Contributions

La Désindustrialisation au coeur de la crise de l’enseignement supérieur

La Désindustrialisation au coeur de la crise de
l’enseignement supérieur



Les contre performances de l’université



Il ne passe pas un jour, où on ne lit pas,dans la presse nationale, un article rapportant des informations qui laissent penser que le secteur de l’enseignement supérieur vit une grave crise et qu’il se dirige vers une situation des plus catastrophique. On apprend, par exemple, que le plagia (voir le lien) se propage pour toucher aussi bien
les hauts responsables de la recherche scientifique que certains enseignants dans les différentes universités algériennes. On lit aussi (voir le lien) que des « professeurs faussaires » ne reculent devant aucun scrupule pour dénicher des revues médiocres et publier leurs articles sans consistance pour allonger ainsi leur « CV » et atteindre le « sommet » hérachique du noble métier d’enseignant chercheur.

Si nous tournons notre regard du côté de la gestion administrative des universités la situation n’est pas plus rassurante. Souvent, les enseignants contestent, lors délibérations pour l’admission des étudiants, les conditions non réglementaires imposées par l’administration. Reliés par les étudiants, si la situation tourne en leur défaveur, ces conflits compormettent sérieusemt le respect du temps pédagogique au sein de l’université. Nous manquerons pas aussi de constater les nouveaux comportements des étudiants face à leur évaluation. En cas d’échec, ces derniers recourent à la grève en empéchant l’accès aux facultés. ils mettent la pression sur les responsables pour revoir leur cas et être admis. Ce qui est plud grave encore est qu’une bonne partie des étudiants pratique la fraude dans les examens et le plagia dans leur mémoire de fin d’études. Eradiquer ces fléaux devient de plus en plus difficile. Ni la volonté, ni les moyens existent pour trouver des solutions et stopper ses dérives. Ces dysfonctionnements malheureusement, n’émeuvent plus les responsables au niveau des universités ou le ministère de tutelle. Cette situation nous laisse déduire, que les diplômes, vides de contenus, délivrés aux étudiants ne dérangent pas les gestionnaires du secteur. La qualité de l’enseignement n’est pas à l’ordre du jour.

Longtemps, cette situation de l’université algérienne ne suscitait aucun débat de fond malgré que plusieurs voix ont essayé de le lancer mais sans succès. Aujourd’hui, la situation économique du pays, après la chute des prix de pétrole, pousse inéluctablement au débat sur le rôle que peut jouer l’université dans l’économie nationale. Ceci, nous amène, avant de proposer une quelconque solution, de commencer par déterminer les causes au coeur de ces contre performances de l’université algérienne.
Une chose est certaine, la grave crise qui secoue, depuis quelques années, l’enseignement supérieur n’aurait pas manqué de poser un sérieux problème dans un pays qui pratique une économie productive. Le monde du travail dans les entreprises aurait vite réagi si les diplômés de l’université ne répondaient plus à ses exigences en terme de qualification.

Nous proposons dans ce qui suit quelques éléments susceptibles d’enrichir ce débat.



Désindustrialisation versus performance des formations



Les pays puissants de ce monde sont ceux qui possèdent aujourd’hui une industrie développée . Leur économie productive est adossée à un système éducatif performant qui pousse les entreprises à rester compétitive et innover. Ces pays ne peuvent pas donc négliger d’investir massivement
dans le secteur de la recherche scientifique. L’université, de son côté, apporte une part déterminante dans le développement et l’efficacité des entreprises en développant un enseignement de qualité. A travers les stages pratiqués dans l’entreprise tout au long de leur cursus, les étudiants
acquièrent un savoir faire difficile à acquérir autrement. le secteur productif participent ainsi à améliorer le niveau de l’enseignement.

L’ Allemagne, est un bon exemple qui illustre la symbiose qui existe entre les entreprises industrielles et les institutions de recherche scientifique et d’enseignement. Plus de 60% des établissements de l’enseignement supérieur (Fachhochschulen: universités des sciences appliquées) axent leur formation en grande partie sur la pratique. On note aussi que le palier du secondaire réserve une place importante à l’enseignement professionnel. L’entreprise industrielle est aussi présente dans ce palier de façon non négligeable par l’offre de stages d’apprentissage et de perfectionnement. Cette collaboration, entre le système éducatif et l’entreprise industrielle est à l’origine de l’efficacité l’industrielle allemande à l’échelle européenne et mondiale.

Le problème que vit aujourd’hui notre université vient sûrement du fait qu’il n’existe plus de secteur industriel assez développé capable de tisser des liens avec l’université pour ses besoins de transfert technologique et d’innovation. Des conditions matérielles objectives induites par la stratégie du développement adoptée depuis plusieurs années ont concouru à isoler les deux secteurs l’un de l’autre. L’absence d’un secteur industriel demandeur de compétences a poussé l’université de recroqueviller sur elle-même.

Comment a évolué notre système éducatif depuis l’indépendance? Une série de réformes qui illustre chacune les véritables visions et stratégies du développement tracées par les hauts responsables du pays ont jalonné l’histoire de notre système de formation. La première étape de 1962 à 1970 à été marquée par la volonté de réalisation d’une scolarisation universelle au niveau élémentaire et d’une arabisation des contenus. Cette étape est marquée par deux phases. Dans la première une commission supérieure de réforme technique est installée le 15/12/62 pour les programmes et les horaires. Son objectif était avant tout d’assurer la mise en place de l’école de l’Algérie indépendante. Dans la 2ème phase, l’objectif était de donner à l’école algérienne une identité. Une commission nationale de la réforme du système éducatif est mise en place en 1969. La réforme proposée concernait surtout l’introduction de nouveaux programmes des matières clé, comme l’histoire, la geographie et l’arabe.

La deuxième étape de 1970-1979 coïncide avec la mise en œuvre des grands plans de développement. L’inadéquation entre le système éducatif et de la formation et les besoins du développement économique n’a pas tardée à apparaitre. Le recours aux instituts de technologie est apparu donc nécessaire. La réforme de l’enseignement supérieur de 1971 devait, selon ses concepteurs, permettre de donner à la formation une certaines adéquation avec les projets importants d’industrialisation. En Avril 1976, l’ordonnance qui définit le projet global de l’éducation et de la formation (Ecole fondamentale) est publiée. Cette ordonnance prévoit pour le premier palier (le primaire) un enseignement préparatoire non obligatoire et un autre polytechnique obligatoire de 9 ans. Pour le second palier (le secondaire) elle définit trois types d’enseignement:

1. Un enseignement général menant vers l’enseignement supérieur.

2. Un enseignement secondaire spécialisé pour les élèves ayant obtenu des résultats probants dans des disciplines ou un groupe de disciplines

3. un enseignement secondaire technologique et professionnel préparant à l’emploi mais permettant également l’accès à des formations supérieures.

L’application de cette ordonnance n’est mise en application qu’en 1980 suite aux résolutions du 4ème congrès du FLN. Sur le terrain l’école fondamentale, vidée de son contenu polytechnique, fut un échec. Observons ici que le début des années 80 c’est aussi le début des remises en cause de la stratégie de développement et particulièrement de l’industrialisation. Ceci devrait naturellement se répercuter sur les objectifs fixés à l’école et l’enseignement supérieur. L’abandon du projet d’industrialisation n’a pas tardé, même si cela ne s’est fait de façon directe, de dévier l’université de son orientation scientifique et technique. Le savoir et le savoir-faire ne peuvent se régénérer que dans un milieu favorable. Tout ce qui est inutile est voué à disparaitre. La réforme de l’université de 1984 (connue aussi sous le nom la réforme Brerhi) consacrait le slogan « A chaque bachelier une place pédagogique » comme principe fondamental. En somme la gestion des flux devient la préoccupation principale des gestionnaires de l’université. Une loi sur la planification des effectifs fut adoptée par l’assemblée populaire nationale( Octobre 1984). Ces réformes du système éducatif obéissaient en réalité à l’objectif de recherche d’une cohérence globale du système qui se mettait en place en conformité avec la stratégie de développement adoptée. L’orientation sur le plan économique; c’est à dire le passage à l’économie de marché, menée sous le slogan de la décentralisation et de la rentabilité des investissements, visait à morceler les différentes entreprises en plusieurs sous unités qui devaient par la suite faciliter leur privatisation. Ces réformes impulsés sous la pression du FMI avec son programme de réformes structurels se sont soldés par la déstructuration du tissu industriel et l’abandon d’une série de métiers où les algériens commençaient à accumuler un savoir et une expérience non négligeables.

Dans son livre [[Abdelatif Rebah;le développement National contrarié Edition INAS 2011]] l’économiste Rebah donne une idée de l’ampleur du recul, tout au long de la période 1990-2008, du développement engendré par ces réformes.


1. Tous les secteurs ont été touché par une baisse de production (rond à béton, verres, cuirs, textile, wagons, tracteurs, cyclomoteurs, pompes, ENIEM, SNVI, ect . . . ) Cette baisse variait selon les produits entre 40% et 80%.

2. Recul de la production industrielle qui participait à hauteur de 22,5% dans le PIB en 1984 à moins de 5,3% du PIB en 2005 et n’a pas augmenté depuis.

3. L’exemple de l’entreprise Sorecal de 3500 travailleurs est édifiant. Cette entreprise investi dans la construction des logements, doté d’une main d’oeuvre qualifiée et en partie formée à l’étranger, a fermé ses portes en 1998 par faute de crédits pour cause de « rentabilité ». Coincée entre son endettement auprès des banques pour réaliser des logements à très bas prix, condition imposée par l’Etat et le critère de rentabilité avancé par les pouvoirs publics, elle ne pouvait que mettre les clés sous la porte. l’Etat, aujourd’hui, fait appel aux chinois et aux turcs pour faire ce que Sorecal faisait déjà il y’a vingt temps[[ (Cité par Mr. Rebah;EL WATAN 21 MAI 2009)]]
.
4. Mr. Rebah met en exergue des erreurs qui avaient accompagné la période d’industrialisation: La dévalorisation du statut de la science et la technique, l’insuffisance d’une perspective technologique nationale et la non-prise en compte du savoir-faire antérieur des travailleurs. Mr. Rebah rappelle que l’expérience du GNL en Algérie n’a pas été exploité par Sonatrach pour créer un pôle d’expertise scientifique et technique capable de reproduire et de développer les savoirs et savoir-faire acquis. L’exemple de l’institut du pétrole méxicain crée en même période que l’IAP et l’INH se distingue par la production de ses chercheurs et ses centaines de brevets, alors que les deux instituts algériens n’ont pas su se transformer en de véritables centre de recherche fondamentale et appliquée. Ces erreurs auraient pu être rattrapées si l’effort de développement continuait d’être soutenu.

La crise qui en a résulté de cette gestion de l’économie a touché tous les secteurs de la société, particulièrement l’école et la formation en général. Coupé de son environnement économique et social, le système éducatif a cessé de se développer et a commencé à entrer dans une crise profonde. Depuis, le niveau de formation n’a pas arrêté de se dégrader. Aujourd’hui on constate son état de déliquescence au grand jour. Faut-il désespérer? Le redressement de cette situation reste toujours possible. Mais il ne peut se concevoir en dehors d’une stratégie globale visant à sortir le pays de l’état de sous-développement dans lequel se trouve aujourd’hui notre société. Ce qui est certain; il n’ y a pas de développent sans un projet de mise en place d’une industrie basée sur la maîtrise technologique.

MOMAMED.MEZGHICHE.
pour raina

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