Société

Fawzia Bouhamidi-Bendali. L’amour, la mort, la résistance.

Donne moi quatre cartouches. Trois c’est pour moi et les enfants. Tu gardes la quatrième pour toi. Dans la réalité ce fut plus bref et plus impérieux que dans l’extrait que j’ai sélectionné. Fawzia me demandait de la tuer et de tuer nos enfants pour empêcher que la main des terroristes les touchent. Il fallait qu’elle ressente la mort de leurs mains comme la suprême souillure, l’insupportable à subir dans sa vie et dans sa mort. J’ai promis et Fawzia savait que je tiendrais parole et que je ne retournerai pas la quatrième cartouche contre moi.
Le commentaire de Fateh Agrane a parlé de cet épisode de notre vie, Fawzia et moi et de nos enfants qui n’en savait rien. Je ne sais pas si dans une relation d’amour, il est arrivé à quelques autres, d’atteindre cette extrême limite du vécu humain d’être en charge de tuer sa propre épouse et ses propres enfants, à la demande de leur mère. Comment ne pas y voir le poids écrasant du message d’Abraham qui devait nous apprendre à ne plus sacrifier les humains mais un animal propre. Je devais faire l’inverse, tuer mes enfants pour qu’il ne serve pas d’offrande aux terroristes. je me sentais projeté par Fawzia aux abysses de notre notre drame et aux hauteurs sidérales de de ce qui nous fondait comme humains.
J’ai promis et j’ai pleuré, mon cœur à genoux.
Je voyais Fawzia sortir tous les matins, tête nue, Nachida Bendaliet Djahida aussi, défiant le danger et les menaces dans cette zone où nous étions et qui, entre seize et dix-sept heures basculait sous l’autorité sans partage des terroristes, qui passaient aussi sous nos fenêtres. Cette zone, où le soir tombé, des ados et des plus âgés s’enduisaient le cou d’huile d’olive pour que le couteau passe plus vite, leur fasse moins mal. Je la regardais dans sa témérité tranquille et sereine, sans discours et sans mots, affronter le regard des guetteurs. Ne pas céder, résister, taire ses peurs et ses terreurs.
Les anciens moudjahidinnes avec qui je portais les armes avaient fini par vouer un immense respect pour elle, cette femme, cheveux nus, qui savaient leur parler dans leur langue, les accueillir dans le respect des codes, qui leur écrivait leurs requêtes en arabe ou en français.
Voilà Fatah, Fawzia a aimé, résisté, affronté yeux ouverts la menace de mort. Sans verbiage, sans même un commentaire, de ce courage des hautes altitudes.
Tu comprends Fatah, que Fawzia m’a élevé aux hauteurs cosmiques du rapport à la vie, à l’amour, à la mort, à la résistance.
Je te remercie d’avoir parlé de Boufarik, de cet or concentré de ma vie d’enseignant, de dirigeant syndical et de cadre du PAGS qui, à l’intérieur de ce qui fut notre parti, a eu le bonheur d’être au cœur de nos noyaux ouvriers, paysans, féminins et juvéniles, dans une expérience unique qui explique en partie pourquoi dans cette région la résistance, toutes formes possibles en oeuvre, au terrorisme a su réussir malgré sa part de deuils.
Merci pour Fawzia Bouhamidi-Bendali et merci pour Boufarik.
Voilà pour ce qui ne l’auront pas lu, ton commentaire :

Fateh Agrane A Mon grand frère Mohamed Bouhamidi
La lumière marine o! Fils de Belcourt des résistants des humbles coule et coulera dans tes veines
Doucereusement comme ton sourire accompagnant la dernière « Ref3a Chema » du camarade Nasser sur son lit de mort, comme celui de ta mère omniprésente dans tes souvenirs du combat libérateur, comme les cris des manifestants de décembre « TAHYA EL DJAZAIR »
Comme celui des paysans de Boufarik avec qui tu as fédéré le soleil, comme celui de la fille de Belarbi le frondeur, le banni un de tes amours multiples et clandestines, comme celui de Akache dans sa révolte des sains et a qui tu avais lavé le visage des pages,
Comme les images de la liberté de Kouaci a qui tu as donné le ton du combat gagnant de ton peuple, comme nos sardines de la fraternité partagées pour que ne renaisse l’amertume
La lumière marine o ! Fis de Belcourt , celle de nos querelles et peines , nos discordances et convergences n’est dans ta plume qu’amour et don de nature, les patriotes de Zghara se souviennent encore et Fawzia qui demandait de laisser au moins trois balles au canon pour pouvoir continuer de vivre dans la dignité
Je sais que tu es courageux à en pleurer, à en découdre avec la maladie, les vicissitudes de la vie et à te battre presque seul contre une caravane de Camus et les miasmes de ses nouveaux disciples, toi qui as été à l’école de tes parents, de Kateb Yacine et de BenzineÀ
Toi qui as été de tous les concerts d’ELANKA d’El Badji de Maachi de Fadila et de Derwiche réunis
Toi qui avais hissé les jeunes sur les hauteurs de « L’ASSKREM » et faute de publicité, tu es descendu laissant un chemin de lumière gravé sur les roches … les futurs touristes des lieux culturels
Trouveront cette fragrance de jasmin cette culture résistance, période où ils étêtaient l’humain… Une énième chose à dire en attendant les autres il n y a que toi et les enfants de peuple farouche d’amour qui savent convoquer le parfum de l’aimée sur sa peau « Ri7ete Lila Fi Djeld El Khlila ريحة ليلة في جلد الخليلة »
Tu as déjà vaincu ce cancer
Tu as vaincu et tu te rétabliras
Fateh Agrane

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