Société

Abdelaziz Medjahed, général-major à la retraite: « Le terrorisme doit être combattu aussi sur les plans idéologique et médiatique »

Abdelaziz Medjahed, général-major à la retraite et ancien commandant de l’Académie interarmes de Cherchell: « Le terrorisme doit être combattu aussi sur les plans idéologique et médiatique »

Le général Abdelaziz Medjahed a été parmi les hauts gradés de l’Armée nationale populaire (ANP) qui ont dirigé la lutte antiterroriste durant les années 1990. Egalement expert judiciaire, il revient, dans cet entretien, sur les dernières opérations militaires des éléments de l’ANP qui se sont soldées par l’élimination d’une vingtaine de terroristes dans les massifs de Fekrioua, à Bouira.

Reporters : Vingt-cinq terroristes ont été abattus par l’armée ces dernières 48 heures dans la région de Bouira. Pourquoi, selon vous, cette région du centre du pays semble être devenue le fief des terroristes qui y sont particulièrement concentrés ?


Abdelaziz Medjahed : Il est dans l’intérêt du terroriste qui aurait l’intention de déclencher une opération criminelle d’en attendre la plus grande répercussion et qu’elle fasse le maximum de bruit possible, en particulier sur le plan médiatique. Dans notre cas, la basse ou la haute Kabylie, des régions du centre du pays interconnectées par des massifs montagneux et forestiers, ont en commun d’être proches d’Alger. Et la capitale représente l’épicentre de la communication, au vu de la forte présence de représentants de la presse nationale et étrangère, et surtout de représentations diplomatiques. De ce fait, un attentat à Bouira pourrait faire un énorme bruit dans la capitale et même au-delà. Rappelez-vous de Gourdel et de l’onde de choc nationale et internationale produite par son assassinat pour comprendre et mesurer la situation.


S’agit-il de l’unique raison ?


Je ne dis pas qu’il s’agit de la seule raison, mais elle en est, en tout cas, la plus importante. Evidemment, l’environnement géographique dans l’ensemble de la région est stratégique. Il est bien plus facile à un terroriste de trouver refuge dans une forêt dense de la Kabylie que dans les Hauts-Plateaux ou dans le Sud.


Quelle serait, à votre avis, la bannière des terroristes tués à Fekrioua ?


Ce qui est important, c’est que ces terroristes soient combattus de manière efficace et sur tous les plans. C’est-à-dire militairement et idéologiquement. Je ne cherche pas particulièrement à comprendre ou à connaître le nom du groupe auquel des terroristes appartiennent. Je sais seulement que ce sont des terroristes qu’il faut combattre. Et tous ceux qui combattent, armes à la main, l’Etat sont des terroristes, car ils sont eux-mêmes contre l’Etat et son peuple. A mon sens, donner un nom aux terroristes serait les reconnaître. Je m’explique : à mes yeux, parler d’une organisation qui s’appelle Daech, Etat islamique ou Al Qaïda au Maghreb islamique ou je ne sais encore quel autre nom serait donner aux terroristes et à ces organisations du crédit et de la reconnaissance. Un terroriste reste un terroriste. Faire une distinction serait une erreur. D’autre part, limiter la lutte antiterroriste à la simple option militaire et au cadre officiel est dangereux. Or, la lutte antiterroriste doit se faire sur tous les fronts et tout le temps. Le terrorisme doit être combattu aussi sur les plans idéologique et médiatique.


Au vu de votre expérience dans la lutte antiterroriste, quelles sont les sources d’approvisionnement des groupes terroristes, d’autant plus que le centre du pays est éloigné des foyers habituels d’approvisionnement que sont les régions frontalières ?


Les sources de soutien sont multiples. La contrebande peut leur servir de moyen d’approvisionnement. Et sur ce point, ils sont à la hauteur. Mais ce qui serait important et utile de signaler, c’est que le soutien au terrorisme n’est pas seulement celui relatif à la logistique. Il y a également le soutien moral, idéologique et la complicité de part et d’autre. Le soutien au terrorisme peut être abordé dans un large sens. En Syrie, ce sont des pays du Golfe, à l’exemple de l’Arabie saoudite, qui soutiennent les terroristes aussi bien financièrement qu’idéologiquement.

Adel Boucherguine reporters

Les commentaires sont clos.