de cacher le tableau complet des interventions militaires et
des guerres n’a rien de nouveau. Concernant les États- Unis, l’histoire de
la guerre au Vietnam est emblématique. Le coût immense pour l’ensemble de
l’Asie du Sud-Est, incluant la mort estimée d’au moins 2 millions de
Vietnamiens non combattants, et l’impact à long terme sur la santé et
l’environnement d’herbicides comme l’agent orange, ne sont pas encore
pleinement reconnus par la majorité du peuple américain». Et Robert Gould
d’établir un autre parallèle entre la sauvagerie des Khmers rouges, qui
émergeront d’un Cambodge dévasté par les bombardements, et la récente
déstabilisation « post-guerre » de l’Irak et de ses voisins, laquelle a
rendu possible la montée en puissance du groupe terroriste dit « État
islamique »

TOTAL ESTIMÉ À 3 MILLIONS

Bien loin des chiffres jusqu’à présent admis, comme les 110 000 morts
avancés par l’une des références en la matière, l’« Iraq Body Count »
(IBC), qui inclut dans une base de données les morts civils confirmés par
au moins deux sources journalistiques, le rapport confirme la tendance
établie par la revue médicale « Lancet », laquelle avait estimé le nombre
de morts irakiens à 655 000 entre 2003 et 2006. Depuis le déclenchement de
la guerre par George W. Bush, l’étude de l’IPPN aboutit au chiffre
vertigineux d’au moins 1 million de morts civils en Irak, 220 000 en
Afghanistan, et 80 000 au Pakistan. Si l’on ajoute, concernant l’ancienne
Mésopotamie, le bilan de la première guerre du Golfe (200 000 morts), et
ceux du cruel embargo infligé par les États-Unis (entre 500 000 et 1,7
million de morts), ce sont presque 3 millions de morts qui sont directement
imputables aux politiques occidentales, le tout au nom des droits de
l’homme et de la démocratie.
En conclusion du rapport, les auteurs citent le rapporteur spécial des
Nations unies de 2004 à 2010 sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires: selon Philip Alston, qui s’exprimait en octobre 2009, les
investigations sur la réalité des attaques de drones (lire encadré) étaient
presque impossibles à mener, à cause de l’absence totale de transparence et
le refus des autorités états-uniennes de coopérer. Puis il ajoutait, après
avoir insisté sur le caractère illégal au regard du droit international de
ces assassinats ciblés, que « la position des États-Unis était intenable».
Trois semaines plus tard, Barack Obama recevait le prix Nobel de la paix …

*PENDANT CE TEMPS-LÀ, EN IRAK, EN AFGHANISTAN, AU PAKISTAN… *

Le 20 avril dernier, la « coalition antidjihadistes » dirigée par les États-Unis
indiquait dans un communiqué avoir mené en 24 heures 36 raids aériens
contre des positions du groupe « État islamique », dont 13 dans la province
d’Al-Anbar, à l’ouest de Bagdad. Combien de « dommages collatéraux » civils
dans cette région, l’une des plus touchées par les violences depuis
l’invasion de l’Irak en 2003 ? Les communiqués militaires demeurent
systématiquement muets sur cette question, alors que plus de 3 200 «
frappes » aériennes, selon la novlangue moderne, ont été effectuées depuis
le mois d’août 2014 et la prise de Mossoul par l ’« État islamique». Le 18
avril, c’est un attentat-suicide, « technique » de combat inconnue en
Afghanistan avant le 11 septembre 2001, qui faisait 33 morts près de la
frontière pakistanaise. À la fin du mois de mars, des sources sécuritaires
pakistanaises faisaient état de 13 « djihadistes » liés aux talibans tués
lors d’une attaque d’un drone états-unien.
Près de 10 000 soldats américains sont toujours stationnés en Afghanistan.

Les commentaires sont clos.