Politique

A fonds perdus Le fascisme néolibéral Par Ammar Belhimer

A fonds perdus
Le fascisme néolibéral
Manuela Cadelli, juge au tribunal de première instance de Namur et présidente de l’Association syndicale des magistrats de Belgique, a récemment signé une réflexion, tout aussi acerbe que pertinente, sur les travers du néolibéralisme qu’elle assimile carrément au fascisme(*).
La réflexion, parue dans les colonnes du quotidien Le Soir d’Algérie(*), rejette toute parenté du néolibéralisme avec le libéralisme.
Le libéralisme se distingue comme «doctrine déduite de la philosophie des Lumières, à la fois politique et économique, qui visait à imposer à l’Etat la distance nécessaire au respect des libertés et à l’avènement des émancipations démocratiques», par ailleurs «moteur de l’avènement et des progrès des démocraties occidentales».
La théorie économique classique qui lui est adossée est, elle aussi, inconnue du néolibéralisme : «Le travail était auparavant un élément de la demande, et les travailleurs étaient respectés dans cette mesure ; la finance internationale en a fait une simple variable d’ajustement.»
Ce n’est politiquement et économiquement pas le cas du néolibéralisme qu’elle assimile à un extrémisme «qui frappe chaque sphère de nos sociétés et chaque instant de notre époque».
A ce titre, le néolibéralisme se rapproche du fascisme. Les deux systèmes partagent en commun «l’assujettissement de toutes les composantes de l’Etat à une idéologie totalitaire et nihiliste».
Dans le cas du néolibéralisme, cela est particulièrement vrai en matière économique car «l’Etat est maintenant au service de l’économie et de la finance qui le traitent en subordonné et lui commandent jusqu’à la mise en péril du bien commun».
A l’heure de l’austérité et de l’orthodoxie budgétaire, la notion de service public est simplement «ridiculisée», alors que se trouvent «congédiés l’universalisme et les valeurs humanistes les plus évidentes : solidarité, fraternité, intégration et respect de tous et des différences».
Déformation du réel, culte de l’évaluation et mépris de la justice, domination d’une caste, idéal sécuritaire sont les signes les plus manifestes du nouvel ordre.
Un des éléments de la communication du totalitarisme néolibéral est la «déformation du réel», comme c’est le cas des coupes budgétaires opérées au nom de «la modernisation des secteurs touchés».
Le «culte de l’évaluation» fait place nette à la performance, la rationalité et le réalisme, avec une «pléthore d’objectifs et d’indicateurs auxquels il convient de se conformer», hors de toute créativité et de tout esprit critique.
Pour sa part, la justice se trouve «négligée» et sacrifiée sur l’autel d’une «normativité qui concurrence les lois du Parlement», compromettant au passage «la puissance démocratique du droit». Le système est antinomique avec le droit et la procédure et l’indépendance du «pouvoir judiciaire susceptible de contrarier les dominants». Aussi, la justice étant surtaxés, les victimes d’injustice doivent être riches pour obtenir réparation.
La classe dominante refuse de se conformer à l’austérité qu’elle impose aux autres, en s’accordant des cadeaux fiscaux.
Enfin, les atteintes aux libertés et à la contestation sont occultées par un «idéal» de sécurité.
Aux yeux avertis de Manuela Cadelli, le décor ainsi planté n’incite pas au désespoir et au découragement.
Bien au contraire : «Voici 500 ans, au plus fort des défaites qui ont fait tomber la plupart des Etats italiens en leur imposant une occupation étrangère de plus de trois siècles, Nicolas Machiavel exhortait les hommes vertueux à tenir tête au destin et, face à l’adversité des temps, à préférer l’action et l’audace à la prudence. Car plus la situation est tragique, plus elle commande l’action et le refus de “s’abandonner” (Le prince, chapitres XXV et XXVI).»
Pour y parvenir, elle compte sur «la détermination des citoyens attachés à la radicalité des valeurs démocratiques (qui) constitue une ressource inestimable qui n’a pas encore révélé (…) son potentiel d’entraînement et sa puissance de modifier ce qui est présenté comme inéluctable. «Grâce aux réseaux sociaux et à la prise de parole, chacun peut désormais s’engager, particulièrement au sein des services publics, dans les universités, avec le monde étudiant, dans la magistrature et au barreau, pour ramener le bien commun et la justice sociale au cœur du débat public et au sein de l’administration de l’Etat et des collectivités.»
Elle ne voit pas d’autre alternative à cette voie car, conclut-elle, «le néolibéralisme est un fascisme. Il doit être combattu et un humanisme total t doit être rétabli».
Par Ammar Belhimer le soir d’Algérie
ammarbelhimer@hotmail.fr

(*) Manuela Cadelli, Le néolibéralisme est un fascisme, Le Soir d’Algérie, 3 mars 2016.

Les commentaires sont clos.