Contributions, Politique

Le Harak entre miracle et mirage Par Mohand Arezki Boudiba

La gravité de la situation actuelle de l’Algérie ne saurait être négligée et exige un débat large en évoquant toutes les hypothèses. Elle exige de nous un langage direct, concis et structuré pour saisir la pertinence de la question et l’urgence d’un éclairage pour une action fructueuse. La diversité de points de vue est indispensable pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette crise politique fort complexe !

1. Croire que le Harak est spontané serait non seulement une forme de naïveté mais pourrait être dangereux pour la stabilité du pays.

Un grand nombre d’Algériens savent que les « printemps arabes » qui ont abouti à la dislocation de certains pays arabes et à la reconfiguration, en cours, d’autres pays ne sont qu’une fumisterie.

Ces Algériens diront que nous ne sommes pas comme les autres ???. Malheureusement, c’est aussi une fumisterie car l’Algérie est comme les autres pays sous-développés du monde arabe dont les peuples sont à majorité musulmans.

Dans ce contexte, la manipulation ne parait pas ici comme une conjecture mais comme une vérité à considérer et à intégrer dans la réflexion et le débat. Par conséquent, Il est vital de penser cette manipulation et de cesser de pratiquer la politique de l’autruche.

2. Il est admis que les mouvements de 2011 du « printemps arabe » faisaient partie d’un plan machiavélique concocté par des officines et dont l’objectif était de reconfigurer le monde arabe [REF1]. Ce plan a déjà été testé lors des révolutions colorées qui avaient visées les pays de l’ex Union soviétique dans les années 2000. L’Algérie était sur la liste à l’instar, de l’Irak, la Tunisie, la Libye, l’Egypte et la Syrie ???.

On connaît le sort de l’Irak, de ses responsables et à leur tête Saddam Hussein piégés par l’affaire de l’annexion du Koweït. Tout le monde se souvient de l’attitude des américains qui avaient fait croire aux irakiens que c’était une affaire interne (qui avaient donné à l’Irak carte blanche pour envahir le Koweït). On connaît la suite … La leçon à retenir est que lorsque les américains et leurs officines disent que c’est une affaire interne et qu’ils ne se mêlent pas, c’est que le pire se prépare … L’Irak est aujourd’hui devant l’option d’une partition « soft ».

La Libye est déjà divisée en deux en attendant l’exécution du reste du plan pour la morceler davantage. L’Egypte est sous contrôle total en attendant le reste des festivités. L’effervescente Tunisie se cherche encore. Son poids géostratégique étant minime, on peut la laisser s’agiter encore et encore. La Syrie a  été affaiblie et on attend le programme de reconstruction ou plutôt, faut-il dire de destruction massive???. Enfin, nous avons assisté au dépeçage du Soudan et en direct à la mise sous contrôle du Soudan du Nord par tutelle interposée (de la monarchie saoudienne).

3. Le mode opératoire est le même. La première tentative contre l’Algérie en 2011 a échoué pour deux raisons : le matelas financier dont disposait le pouvoir algérien et le traumatisme encore frais de la décennie noire. (Au point que les Algériens se soient résignés à accepter tous les compromis avec le pouvoir pourvu qu’ils vivent en paix). Pourtant, il faudrait à tout prix éviter que l’histoire se répète …

Depuis 2011, il fallait trouver, voire créer les conditions propices à l’application du même plan machiavélique en l’Algérie. Il n’était évidemment pas question de renoncer au programme d’asservissement et de contrôle de tout ce qui échappe à la mainmise occidentale dans le monde arabe.

Il fallait, en particulier, réunir deux conditions nécessaires à la mise en place de ce guet-apens version 2019 : assécher et vider le matelas financier de neuf cents (900MDS) de dollars en un temps record et mettre en place un piège politique. Le cinquième mandat était plus qu’un piège miraculeux inespéré dans lequel le pouvoir algérien est tombé. Tous les indicateurs montraient et a posteriori, que la question du cinquième mandat n’était pas sur la table du pouvoir et ne faisait aucunement partie de son agenda politique. On se souvient de la tournée de l’ancien ministre des affaires étrangères Algérien Messahel, dans plusieurs capitales occidentales dont Washington. Cela dans les mois qui précédaient le lancement du projet de cinquième mandat.

Il semble évident que ces capitales occidentales (et donc leurs officines) ont donné au pouvoir algérien des garanties et le feu vert pour exécuter ce projet à la manière de l’affaire de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein. Évidemment, ces officines ne pouvaient ignorer ni l’état psychologique des algériens ni leur colère inhibée depuis des années. La suite de l’histoire, on la connaît …

4. Les techniques de manipulation de masse et les techniques de manipulation cognitive, deux armes de destruction massive à distance. Les recherches dans ces domaines datent des années 50 et il y a assez de retour sur expériences pour adapter ces techniques à n’importe quel groupe humain quels que soient sa religion, sa culture, et son éveil. Croire que le peuple algérien pouvait y échapper est une illusion collective. Il est établi que des camps de formation à la cyber-dissidence ont été organisés par des officines au bénéfice de plusieurs groupes d’individus venant de pays arabes, dont des Algériens [REF1]. AP

Une fois le piège défini et les conditions économiques et politiques favorables, il est facile de télécommander et de lancer le scénario ou le film de son choix à distance.

Comme le démontrent les lois de la physique, lorsqu’on veut faire passer un système (physique ou humain) d’un état fondamental stable à un état excité instable, il faut simplement lui communiquer une énergie. Pour les Humains, cette énergie peut être une émotion collective. Dans le cas des Algériens, on joue sur les cordes sensibles de leur fierté légendaire (le nif) et l’amour du drapeau. Une dose émotionnelle combinée avec quelques piqûres de rappel de Hogra* et d’injustice sociale les mettent en transe. Ce sont les ingrédients idoines pour lancer la machination contre l’Algérie.

Il suffit d’analyser les analogies et les similitudes des slogans et des messages des manifestants algériens avec ceux des révolutions colorées et du fameux printemps arabe pour s’en convaincre [REF2].

(Les techniques de manipulation de masse peuvent rendre un groupe d’individus tels des zombies qui avanceraient inexorablement vers un ravin, avec le sourire et dans la bonne humeur et une rose à la main. Soudain, hermétiques à tout discours contraire à leur rêve collectif qui est en réalité un cauchemar programmé) ???

5. Le rôle des élites et des médias doit être à la hauteur des enjeux. Dans ce scénario catastrophe, le rôle conscient ou inconscient des élites et des médias est crucial. La manipulation de l’information est l’arme fatale et l’inconscience politique est l’erreur dans laquelle il ne faut pas sombrer. La juste mesure dans l’analyse doit être de mise et la sagesse est une devise. (La tentation est grande de laisser faire sous prétexte de soutenir le Harak et parfois afin de se positionner pour la suite (dans le cas où il y en aurait une). ) ???

Nous devons toute la vérité à ce peuple y compris la partie qui fâche ! Du moins, il est de notre devoir de prendre en compte toutes les hypothèses avec clairvoyance et sérénité.

Encore une remarque, les intox distillées avec parcimonie sont des révélateurs et des marqueurs de cette supercherie et toutes les manipulations sont un signe de faiblesse de ces officines devant la force et la justesse des revendications des classes populaires.

On se précipite pour faire tomber des têtes sans comparution préalable et sans respect du principe universel de la présomption d’innocence que l’on prétend pourtant vouloir défendre. Souvent, on commence par les personnes qui pourraient avoir des informations dérangeantes sur les manigances, pour les discréditer et les rendre inaudible par le peuple. On crée ainsi la confusion qui pousse à prendre des décisions absurdes et contreproductives comme les chasses aux sorcières. Dans pareilles situations, l’ami peut s’avérer être l’ennemi et l’ennemi en réalité l’ami caché.

6. La suite du scénario ? Les revendications du peuple algérien sont-elles légitimes ? La réponse est évidemment oui. Cela justifie-t-il l’entêtement et vaut-il la destruction de l’Algérie ? La réponse est évidemment non. Alors que faire et comment ?

D’abord, il faut envisager le pire tout en œuvrant pour le meilleur. Le scénario catastrophe serait une soudano-irakisation de l’Algérie. Autrement dit, une partition de l’Algérie en un nord et un sud, puis une irakisation du nord par la création de petits Etats. C’est un scénario dans la durée. Ce que nous voyons ne serait que le début.

En ce qui concerne l’Algérie, le but serait, dans le pire des cas, de semer le chaos, et dans le moindre de déboucher sur une solution de type « soft partition », cette dernière étant devenue un moindre mal, comparée à la première deviendrait l’option revendiquée par les algériens eux-mêmes (pourvu que nous vivons en paix diront-ils). C’est la technique qui consiste à créer le problème et en proposer (imposer) la solution. Pour cela, il faut créer les conditions d’un chaos en Algérie. Non pas par la violence (car il n’y aura pas de violence physique – à l’évidence ce ne serait pas prévu dans le programme) mais par la violence économique et sociale. Il ne faut pas être un économiste pour comprendre qu’un désastre économique et donc social attend l’Algérie. Une dévaluation du dinar interviendra pour parachever le plan. En somme, créer les conditions pour que les Algériens s’entredévorent, pour ensuite arriver comme le sauveur …

7. Que faire et comment ? Il est très difficile de répondre à ces deux questions. La première chose est de revenir à la raison et de sortir rapidement de cette situation et de ce piège ; car il en est un.

D’abord, Il faudrait admettre que toutes les « révolutions » ont été manipulées y compris les révolutions française et bolchevique et c’est presque normal ! La vraie question est de savoir utiliser, dans l’intérêt du pays, ces données à bon escient afin de mettre en échec ces offensives contre l’Algérie. Il est primordial de prendre conscience de la situation pour éviter la trajectoire imposée et être capable d’imposer notre propre scénario qui assurera l’unité nationale et territoriale.

Pour donner une image plus claire de la situation, reprenons la métaphore d’un système excité. Il est connu que son retour vers un état fondamental peut se faire de trois façons : (1) un retour non radiatif (sans lumière) avec une dissipation de l’énergie sous forme de chaleur et c’est la pire des catastrophes, elle provoque la destruction du système et donc de l’Etat, (2) le retour radiatif spontané avec une émission de la lumière (un léger mieux) mais totalement aléatoire et dans toutes les directions. C’est un scénario moins grave dont la seule conséquence est de faire revenir le système à son état fondamental initial, en gros juste faire une révolution au sens étymologique du terme et revenir à la case de départ (tout ça pour ça !). (3) La dernière possibilité et la seule souhaitée consiste dans le retour radiatif stimulé où tous les éléments du système reviennent d’une manière cohérente et émettent une lumière cohérente spatialement et temporellement ; c’est la base de la production de la lumière laser, une lumière dirigée, peu divergente et puissante évoquant la puissance d’un Etat unifié, fort et démocratique.

Seulement, pour rendre cette dernière option réalisable, il faut au moins deux conditions : maîtriser la durée de vie de l’état excitée (état de crise), Il ne faut pas qu’elle soit trop longue. De plus, il faut très rapidement entourer le système d’une cavité résonante (dialogue inclusif) pour lui assurer un mode de résonance collectif et permettant ainsi à toute la lumière d’opérer dans ce mode. Cela peut sembler complexe de prime abord, mais c’est tout à fait à notre portée …

Serons-nous capables d’accomplir cela? Oui, à condition de sortir très vite de cette situation de « dégagisme » (zone de risques d’enlisement). L’une des solutions serait de proposer une personnalité nationale ou un triumvirat, pour assurer la présidence collégiale intérimaire pour une durée limitée d’un an maximum, avec une mission rigoureuse s’appuyant sur une feuille de route claire et concise : réviser la loi électorale, mettre en place une commission électorale indépendante et réunir les conditions assurant des élections présidentielles démocratiques et transparentes. Ce serait au nouveau Président élu de se charger de tout le reste (révision de la constitution, réformes, poursuites judiciaires, …). Tout ceci est possible, en adoptant des mesures exceptionnelles pour une situation exceptionnelle. Le Harak (le peuple) et les décideurs sont condamnés à s’entendre et à se mettre d’accord sur un compromis. Celui de libérer les forces du travail et de l’intelligence pour une économie productive et redonner toutes leurs places à la justice, au système éducatif et à l’université. Il en va de la souveraineté et de la survie même de l’État algérien.

Espérons que nous nous trompons dans nos appréhensions mais les dangers d’un basculement sont de plus en plus perceptibles. Le seul et unique rempart de l’Algérie

c’est le degré de conscience de son peuple, son organisation et ses capacités de mobilisation.

« Lorsqu’une révolution se pointe à votre porte, faites-la-vous-mêmes … »

Universitaires

Références

[1] Merzouk Haddad, La face cachée de la révolution tunisienne

[2] A. Bensaada, Huit ans après : la printanisation de l’Algérie, ahmedbensaada.com

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