Georges Ibrahim Abdellah
Né le 2 avril 1951 à Al Qoubaiyat (Nord-Liban) dans une famille maronite.
Militant communiste libanais.
Le 24 octobre 2024, il aura passé 40 années de sa vie en prison (plus de la moitié de son âge).
C’est dans les années 1970-1980 qu’il fait l’apprentissage de son engagement politique aux côtés des organisations politiques palestiniennes alors très actives dans les camps des réfugiés palestiniens du Sud-Liban (250.000 réfugiés).
L’accord du Caire de 1969 autorisait les réfugiés palestiniens de mener des opérations à partir du Sud-Liban.
En 1971, il s’engage au sein du FPLP et côtoie plusieurs militants révolutionnaires, dont Waddie Haddad responsable du FPLP OE (Opérations Extérieures).
Note sur Waddie Haddad (21 juillet 1928-28 mars 1978)
Cofondateur en 1946 avec Georges Habbache (et d’autres étudiants) du mouvement des résistants arabes, puis du FPLP (de tendance marxiste) en 1967 à la suite de la NAKSA (qualifiée par les sionistes de guerre des 6 jours) et l’abandon par les pays arabes de la lutte armée en acceptation de la fameuse résolution 242 du conseil de sécurité de l’ONU (novembre 1967) dite « des territoires occupés en 1967 contre paix ». Waddie Haddad prend les responsabilités des opérations extérieures en application de la devise-orientation « à la poursuite de l’ennemi (sioniste, impérialiste et réactionnaire arabe) en tout lieu, en utilisant la violence révolutionnaire organisée ». Grâce à l’important travail de propagande de Ghassan Kanafani (1936-1972) responsable de l’organe central du FPLP (El Hadef qu’il fonde en 1969), le FPLP a réussi à attirer de nombreux militants internationalistes de tous les continents qui ont participé à des actions armées tant en Palestine que dans les centres impérialistes. Dont Mohamed Boudia (24 février 1932 Alger-28 juin 1973 Paris).
Georges Ibrahim Abdellah participe aux actions de résistance contre l’entité sioniste qui pourchasse les réfugiés du Sud-Liban. Il est même blessé lors de l’invasion sioniste du Sud-Liban (opération « Litani ») en 1979.
En 1982 résistance palestinienne et gauche révolutionnaire libanaise sont côte à côte pour combattre le siège de Beyrouth-Ouest par les Phalanges de Bachir Gemayel fraîchement élu (et l’entité sioniste dirigée par Ariel Sharon) qui commettront, en septembre 1982, le grand massacre des camps de Sabra et Chatila.
En 1982, il co-fonde les FARL et en devient l’un des responsables dans un contexte marqué notamment par :
- La destruction de la centrale nucléaire irakienne de Tammouz par l’aviation sioniste (le 7 juin 1981)
- L’Annexion du Plateau syrien du Golan le 14 décembre 1981
- L’exil de Yasser Arafat et de l’OLP vers la Tunisie.
Suivant la même orientation (« frapper l’ennemi partout »), les FARL revendiquent l’assassinat à Paris en janvier 1982 de Charles Ray (diplomate-agent de la CIA), puis en avril 1982 de Yacov Barsimentov (diplomate-agent du Mossad) comme acte de justice révolutionnaire.
Ce sont ces batailles qui ont fait naître le militant communiste Georges Ibrahim Abdellah.
Le 24 octobre 1984, Georges Ibrahim Abdellah est arrêté à Lyon : il logeait avec une militante communiste libanaise filée par les services français (Jacqueline Esber, alias Rima auteure de l’opération d’exécution mais dont l’identité ne sera révélée que 34 ans plus tard).
Il est accusé de faux et usage de faux : fausse identité avec un passeport algérien.
En mars 1985, les FARL prennent en otage de Sidney Perrault (diplomate-directeur du centre culturel français à Tripoli au Nord-Liban, fils du célèbre l’écrivain Gilles Perrault, ami de Roland Dumas et de François Mitterrand) et exigent l’échange de l’otage contre la libération de Georges Ibrahim Abdellah.
Yves Bonnet (Directeur de la DST) transmet l’accord de la France via l’Algérie alors médiatrice dans l’affaire. Perrault est libéré mais pas Georges Ibrahim Abdellah : un véritable parjure.
1ier procès : le 10 juillet 1986 : il est jugé et condamné à 4 ans de prison (maximum de la peine pour le délit de faux et usage de faux).
Déjà, les USA (Reagan) expriment des protestations (auprès de Mitterrand-Chirac) pour la faiblesse de la peine, en invoquant le contexte des nombreux attentats commis à Paris.
Certains de ces attentats sont revendiqués par l’Iran (en raison de la fourniture d’armes par la France à l’Irak durant la guerre Iran-Irak, et la rupture, à la suite de la « révolution islamique » de 1979, des accords de coopération dans le domaine nucléaire passés par la France avec le Shah.
D’autres sont revendiqués par le collectif de soutien aux prisonniers arabes dont Georges Ibrahim Abdellah. Deux frères de ses frères en sont accusés.
De 1984 à 1986, sa défense (d’office) est « assurée » par Jean-Paul Mazurier qui révèlera lui-même au journal télévisé qu’il est un agent de la DST. Il sera d’ailleurs radié du barreau, puis suspendu de l’exercice de son métier durant 3 ans.
Ceci qui aurait dû au minimum entraîné une révision du procès.
2ième procès le 23 février 1987 : il est jugé par une cour spéciale (des assises sans jury populaire pourtant prévu par la loi de 1986, et après 70 minutes de délibération) pour actes terroristes sur la base de fausses preuves (fabriquées par les services : un revolver empaqueté dans un journal arabe et daté de 2 ans avant son incarcération).
Les USA se portent partie civile et sont représentés par l’avocat français Kiejman.
Verdict : réclusion criminelle à perpétuité.
En 1999, après les 15 ans de peine de sûreté prévus par la loi, il peut formuler une demande de libération conditionnelle (semi-liberté d’1 an minimum avec emploi ou port d’un bracelet électronique).
En juin 2023, il aura effectué 10 demandes de libération conditionnelle ; mais toutes sont refusées.
Pourtant en 2003, le tribunal de Pau (juridiction de la prison de Lannemezan) accepte sa demande de libération ; mais le ministre de la justice (Dominique Perben) s’ingère et refuse la demande.
En 2006, une nouvelle loi est promulguée : elle prévoit que seul le tribunal des peines de Paris est compétent pour juger des affaires liées au terrorisme.
En 2012, après 28 ans de détention, le tribunal des peines accepte sa libération si un arrêté d’expulsion de France (vers le Liban lequel accepte) est signé par le ministre de l’intérieur.
Une double peine normalement prohibée par le droit français et contraire à la séparation des pouvoirs. Mais Georges accepte. Le ministre de l’intérieur Manuel Valls refusera en raison à la fois de la supposée menace de Georges Ibrahim Abdellah sur les intérêts français au Liban, et des pressions des USA sur la France (injonction de Hilary Clinton à Laurent Fabius et Manuel Valls révélée par Wikileaks).
Une perpétuité réelle alors qu’elle n’existe pas légalement en France.
Georges Ibrahim Abdellah est un combattant en prison.
Il a transformé la prison ennemie en arène de lutte politique perpétuant les traditions des prisonniers révolutionnaires comme Georges Dimitrov, Nazim Hikmet (« l’important est de ne pas se rendre ») ou encore les prisonniers de la guerre de libération nationale algérienne qui appliquaient les consignes de l’ALN-FLN : ne pas s’adresser aux juges mais aux masses, ne pas plaider sa cause mais la cause du peuple.
Lors de son procès, il affirme le soutien à son organisation (les FARL) bien qu’il soit innocent, la centralité de la lutte de libération de la Palestine car sa colonisation est portée par tout « l’occident impérialiste », le soutien aux prisonniers palestiniens (il fera même une grève de la faim avec eux), le soutien aux prisonniers politiques basques, turcs, le soutien aux luttes contre le racisme et l’islamophobie, le soutien aux luttes syndicales et politiques contre la violence d’Etat, il stigmatise le processus de fascisation du système capitaliste, …
Il insiste sur la mobilisation la plus large pour imposer le rapport des forces qui seul rendra le coût de sa détention plus élevé que le coût de sa libération.
En 2015, au cours de la 5ième manifestation devant la prison, est née la Campagne Unitaire pour la Libération de Georges Ibrahim Abdellah : héritière de plusieurs collectifs de soutien, elle organise chaque année un mois international d’action de solidarité sur la base du respect de l’identité communiste de Georges Ibrahim Abdellah et de son combat antisioniste et anti-impérialiste. De nombreuses initiatives sont prises chaque année dans plusieurs villes de France, en Belgique, en Italie, en Espagne, au Liban, en Allemagne, aux USA, en Palestine occupée, en Turquie, en Tunisie, en Grèce, en Autriche, en Irlande, en Amérique du Sud, …
En France, il a été nommé citoyen d’honneur de 3 villes : Calonne Ricouart et Grenay dans le Pas-de-Calais, et Bagnolet en Ile de France.
En 2014, il a reçu le prix « Frantz Fanon ».
Il est président d’honneur des Rouges Vifs (organisation communiste du Sud de la France) et du Front uni des immigrations et des quartiers populaires (FUIQP).
Aujourd’hui, le soutien à sa libération est devenu réellement international.
Le soutien à Georges Ibrahim Abdellah démontre ainsi les mensonges de la démocratie bourgeoise et la chimère de la séparation des pouvoirs chère à « l’occident impérialiste ».
La justice de classe est sans pitié pour les prisonniers qui perpétue la mémoire des résistances collectives et la permanence du combat palestinien.
Il démontre que la justice bourgeoise est une justice de classe au service du capital, et donc, que son affaire n’est pas du tout une affaire juridique.
L’absence de statut de prisonnier politique en France devient un mensonge.
Exemple de la justice rendue lors du procès de Maurice Papon (responsable des massacres du 17 octobre 1961, de Charonne en 1962 et, en tant que préfet plénipotentiaire de Constantine, de la répression et du centre de torture de la ferme Ameziane érigée en 1955 à la suite des célèbres opérations de l’ALN-FLN du 20 août 1955 : il est condamné en 1998 à 10 ans de réclusion criminelle pour crimes contre l’humanité (déportation de 1560 juifs), mais il est libéré au bout de 3 ans et mourra paisiblement en 2007dans son domicile.
Si le tribunal officiel l’a condamné, le tribunal populaire, par les manifestations annuelles et massives (chaque 24 octobre devant la prison) l’a libéré.
En réalité, en prison il est beaucoup plus libre politiquement et idéologiquement que des millions de personnes en dehors de la prison.
Georges Ibrahim Abdellah est devenu le symbole qui matérialise toutes les résistances contre le sionisme et l’impérialisme.
Certainement que la libération de la Palestine fera naître des milliers d’autres Abdellah.
Kamel B.