Histoire

Le colonialisme est un crime contre l’humanité» (Henri Alleg), Bengana et Iveton

Par Hassane Zerrouky


Interviewée sur France 5 à propos d’Emmanuel Macron qualifiant la
colonisation de crime contre l’Humanité, l’écrivaine Leïla Sebbar a eu
cette réponse surprenante : «dans l’esprit de M. Macron, il s’agissait
de faire plaisir aux algériens auxquels il rendait visite!» Faire
plaisir ? Un simple bouquet de fleurs accompagné de promesses de
contrats juteux aurait suffi, non ? Or, il s’agit d’une
reconnaissance, celle d’une période de domination et de soumission
brutales qui a duré plus de 130 ans – ce qui n’est pas rien — avec ses
lots de massacres à répétition, de destruction, de répression, de
paysans dépossédés et chassés de leurs terres, voire de déportation,
de misère, de pauvreté, sans compter l’analphabétisme (85%
d’analphabètes recensés en 1960 par les autorités françaises). Tout
cela, rétorquera-t-on, est connu, mais par ces temps de révisionnisme
de l’histoire et sans faire dans le «trop de mémoire», il me semble
utile de le rappeler.
Dès lors, la colonisation est-elle un simple crime ou un crime contre
l’humanité ? Henri Alleg y a répondu sans tergiversation et sans faire
dans le juridisme suspect : «La seule chose que je voudrais, c’est
qu’on n’attende pas cent cinquante ans comme dans le cas de
l’esclavage : on n’a pas condamné les esclavagistes pour leurs crimes,
mais l’esclavage en tant que tel. Je souhaite donc qu’on condamne la
colonisation, en tant que système, comme un crime contre l’humanité»
(in Politis octobre 2005).
Avant de poursuivre, un mot sur la polémique suscitée par le livre «Si
Bouaziz Bengana, dernier roi des Zibans» écrit par son
arrière-petite-fille Ferial Furon. Tout ou presque a déjà été dit à ce
sujet, notamment par notre ami Mohamed Balhi. En bref, l’histoire a
déjà tranché. De plus, à ma connaissance, aucun écrit relatif au
mouvement national n’a fait mention de l’assassinat par les autorités
coloniales du bachagha Bengana le 17 juin 1945. Si cela avait été le
cas, ça se serait su et le livre de Ferial Furon n’aurait sans doute
pas suscité autant de réactions.
Restons sur le terrain de la mémoire historique pour évoquer l’hommage
rendu à Fernand Iveton (exécuté en février 1957) vendredi dernier à
Paris, au siège du Parti communiste français (PCF), place du Colonel
Fabien, hommage auquel j’ai pris part en qualité de modérateur d’une
conférence-débat et à laquelle ont pris part l’ex-secrétaire général
de l’ex-Pags, Sadek Hadjerès, qui a connu Iveton et qui fut un témoin
et un acteur clé de cette période, l’historien et spécialiste de
l’histoire coloniale Alain Ruschio et Frédéric Genevet, membre de la
direction du PCF.
Leurs interventions – Hadjerès a apporté de nombreuses clarifications
sur les rapports FLN/PCA (Parti communiste algérien), la rencontre
avec Abane Ramdane et les rapports PCA/PCF durant cette période. Ses
propos, appréciés par une nombreuse assistance, étaient ponctués par
des textes lus par la comédienne Sonia Maçon, comme cet écrit de
Victor Hugo, datant de 1842, évoquant l’arrivée de la guillotine au
port d’Alger à bord d’un bateau à vapeur : «Sur le débarcadère, des
douaniers ouvraient les colis, et, à travers les ais des caisses
entrebâillées, dans la paille à demi-écartée, sous les toiles
d’emballage, on distinguait des objets étranges, deux longues solives
peintes en rouge, une échelle peinte en rouge, un panier peint en
rouge, une lourde traverse peinte en rouge, dans laquelle semblait
emboîtée par un de ses côtés une lame épaisse et énorme de forme
triangulaire (… ) c’était la civilisation qui arrivait à Alger sous
la forme d’une guillotine.»
Le 16 février 1843, Abdelkader Ben Zelouf sera le premier Algérien
guillotiné en public pour meurtre, à Bab el Oued. Il y en aura plus de
300 entre 1843 et 1954 pour divers motifs, autant qu’en France sur la
même période, nous dit Alain Ruschio. A quoi s’ajoutent les 222
militants du FLN/ALN guillotinés entre 1956 et 1962, soit une moyenne
de 37 par an…
H. Z.

Les commentaires sont clos.