Contributions

A qui profite la tension entre la France et l’Algérie ?

Les relations entre la France et l’Algérie, marquées par un passé colonial douloureux et des divergences géopolitiques persistantes, traversent une nouvelle phase de tension. 
L’interview récente du président algérien Abdelmadjid Tebboune dans le journal français «L’Opinion » a mis en lumière les causes de ce problème, tout en offrant une perspective clarifiante sur les enjeux actuels. Le président Tebboune a pointé du doigt l’extrême-droite française nostalgique de l’OAS, qu’il accuse d’entretenir ces tensions à des fins de politique intérieure. Mais au-delà des discours, une question mérite d’être posée : à qui profite réellement cette escalade verbale et diplomatique ?
Une instrumentalisation politique interne
En France, l’extrême-droite a trouvé dans les relations franco-algériennes un terrain fertile pour alimenter ses discours nationalistes, racistes et xénophobes. Les tensions historiques entre les deux pays sont régulièrement réactivées, mais pas à un tel degré, pour servir des agendas politiques internes, notamment dans un contexte de crise politique, économique et sociale. 
En diabolisant l’Algérie, certains courants politiques français cherchent à détourner l’attention des problèmes structurels de leur pays, tout en renforçant leur base électorale. Tebboune l’a (subtilement) rappelé avec justesse : cette « algérophobie » est moins une réponse à une menace réelle qu’un outil de diversion face à la montée des inégalités et à la perte de confiance dans les institutions françaises.
Le Sahara occidental : un conflit géopolitique exploité
Au cœur des tensions actuelles se trouve la question du Sahara occidental, un dossier géopolitique complexe qui oppose l’Algérie au Maroc, soutenu par la France. En reconnaissant la « marocanité » du Sahara occidental sous la pression de la frange atlantiste et pro-sioniste de l’oligarchie bourgeoise, Paris a pris une position contraire au droit international, suscitant la colère d’Alger. Pour Tebboune, cette « erreur » s’inscrit dans une stratégie plus large de reconquête néocoloniale de l’Afrique, où la France cherche à conserver son influence via des partenariats privilégiés avec certains États, comme le Maroc. Cette approche a exacerbé les rivalités régionales et alimenté les suspicions algériennes quant aux intentions françaises.
L’Algérie, une menace fantasmée ?
Les accusations portées contre l’Algérie, notamment celles d’une prétendue campagne de déstabilisation de la France, relèvent davantage de la propagande que de la réalité. 
En effet, sur quel plan l’Algérie représenterait-elle une menace pour la France ?  – Industriel ? Non, l’Algérie ne rivalise pas avec l’industrie française.  – Technologique ? Non, les deux pays ne sont pas en compétition dans ce domaine.  – Agricole ? Non, leurs économies agricoles sont complémentaires plutôt que concurrentes.  – Culturel ? Non, la culture algérienne enrichit au contraire le paysage culturel français.  – Financier ? Non, l’Algérie ne menace pas la stabilité financière de la France.  – Commerce extérieur ? Non, la balance penche très largement côté français. – Militaire ? Non, la France est une puissance nucléaire… Quant à l’immigration algérienne souvent stigmatisée (à ne pas assimiler aux bi-nationaux) elle occupe majoritairement des emplois peu qualifiés que les Français délaissent, notamment dans les secteurs du bâtiment et des services. Loin de constituer une concurrence, cette main-d’œuvre, désormais « choisie » (ou siphonnée) contribue à l’économie française en comblant des besoins critiques notamment dans la santé, la recherche, les nouvelles technologies et la finance. 
Une crise française aux relents de fascisation
Les tensions franco-algériennes doivent être replacées dans le contexte plus large de la crise politique et économique que traverse la France. La montée des inégalités, le chômage, la précarité et la défiance envers les élites ont créé un terreau propice à la radicalisation du débat public. L’extrême-droite, en instrumentalisant les peurs et les divisions, profite de cette situation pour gagner en influence. Le processus de « fascisation » de l’État français, évoqué par Tebboune, se nourrit de ces tensions artificielles, tout en détournant l’attention des véritables défis auxquels le pays est confronté.
Un apaisement nécessaire
Il est temps de dépasser les discours simplistes et les manipulations politiques pour envisager une relation franco-algérienne apaisée, constructive et respectueuse de la souveraineté de deux pays. Dans un contexte géopolitique marqué par des transformations impulsées par les pays du Sud global, notamment en Afrique, ainsi que par des risques de conflits militaires et de migrations massives, la coopération entre les deux nations représente une opportunité majeure. 
Que ce soit sur les questions de sécurité régionale, de lutte contre le terrorisme, ou des défis économiques et culturels, leur collaboration est essentielle. Une paix durable entre la France et l’Algérie profiterait non seulement à leurs deux peuples, unis par une histoire humaine marquée par le souvenir des luttes communes anticoloniales et  des massacres de Charonne du 8 fevrier 1962, mais aussi à l’ensemble des nations du Bassin méditerranéen.
Pour atteindre cet objectif, un courage politique est nécessaire, ainsi qu’un refus de succomber aux discours de division et de haine. 
Alger, le 5 février 2025Collectif « ÉCHOS DE LA VIE ICI-BAS »

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.