Politique

LA JUSTICE ISLANDAISE ET LES BANQUIERS CRIMINELS Par F. William Engdah

Traduction rédaction Rainadz

http://journal-neo.org/2016/04/17/icelandic-justice-and-criminal-bankers/


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Le 15 Septembre 2008, l’ancien président de Goldman Sachs, le secrétaire américain au Trésor Henry Paulsen, a délibérément déclenché un effondrement financier mondial prévisible lorsqu’il a décidé de rompre un précédent et de laisser Lehman Bros, la quatrième plus grande banque d’investissement de Wall Street, faire faillite. Les motifs de cette décision sont un thème pour une autre occasion. Les retombées de cette crise financière traumatique demeurent dans le système financier mondial jusqu’ à ce jour, plus de sept ans plus tard. Un des victimes peu remarquée de cette débâcle de Lehman Bros. a été la pire crise bancaire dans l’histoire de l’un des plus petits pays du monde, l’Islande. La voie que ce pays de 323.000 citoyens a choisie pour faire face à la crise, constitue un exemple pour le reste du monde. Au lieu de béatifier les banquiers criminels responsables de la pire crise financière mondiale dans l’histoire, le peuple islandais a fait tout autre chose.

L‘Islande, une magnifique île nordique dans l’Atlantique Nord entre le Groenland et la Norvège, avec des volcans actifs, des ruisseaux avec les plus délicieux saumons sauvages, non-industriels et non manipulés génétiquement, autosuffisant en matière d’énergie grâce à ses sources thermales et à l’énergie hydroélectrique, a été entrainée dans la folle frénésie de cupidité de la crise immobilière américaine des sub-prime et très fortement. En Octobre 2008, en plein tsunami financier mondial déclenché par la loi Paulsen sur Lehman, le gouvernement islandais a nationalisé trois des plus grandes banques privées, Glitnir, Landsbanki et Kaupthing, après les retraits paniqués des déposants. Ces trois banques, quelques années après leur privatisation ont réussi à ramasser une dette équivalente à 10 fois le PIB de l’Islande

Quand un groupe d’économistes américains intelligents a proposé à Paulsen de nationaliser les plus grandes banques de Wall Street qui étaient derrière la crise, JP Morgan Chase, Citigroup, Bank of America, Goldman Sachs- pour rétablir l’ordre et garder les flux de crédit vers l’économie réelle, il a répondu que ce serait  » le socialisme ». Nous n’en avons pas besoin aux Etats-Unis. Au lieu de cela, le ministre du Trésor américain de Paulsen a utilisé des centaines de milliards de dollars US des contribuables pour acheter des actions des banques de Wall Street sans droit de vote, ce qui signifiait que le gouvernement n’avait pas, en retour, exigé son mot à dire dans les politiques des banques. Cela aurait pu être appelé socialisme bancaire- privatisation des profits bancaires et socialisation des pertes.

En Novembre 2008, les investisseurs britanniques et néerlandais dans le désormais plan d’investissement failli de Landsbanki, Icesave, ont constaté que leurs centaines de millions de livres sterling de placements étaient, en effet, gelés comme de la glace. Lorsque le gouvernement britannique a exigé du gouvernement islandais le remboursement des dépôts dans les succursales britanniques de l’ex banque privée Landsbanki, un différend international, connu sous le nom de contentieux Icesave, a éclaté. Le gouvernement britannique a invoqué la législation anti-terrorisme contre l’Islande afin de geler les actifs de Kaupthing, la plus grande banque islandaise basée au Royaume-Uni. Le gouvernement islandais s’est tourné vers le FMI pour un plan de sauvetage de 5 milliards $, le premier pays européen à le demander depuis l’Italie en 1976.

Les citoyens se révoltent
Le gouverneur de la Banque centrale Islandaise, David Oddsson a été contre le gouvernement de Geir Haarde, qui s’est rendu complice de faciliter le jeu criminel des pyramides de Ponzi des banquiers privés, et a déclaré à la télévision nationale, « les Islandais ne vont pas payer les dettes des financiers prodigues. » En janvier 2009 la coalition Haarde a été contrainte de démissionner suite à des protestations massives quand le chômage est passé de 1% avant la crise à plus de 9% en quelques mois. Le FMI, comme toujours, a exigé du gouvernement des mesures sévères d’austérité dans le style grec, comme condition de son plan de sauvetage. En Septembre 2010, Haarde est devenu le premier ministre islandais être inculpé pour abus d’autorité et le seul homme politique dans le monde à être accusé et rendu responsable de la crise financière. Il a été jugé devant un tribunal spécial pour les délits des officiels, Landsdómur. Il a été déclaré coupable sur un chef d’accusation.

Le gouvernement Haarde a, par deux fois, négocié les conditions dans le cadre desquelles l’Islande devait rembourser les gouvernements respectifs du Royaume-Uni et néerlandais, avec intérêt, pour le coût du sauvetage des épargnants Icesave. Le FMI l’a exigé comme condition pour délivrer son argent. Et le Parlement a obtempéré. Mais les électeurs résolument indépendants de l’Islande se sont, par deux fois, exprimés au cours de référendum populaires rejetant les exigences britanniques, néerlandaises et du FMI. Sous le programme d’austérité du FMI, jusqu’à ce qu’il soit terminé en 2011, l’Islande est entrée dans une dépression économique. Le revenu disponible a diminué d’un quart et 30.000 personnes – un dixième de la population – se sont retrouvées avec de graves problèmes et en défaut de remboursement. Des milliers de maisons ont été expropriées
En Avril 2013, le Premier ministre, Davíð Sigmundur Gunnlaugsson, 38 ans, a été élu sur la promesse que chaque propriétaire de logement bénéficierait d’allégement hypothécaire au lieu d’octroyer des allègements aux actionnaires des trois banques islandaises en faillite parmi les banques étrangères.

Son gouvernement a laissé les détenteurs d’obligations et les déposants internationaux cuire dans leur propre jus, car son gouvernement et ses administrateurs islandais ont gelé quelque 9 milliards de livre sterling d’actifs étrangers que ces trois banques détenaient avant de les nationaliser. Le nouveau ministre des Finances a imposé une taxe de 39% sur les Islandais qui veulent investir de l’argent à l’étranger et a instauré le contrôle des capitaux ce qui était un pas qui a stabilisé la monnaie. Plus révélateur, le gouvernement a donné la priorité au sauvetage de son peuple et de son économie et a poursuivi et même emprisonné les banquiers privés et les politiciens responsables de la crise, c’est-à-dire qu’il a fait exactement l’opposé à 180 degrés de c e qu’a fait le gouvernement des États-Unis ou de l’UE, lorsque ces gouvernements ont utilisé l’argent des contribuables pour renflouer les banques criminelles responsables en premier lieu de la fraude

En taule, les banquiers corrompus!
Le 15 Novembre 2015, l’Islande a traduit devant les tribunaux le 26ème banquier impliqué dans le scandale qui a éclaté en Septembre 2008.Les banquiers mis en prison ont été accusés de crimes allant de délits d’initiés à l’escroquerie, le blanchiment d’argent, la tromperie sur la marchandise, la divulgation d’informations confidentielles, le mensonge à l’administration, les manipulations de marché et le détournement de fonds. Au total, les 26 banquiers emprisonnés passeront quelques 74 ans derrière les barreaux. De plus, à ce jour, des amendes pénales totalisant 212 milliards $ ont été infligées aux 20 plus grandes banques. D’autres banquiers attendent d’être jugés

En revanche, au niveau du groupe bancaire failli HBOS, la plus grande banque hypothécaire au Royaume-Uni, les contribuables ont été obligés d’alimenter un plan de sauvetage de 29 milliards $. La Financial Services Authority britannique n’a poursuivi que le chef de prêts aux entreprises qui a été condamné à une amende de £ 500,000 et interdit d’activité dans l’industrie des services financiers, et retiré le titre de Chevalier à un administrateur de HBOS. A la Royal Bank of Scotland qui a fait faillite aussi et qui a été également renflouée par les milliards des contribuables, Fred Goodwin, la tête de Royal Bank of Scotland, a également perdu son Chevalier. Il avait été anobli en 2004 pour «services aux banques. » Aux Etats-Unis, pas même un murmure d’accusations criminelles contre les dirigeants ou administrateurs de JP Morgan Chase ou Goldman Sachs ou Citigroup n’a été entendu. Les amendes gouvernementales infligées contre diverses banques ont été effacées et ces mêmes criminels que l’Islande a mis derrière les barreaux ont été laissés en liberté

La différence Islandaise
Aujourd’hui, l’Islande est le modèle de réussite, l’exact contraire du modèle du FMI en Grèce, tirer du sang même d’une pierre avec une austérité brutale. C’est le premier et jusqu’à présent le seul pays européen à dépasser les niveaux d’avant la crise économique de 2007. Le PIB a augmenté au cours des six premiers mois de 2015, avec un impressionnant 5,6%. L’inflation est passée de 18% au début de la crise en 2008 à 2% en 2015. La dette de l’Etat est passée de 88% du PIB en 2010 à 81% très en dessous de la plupart des niveaux de l’UE. En Mars 2015, le gouvernement de l’Islande a officiellement retiré sa précédente demande d’entrée dans l’Union européenne, le seul pays à avoir jamais fait quelque chose de semblable
Paradoxalement, le Premier ministre Davíð Sigmundur Gunnlaugsson a été pris dans le scandale de Panama Papers et a été contraint de démissionner en raison du fait qu’il n’a pas divulgué tous les actifs financiers qui étaient en sa possession. C’était le seul homme politique occidental qui a été mentionné dans ces documents, ce qui semble pour le moins étrange. Néanmoins, l’Islande est toujours réticente à plier.

Le président islandais, Ólafur Ragnar Grimsson, a expliqué les sentiments des ses compatriotes: «Nous avons été assez sages de ne pas suivre les orthodoxies dominantes traditionnelles du monde financier occidental au cours des 30 dernières années. Nous avons instauré le contrôle des changes, nous laissons les banques faire faillite, nous avons fourni un soutien pour les pauvres, et nous n’avons pas introduit des mesures d’austérité, comme vous voyez en Europe. Pourquoi les banques sont-elles considérées comme les saintes églises de l’économie moderne? Pourquoi les banques privées ne sont pas comme les compagnies aériennes ou les entreprises de télécommunications et autorisés à faire faillite si elles ont été gérées de manière irresponsable? La théorie que vous devez renflouer les banques est une théorie qui permet aux banquiers de profiter de leurs gains, de leur réussite, et ensuite elle laisse aux gens ordinaires la tâche de supporter la charge de leur échec, via les impôts et les mesures d’austérité.

F. William Engdahl est consultant risque stratégique et conférencier, il est titulaire d’un diplôme en politique de l’Université de Princeton et est un auteur best-seller sur le pétrole et Géopolitique, exclusivement pour le magazine en ligne «Perspectives New Eastern ».

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