Politique

Au Brésil, l’ombre de Monsanto derrière Zika

Le Nord est brésilien, avec 1 447 notifications de microcéphalies, est
l’épicentre du phénomène.
Photo : Reuters

Et si l’épidémie Zika n’était pas le bon coupable ? Des chercheurs
argentins mettent en cause un pesticide, injecté dans l’eau et produit
par une filiale de Monsanto, d’être à l’origine des microcéphalies.

Le virus Zika serait-il vraiment responsable de la multiplication des
cas de microcéphalie au Brésil ?

Un groupe de chercheurs argentins et brésiliens, coordonné par le
docteur Avila Vazquez, pédiatre spécialisé en néonatalogie (spécialité
médicale qui s’attache à prendre en charge les nouveau-nés) a, en tous
les cas, soulevé cette interrogation. Dans une étude parue le 3
février dernier, ceux-ci ont en effet mis en doute la responsabilité
du seul virus Zika dans l’augmentation exponentielle de microcéphalies
enregistrées chez les nouveau-nés ces derniers mois. Selon eux, les
cas de malformations à la naissance seraient dus, non pas au fameux
moustique, mais à l’utilisation d’un pesticide : le Pyriproxyfen,
produit par Sumitomo Chemical, filiale japonaise de la multinationale
américaine Monsanto. Ce pesticide utilisé plus particulièrement au
Brésil, et injecté dans le réseau d’eau potable de certaines régions,
sert à la lutte contre la prolifération du moustique-tigre, vecteur de
la dengue.

Un futur scandale sanitaire et financier

Partis d’un simple postulat, les chercheurs se sont demandés pourquoi
Zika (virus identifié dès les années 1950 en Ouganda), une maladie
relativement bénigne, ne provoquait pas partout des malformations chez
les nouveau-nés. Et de s’appuyer sur la constatation qu’en Colombie,
où il sévit également, mais où le produit chimique n’est pas utilisé,
aucun cas de microcéphalie n’a été enregistré jusqu’à ce jour. Plus
étonnant encore, ils font remarquer que, dans certaines zones où 75 %
de la population a été testée positive à Zika, il n’y avait jamais eu
de malformations comme celles observées au Brésil : « Les
malformations détectées chez des milliers d’enfants nés de femmes
enceintes dans des régions où l’État brésilien a ajouté du
Pyriproxyfen ne sont pas une coïncidence et ce, même si le ministère
de la Santé incrimine directement le virus Zika », ont déclaré dans un
communiqué les chercheurs à l’origine peut-être d’un futur scandale
sanitaire et financier. La solution serait donc non pas à chercher
dans les eaux stagnantes, mais dans l’eau potable des régions
infectées et notamment celles du Nordeste brésilien, qui, avec 1 447
notifications de microcéphalies, est l’épicentre du phénomène. Depuis
plus de dix-huit mois, les autorités brésiliennes, sur les
recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), y
injectent dans le système hydrique cet insecticide. Une solution pour
le moins expéditive de lutter contre le virus, dans cette région qui
est l’une des plus pauvres du Brésil où « 70 % des mères d’enfants
atteints par la maladie vivent dans une extrême pauvreté », dixit le
Diario de Pernambuco (quotidien du Nordeste). Crise que ne connaît
décidément pas le géant Monsanto, une nouvelle fois mis à l’index.
Crise que ne connaîtront pas non plus les laboratoires
pharmaceutiques, qui ont dix-huit mois pour trouver la solution et
enlever le marché : « Une quinzaine de laboratoires et agences
nationales de recherche sont sur les rangs », a déclaré la
sous-directrice de l’OMS, le Dr Marie-Paule Kieny. Dans le lot, deux
vaccins sembleraient des plus prometteurs : l’un est développé par
l’Institut national de la santé américain – institution
gouvernementale – et l’autre par le laboratoire indien Bharat Biotech.
Mais les États-Unis pourraient très vite avoir une longueur d’avance.
Barack Obama ne vient-il pas de demander au Congrès américain 1,8
milliard de dollars (1,6 million d’euros) pour combattre Zika ?

Le Brésil est en première ligne, mais l’épidémie s’étend. Le Brésil
est aujourd’hui le pays le plus touché par le virus Zika. Ce sont en
effet un million et demi de personnes qui ont été contaminées depuis
2015. Derrière lui se trouve la Colombie. Jusqu’en 2014, le virus
n’était pas recensé sur le continent américain. Il est connu, en
revanche, depuis les années 1950 en Afrique.
ÉRIC SERRES
MARDI, 16 FÉVRIER, 2016
L’HUMANITÉ

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