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RETOUR SUR L” INFORMEL”

Une économie de l’ombre frein au développement de l’économie productive

Le “secteur « informel » regroupe des activités qui s’exercent en marge de la règlementation, qui échappent au fisc et ne sont pas enregistrées. L’informel, c’est la sphère du « Non Etat de droit économique » caractérisée par la défiance envers les institutions, l’évitement de l’impôt (sur le revenu, la valeur ajoutée et autres taxes), l’évitement des cotisations sociales, l’évitement des normes en vigueur sur le marché du travail (salaire minimum, horaires, normes de sécurité, etc.) et l’évitement des procédures administratives.

Ce n’est pas un secteur homogène.

Il y a l’informel qui est établi directement dans les quartiers pauvres qui en tirent leur subsistance, c’est » l’informel de survie », prolifique et tentaculaire, qui représente une proportion considérable croissante de la population en âge de travailler. Il opère essentiellement dans le secteur tertiaire (commerce et services). Il concerne différentes activités alimentaires (distribution, préparation, restauration), de services personnels, de réparation, récupération et recyclage et autres activités de subsistance, le commerce avec les marchands ambulants, les marchands sur étalage. Les vendeurs de ces marchés informels étaient estimés à 70613 selon le MICL, 75000 selon le ministère du commerce ou même 300.000 selon l’union générale des commerçants algériens.

A une échelle sociale plus élevée, on y compte également des artisans tels que les soudeurs, électriciens, mécaniciens, tôliers, peintres, plombiers, la réparation d’appareils ménagers, la construction (maçons, menuisiers, etc.), la coiffure, le tissage, la fabrication et la réparation de chaussures, la couture, et des activités de service comme la restauration, la sécurité, l’entretien, les employés de maison, les chauffeurs de taxis, etc…

A l’extrémité supérieure du spectre de l’informel, il y a » l’informel prédateur », relevant de l’économie grise ou noire qui a prospéré grâce au blanchiment de l’argent sale du terrorisme, du commerce illégal de la drogue, narco business, et des armes mais aussi de l’argent provenant des détournements de biens publics, des surfacturations dans le commerce extérieur,(fausses déclarations douanières, sociétés écrans, location de registres de commerce, fraude fiscale, défaut de registre de commerce, transfert illicite de capitaux par la majoration des prix , corruption,…). Dans l’optique marxiste, l’économie informelle relève de la catégorie de « petite production marchande » son rôle étant de maintenir la domination capitaliste du « centre » en assurant à moindres frais la reproduction de la force de travail.L’économie informelle n’est pas le véritable lieu économique du développement dans la mesure où la nature et la taille des activités seraient plutôt de l’ordre de précapitalisme et la logique de leur transaction à la limite du troc.

L’informalisation de l’économie est inhérente à la logique du système capitaliste, qui pour abaisser ses coûts et maximiser ainsi ses profits informalise de plus en plus ses activités (recours au travail à domicile, à la sous-traitance, travail non déclaré, etc.). L’informel est le fruit des politiques de dérégulation et des politiques d’ajustement structurel dans les pays du Sud.

Deux milliards de la population active mondiale âgée de 15 ans et plus travaillent de manière informelle, ce qui représente 61,2 pour cent de l’emploi mondial. La proportion d’emplois informels varie selon les régions. Parmi les cinq principales régions, la grande majorité de l’emploi en Afrique (85,8 pour cent) est informel. L’Asie et le Pacifique (68,2 %) et les États arabes (68,6 %) ont presque le même niveau d’informalité. Dans les Amériques (40,0 pour cent) et en Europe et Asie centrale (25,1 pour cent), moins de la moitié de l’emploi est informel. Le niveau de développement socio-économique est positivement corrélé à la formalité. Plus des deux tiers de la population active des pays émergents et en développement occupent un emploi informel (69,6 pour cent), tandis que moins d’un cinquième de la population active (18,3 pour cent) se trouve dans les pays développés. L’emploi informel est la principale source d’emploi en Afrique, représentant 85,8 pour cent de tous les emplois.

Algérie:une” économie de l’ombre” extra-légale, enfant du virage libéral des années 1980

Ce qu’on appelle le secteur informel est né de l’abandon et du démantèlement consécutif des bases institutionnelles et organisationnelles ainsi que des structures économiques du modèle de développement basé sur le secteur public, l’industrialisation et la planification.La voie conçue comme substitut à la voie de développement national de la décennie 1970 tablait sur “l’émergence d’une épargne privée et d’une classe d’entrepreneurs et par la mise en .place des institutions d’une économie de marché et la création des conditions nécessaires à une croissance durable et soutenue appuyée sur l’investissement privé national et l’IDE”

En termes plus explicites,Il faut d’abord fabriquer des “capitalistes”. Un processus de création accélérée de rentes spéculatives va s’en charger.

Avec le changement de cap destiné “ à briser le carcan dirigiste”, inauguré aux lendemains de la disparition du président Houari Boumediene, le processus de mutation du rôle de l’Etat et de sa nature sociale se met en branle. Dans une volonté de convaincre des avantages de la libéralisation sans en dévoiler les coûts, l’Etat, jusque là, entrepreneur général du développement, entame sa mue libérale. Il orchestre un vaste dispositif législatif et règlementaire de transferts de valeur consentis sans contrepartie économique, productive ou autre attestant d’un mérite (scientifique, artistique, sportif, etc. ). Dans le cadre de l’opération cession des biens de l’Etat décidée par le gouvernement Chadli, des centaines de milliers de logements et de locaux commerciaux sont cédés à leurs locataires à un prix dérisoire. Le différentiel entre le prix de cession par l’Etat et le prix de revente sur le marché est de 1 à 10, selon des évaluations . Dans le contexte du monopole immobilier de l’Etat, des plus- values de l’ordre de plusieurs dizaines de milliards de dinars vont être réalisées par des particuliers les projetant à la tête de fortunes appréciables sans aucun effort productif. Dans le même esprit, est décidée en 1980, la mise en vente à des particuliers de terrains à bâtir. L’acquéreur devant disposer de ressources suffisantes à même de lui permettre de bâtir dans un délai ne dépassant pas 3 ans. Les pouvoirs publics entreprennent la distribution de 200 lots par commune destinés à l’auto construction. Des dizaines de milliers de permis de construire vont être délivrés dans ce cadre, qui ne concernent pas, on peut aisément le supposer, les couches sociales les plus démunies. Terrains cédés à prix modestes, prêts CNEP avantageux, matériaux de construction subventionnés (le ciment est importé à 30% voire 40%),cession à des prix symboliques des biens rationnés, terrains à bâtir, terres agricoles, logements, locaux commerciaux, véhicules, matériaux de construction, dérogations au régime de change et des importations, carrières professionnelles et bourses d’études à l’étranger.

Les conditions de formation de gisements de rentes spéculatives sont réunies. Les revendeurs de biens de l’Etat (immobiliers, camions, tracteurs, bus,..) subventionnés prospèrent, jusqu’aux restaurateurs qui achètent la viande par carcasse aux magasins publics; Les positions de monopole sur les centres de décision se sont mues en sources de « rentes régaliennes », impulsant par le haut un mécanisme à la fois incitatif et sélectif d’accumulation de fortunes dispensées de contrôle et de réglementation. Ce qu’on ne désigne plus désormais que par l’appellation de « système » va ainsi abriter un vaste mécanisme, irrigué par les revenus pétroliers, de transfert de valeur du secteur étatique vers le secteur privé, des activités productives vers celles du commerce et de la spéculation, des salariés vers les spéculateurs, du travail productif vers la contrebande et l’informel et sur un tout autre axe, de l’économie algérienne vers le capital financier international via l’évasion des capitaux et les remboursements croissants du service de la dette. 

Une « économie informelle » prolifère au point de prendre progressivement en charge une part considérable de l’approvisionnement national . Elle se nourri aux sources des rentes spéculatives grandissantes. L’informel devient la parade contre la mise hors jeu social des catégories laissées pour compte.. Pour la masse croissante des exclus scolaires, pour les diplômés sans débouchés réels, pour les franges salariales précaires, le tbazniss est une source de gains qui dépassent de loin leur horizon salarial, constituant un levier de propulsion sociale au moins comparable à celui qui a favorisé la rapide ascension des couches moyennes. La figure modèle de la réussite sociale, visée ici, n’est pas celle qui se construit par le travail qualifié, le savoir faire technique ou les connaissances scientifiques mais par « le coup » qui peut rapporter en un jour, l’équivalent d’un mois de salaire du « secteur officiel »…, ou plus.

L’informel sert de catalyseur à un processus de montée de l’anomie qui dissout sur son passage toute norme de droit lui substituant la loi des réseaux informels, réseaux occultes, opaques et mouvants qui décomposent et recomposent l’Etat au quotidien. Ce processus affecte jusqu’aux dispositifs de contractualité et de transparence réglementaires les plus enracinées de l’édifice étatique : services publics de distribution de l’électricité et du gaz, de l’eau, des postes et télécommunications, de la santé, de l’éducation, de la justice…Le commerce de l’informel va jusqu’à se donner pour abri, les enceintes- symboles longtemps considérées comme les lieux sacrés de l’Etat moderne : l’administration publique et l’école.

Paradoxe réel ou apparent, alors que, sous les coups de boutoirs conjugués de la chute des recettes petro gazières et des politiques de désinvestissement-désindustrialisation engagées par l’équipe Chadli, les affaires des secteurs productifs publics et privés régressent et risquent même l’écroulement, des revenus à la masse impressionnante mais qui échappent à l’enregistrement, s’échangent, se distribuent et se reproduisent en marge des règles de jeu officielles, fruit d’une «économie de l’ombre » prospère. Et, comme en opposition de phase avec cet essor, la panne prolongée de l’économie officielle et de ses entreprises. Si une courbe pouvait schématiser cette situation, elle représenterait le gradient de profit qui traverse une économie officielle noyée dans le marais des pertes, déficits et autres découverts, pour émerger dans la sphère de « l’autre économie », celle des gains rapides et des profits vertigineux. Les capitaux en quête de placements avantageux s’accumulent, prenant plus souvent les chemins de l’exportation que ceux de l’investissement.Le développement fulgurant du secteur informel est le résultat de cette désarticulation du système productif algérien.

La « machine » productive est paralysée mais de colossales fortunes rentières s’édifient à l’ombre de l’Etat. « Porteurs de cabas » et « seigneurs du conteneur » sont les chevilles ouvrières de ce commerce prospère qui s’est donné un repère dans le vocabulaire courant, trabendo. L’alliance objective des « porteurs de cabas » et des « seigneurs du conteneur » est solidement scellée. Elle nourrit en puissance l’attente d’un autre État.

Ce système, hérité du virage libéral des années 1980 et soutenu par le Consensus de Washington*, visait à faire émerger, artificiellement et à une allure accélérée, une bourgeoisie arrimée aux intérêts du capital mondialisé. Cette bourgeoisie est arrivée à prendre la fonction qui lui a été assignée, dans la lutte des classes, comme relais local de l’ordre mondial néolibéral. Elle constitue un obstacle au projet national.

Force est de le constater, le virage libéral des années 1980 ne s’est pas traduit par le développement de l’investissement productif et d’une économie productive mais au contraire, il a engendré l’explosion d’une «économie informelle», c’est-à-dire en marge de la règlementation fiscale, administrative et sociale, tentaculaire, logée dans un secteur des services et du commerce, prolifique, au point de prendre progressivement en charge une part considérable, prépondérante, de l’approvisionnement national. Le capital privé productif, investisseur, preneur de risque, vecteur d’innovation est absent.

L’informel espace socioéconomique du Non Etat et terreau des idéologies conservatrices etrétrogrades

Espace socioéconomique du Non Etat, il impose sa loi à l’Etat, empêchant d’exercer son pouvoir économique.Ainsi, l’obligation de l’utilisation du chèque pour les transactions dépassant les 500 000 DA, mesure qui devait entrer en vigueur le 31 mars 2011, a été reportée sine die. Devant les troubles provoqués, en janvier 2011, par l’augmentation des prix alimentaires, le gouvernement a dû renoncer à imposer aux grossistes l’usage de chèques pour les paiements importants. Sa volonté de contrôler l’économie parallèle qui gangrène le système productif a été mise en échec par le jeu d’un petit groupe d’intérêts privés.

Autres indices caractéristiques de ce Non Etat. On recensait, début des années 2000, 1,8 million constructions illicites à travers le territoire national, érigées au mépris des lois et règlements ; un volume qui ne concerne que les constructions érigées avant 2008, alors que celles bâties après cette date sont beaucoup plus nombreuses. Dans le cas du pillage du foncier agricole, les riches terres maraîchères des domaines anciennement autogérés du littoral algérois (Cheraga et jusqu’à Tipaza, Bab Ezzouar, Bordj El Kiffan, Tamentefoust, et encore au-delà(…), pour ne prendre que cet exemple, ont été couvertes de béton (et toujours avec un urbanisme horizontal, gaspilleur de terres) au cours des années 90 et 2000 malgré les lois et règlements protégeant les terres agricoles, sans que la justice ne soit saisie ou ne condamne quand elle l’est.

On vient de voir comment, balbutiante au début des années 1980, l’économie informelle a pris son essor avec le démantèlement du rôle de l’Etat dans le développement économique, accéléré par la propagande islamiste encourageant l’émergence d’activités parasitaires en dehors et contre les structures de l’Etat.Selon une étude du FMI, le secteur informel pesait 36 milliards de dollars à fin 2020, alors que l’économie officielle était estimée à 144 milliards de dollars, à cette même date.En moyenne, son poids a été estimé à 30,86% du PIB au cours de la période 1990-2015. Selon un rapport de la Banque mondiale,la part de ce secteur dans le PIB a atteint en Algérie, environ 30% entre 2010 et 2018, soit quasiment le même niveau que celui enregistré durant la période 1990-1999. Il contribue à, pratiquement, un tiers du PIB et à près des ¾ du PIB hors hydrocarbures et hors agriculture. Toujours selon la Banque mondiale, le secteur informel représente plus de 70% de l’emploi total dans les économies émergentes et en développement, dont l’Algérie. En 2019, les salariés du secteur structuré représentaient à peine 26% de la population en âge de travailler( contre 80% en France).

Près de 90 milliards de dollars circuleraient ainsi hors du circuit productif, selon les chiffres révélés par le président Tebboune. Une masse monétaire qui alimente un lumpencapitalisme rentier et prédateur, qui n’investit ni dans l’industrie, ni dans l’agriculture, ni dans les infrastructures. Il ne produit rien, mais construit sa prospérité sur la spéculation sur tout, « nechri ou nbi3 » (j’achète et je revends) . Il façonne également un imaginaire social fondé sur l’accaparement, la thésaurisation et la consommation ostentatoire.

En s’attaquant à la base fiscale de l’État, en organisant la fuite des capitaux et en créant des zones de non-droit et hors contrôle, l’économie informelle affaiblit toute capacité souveraine. Elle a construit un contre-État, régi par ses propres lois, ses rentes, ses trafics et ses codes – souvent légitimés par un vernis religieux sacralisant la « tidjara halal » (le commerce est licite).

Economie de l’ombre,”l’informel” est la forme d’existence du capitalisme périphérique dominé, en Algérie. La loi la plus fondamentale de l’économie capitaliste est, en effet, le développement inégal : elle ne génère pas du rattrapage mais une différenciation toujours renouvelée. Le développement au centre capitaliste et le sous-développement à sa périphérie sont, en effet, les éléments corrélatifs d’un seul processus ; il condamne la périphérie à une « éternelle » accumulation primitive au bénéfice du Centre. La lumpen-prolétarisation croissante de la population qui résulte de cet état de sous-développement structurel produit akhina et chriki, figures typiques de ce qu’on appelle l’économie informelle, phénomène à la fois économique, social, politique et idéologique. A son positionnement dans la production sociale, correspond, en effet, un comportement social et politique, un positionnement dans les luttes sociopolitiques. L’économie informelle est le terreau nourricier de l’islamisme et des idéologies conservatrices et rétrogrades.

Dans les années 1990, Ils ont constitué la masse de manœuvre et les troupes de choc de l’islamisme, contre eddoula, « la mithaq, la doustour, klem ellah, klem errassoul ».

Concentrée dans des activités de service, l’économie de l’ombre se cantonne dans la sphère de la circulation simple et non capitaliste : extérieure aux rapports de travail et de production capitalistes. La prédominance de l’économie de l’ombre réduit ainsi drastiquement la capacité à mobiliser les ressources pour stimuler la sphère productive. Elle ponctionne systématiquement les recettes devises du pays, les détournant du cycle productif vers les activités d’import-revente, pour l’essentiel, activités dont le bénéfice, allergique à l’investissement productif, est investi dans l’immobilier de luxe et ou thésaurisé, participant d’un processus de distribution inégalitaire et inéquitable des revenus et nourrissant une couche sociale parasitaire, s’inscrivant en opposition structurelle à l’Etat économique de droit et à ses institutions.Les acteurs de l’informel sont réputés individus de « grand refus », refus du code et des normes, refus des règles et des lois, refus de l’organisation,irréductibles, irrécupérables, ensemble de grande disponibilité à la subversion et à l’insurrection « anomique ». Ils sont incapables de mener une lutte politique organisée

En Algérie, l’économie informelle s’est avérée être, l’un des instruments les plus redoutables de la guerre économique et idéologique menée par l’Occident collectif contre les peuples du Sud. Elle n’est pas un simple fait social, mais constitue, au contraire, un véritable projet de société. La prégnance d’une structure économique dominée par les activités de services informelles, peu ou pas exigeantes en personnel instruit et qualifié, creuset de la sous-culture et du mépris des gens du savoir, concourt au rabaissement du niveau d’exigence du système éducatif national et à ses médiocres performances.

Comment un tel tissu économique si peu diversifié, pauvre technologiquement comme sur le plan managérial, dominé par les activités rudimentaires de service et informelles peut-il permettre de s’insérer dans le remodelage géopolitique et la division internationale du travail qui se met en place, dans les termes les moins défavorables à l’Algérie.

Comment une telle structure lestée de tels fragilités et handicaps structurels peut-elle produire rapidement des taux élevés d’absorption productive de la main œuvre jeune, instruite, féminine, répondre au défi global de l’ intégration économique de la jeunesse, sachant que près des 2/3 de la population est âgé de moins de 30 ans et que Le taux de chômage des jeunes (16-24 ans) est de 29,3% et que les diplômés de l’enseignement supérieur forment 31,4% de la population au chômage et les diplômés de la formation professionnelle en constituent 26,1%

Comment une telle structure dominée par des activités sans consistance productive ni technologique, ni managériale, peut-elle permettre d’assurer la diversification sectorielle productive de notre PIB et la réorientation conséquente de nos relations économiques internationales, de répondre aux défis de l’insertion internationale dans un monde en convulsions ?

Economie parasitaire de l’ombre ou économie productive créatrice : qui l’emportera?

Le pouvoir politique semble aujourd’hui avoir pris conscience du caractère insoutenable et explosif de cette situation. Les mesures récentes (lutte contre l’informel par le contrôle des flux financiers, la numérisation, l’obligation de traçabilité des paiements, la relance de l’économie productive,démantèlement de dizaines de sociétés-écran, sanctions pénales exemplaires contre les spéculateurs,…) traduisent une volonté encore incomplète, mais réelle, de réorienter les priorités nationales. Il s’agit notamment d’endiguer une économie parallèle (qui a prospéré en dehors du secteur productif) qui déstabilise les équilibres sociaux, comme c’est le cas, par exemple, dans le secteur immobilier « de luxe » où les logiques spéculatives creusent les inégalités territoriales et sociales.

L’informel, fort de ses appuis, et par la corruption, a fini par incruster dans la société l’idée que tout peut se faire en dehors de la loi. Pendant longtemps, le désengagement quasi-total des administrations de l’Etat de leurs tâches de contrôle, sous couvert de moins d’intervention dans les activités économiques ou à cause du terrorisme, a encouragé la prolifération de l’informel et de l’incivisme. Au niveau local, les attributions touchant aux services publics de base (gestion des déchets, hygiène, assainissement) étaient délaissées au profit de ce qui paraissait plus lucratif (réserves foncières, distribution de lots à bâtir), au prix de catastrophes sanitaires (comme l’épidémie de typhoïde à Ain Taya en 1992).

L’application « modulée » de la loi selon des critères « informels » a provoqué des sinistres coûteux pour la collectivité : intoxications alimentaires, maladies à transmission hydrique, incendies de forêts, incendies et explosions dans des unités de production, recrudescence des accidents de la route mortels,… Tout cela pour que des individus sans scrupules puissent alimenter leurs comptes en banque à l’étranger.

Produits par le démantèlement de la politique de développement national et de ses institutions, entamé dans les années 1980, les effets dévastateurs du secteur informel ne trouveront leurs véritables remèdes que dans le retour à cette politique et la reconstruction de ses outils et de ses institutions. Une politique volontariste de primauté de la production matérielle, de la sphère productive et du travail productif et d’intégration économique massive de la jeunesse à ces processus créeront les conditions du recul durable puis de l’élimination de l’informel. Vers une économie enracinée, entraînée par des activités fortement productives,une économie qui produit des emplois qualifiants, valorisants, gratifiants, offrant de meilleures perspectives d’absorption productive d’une main d’œuvre instruite et qualifiée, nombreuse et de plus en plus féminine, et des possibilités d’innovation et d’accroissement de la valeur ajoutée. Une économie qui crée les conditions de son propre dépassement. Une économie basée sur l’effort endogène d’innovation technique, économique, managériale, institutionnelle, sociale, en appui sur la mobilisation des facteurs scientifiques et technologiques nationaux et capable de se mesurer aux grands challenges technologiques et industriels porteurs de développement et facteurs d’échanges équilibrés et mutuellement bénéfiques, pour améliorer la richesse nationale et sauvegarder notre souveraineté et répondre aux défis d’un monde en pleine mutation multidimensionnelle.

Abdelatif Rebah Economiste 

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