Société

Constitutions à l’algérienne par Mohamed Bouhamidi

Derrière la méthode, se profilent toujours les questions de fond. Et tout d’abord, celle de savoir qui est en droit de parler et de s’exprimer sur le problème posé, de la validation des intervenants.

Sur ce projet de constitution, la méthode indique que les citoyens n’ont rien à dire sur ses propositions et son contenu. Mais vraiment rien à dire puisqu’ils n’ont pas à l’approuver par un vote, ce qui aurait supposé un débat public au moins entre partis politiques ou acteurs de la vie syndicale, des campagnes pour le oui ou le non, un décryptage ouvert et finalement un respect du rapport des forces dans la société.

La nouvelle-ancienne constitution sera approuvée par le Parlement et le Sénat.

Donc, sur un rapport de force électorale qui concernait d’autres aspects de la vie politique qui pouvait séparer les électeurs sur des détails, alors qu’ils pouvaient s’unir sur certains principes généraux.

Donc, sur les résultats d’élections largement boycottées, à bon droit décriées et qui ont connu une présence inégalée de ce qu’on appelle l’argent sale. En clair, l’achat par les oligarques locaux de l’investiture en vue d’obtenir un siège d’élu qui renforcerait «la force de captage des marchés et des appels d’offres». Des Khodorkovski miniatures quand le ou les grands Khodorkovski accédaient directement au sommet du pouvoir et aux immenses pactoles grâce à leurs liens privés avec ce même sommet et en dehors même des relations tribales traditionnelles.

Nous sommes vraiment en phase d’agrégation de groupes de plus en plus déterminés par leurs liens à l’argent. Alors même que le pouvoir sous le président Bouteflika apparaissait comme le pouvoir le plus régionaliste de notre histoire postindépendance, il portait en lui et dans ses pratiques la mise en place de la suprématie du lien par l’argent sur le lien social tribal même si, pour cela, il fallait raviver une base makhzen «modernisée» par une mise à jour marchande.

Nous avons donc une première indication, par le mode d’adoption, que la réforme constitutionnelle ne concerne que ce néo-makhzen. Quel autre terme, en effet, pour désigner ce genre de gouvernance dans ses formes courtisanes comme dans l’émergence de ces groupes au-dessus des lois et des tribunaux dans la pure tradition des privilèges féodaux avec ses oligarque et ses Khelil, visibles et invisibles ?

N’empêche que ce néo-makhzen est né d’une décision du pouvoir de confier au président Bouteflika la réussite des réformes «capitalistes» qui avaient échoué du temps du président Chadli. Sa survie en tant que caste dépend entièrement du maintien de la politique dans son cours et dans ses formes actuelles. Mais elle est dans l’incapacité de construire un arbitrage par les lois entre, non les intérêts, mais les appétits des différents groupes et coteries qui la composent.

D’autant que dans le pays, de très nombreuses entreprises familiales sont passées au stade d’entreprises capitalistes dans la mentalité de leurs propriétaires devenus actionnaire et dans leur mode de gestion et de management. Cette classe de capitalistes en formation ne regardera pas passivement les privilèges de cette caste corrompre la vie économique.

Le fossé se creusera inéluctablement entre l’avidité, les pratiques de pouvoir, les mœurs politiquesde ce néo-makhzen et les attentes des centaines de milliers d’étudiants, des centaines de milliers de cadres, des centaines de milliers de travailleurs et des milliers de PME/PMI ou des centaines de grands entreprises qui ont besoin d’un nouveau consensus national pour sauver le pays et l’Etat Algérie et se créer l’espoir d’une nouvelle dignité.

M. B
publié In Impact24 le 17.01.2016 20:00

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