Société

« Baghi Elben ou Mdareg Ettass !!! » il désire le petit lait, mais cache le broc !

« Le document accablant de l’Union européenne sur la situation en Algérie »
C’EST sous ce titre… accablant, que le quotidien électronique TSA nous livre ce 27 mars la liste copieusement remplie des griefs que nourrit l’Union Européenne à l’encontre de notre pays….

Par Abdellatif Rebah.

arton410-38305.jpgC’EST sous ce titre… accablant, que le quotidien électronique TSA nous livre ce 27 mars la liste copieusement remplie des griefs que nourrit l’Union Européenne à l’encontre de notre pays. Encore un autre rapport accablant, certains de nos médias se sont fait une spécialité d’en fournir une riche moisson quotidienne. Celui-ci est « au vitriol » nous avertit, cependant, la journaliste de TSA qui recense « tous les blocages de l’Algérie et les difficultés rencontrées dans la coopération avec l’Union européenne (UE) ». Mais attention, tout de même, à la méprise, ce n’est pas un procès ou du moins pas encore, c’est « un acte diplomatique » nuance TSA.
Enumérons ce qui constitue, selon cet article, le gros des soucis de l’Union Européenne :
-L’Algérie ne se presse pas pour mettre en place le plan d’action pour intégrer la politique européenne de voisinage
-la lenteur des réformes politiques ; « le processus de mise en œuvre des lois fondamentales est resté lent », outre « des lacunes évidentes par rapport aux normes et standards internationaux »
-« il n’y a eu aucun progrès visible dans la mise en œuvre des recommandations de la mission d’observation électorale de l’UE « mai 2012″ des élections législatives ».
– « le mauvais comportement d’Alger en matière de respect des libertés des ONG, « qui n’ont pas possibilité de coopération internationale ». L’Union européenne note que plusieurs ONG internationales se sont plaintes aux autorités de l’Union européenne que leurs représentants ont été incapables, depuis plusieurs années, d’obtenir un visa pour entrer en Algérie, ce qui entrave leur travail de coopération avec les ONG locales ».
Cette sollicitude de l’Union Européenne à notre endroit ne faiblit pas d’une larme s’agissant de notre situation économique : c’est « le ralentissement de la croissance » pointent les diplomates européens qui s’émeuvent de ce qui pourrait nous arriver en « cas de cycle prolongé de baisse des prix pétroliers». Vient ensuite un exercice de distribution de bons points et de mauvais points, dont on ne sait si on doit s’en féliciter ou s’en inquiéter. Jugez-en vous-mêmes :
La croissance économique, écrivent les experts de Bruxelles, devrait ralentir, « passant de 3,3% en 2012 à moins de 3% en 2013. L’inflation devrait se stabiliser à 5% en 2013 après avoir accéléré à 9% en 2012. Le taux de chômage en 2013 est resté à des niveaux des années précédentes à 10 %. Le déficit budgétaire continue de baisser à 1,2 % du PIB en 2013 après avoir été de 2,7% en 2012. Le solde du compte courant est positif, mais a diminué de 6 % du PIB en 2012 à 1% en 2013. Les réserves de change de l’Algérie ont augmenté à 194 milliards de dollars à la fin 2012, soit l’équivalent de 3,3 années d’ importations, note Bruxelles pour qui le pays continue d’être trop dépendant des hydrocarbures , qui s’élèvent à 35% du PIB , plus de 95% des recettes d’exportation et plus de deux tiers des recettes fiscales en 2012.
Comment apprécier ce rapport « accablant » ? On peut bien sûr consacrer notre énergie à imaginer comment améliorer notre image aux yeux de la diplomatie européenne en clamant fort et preuves à l’appui, que l’élève peut mieux faire. Promis, juré ! Libres à ceux qui le voudraient, d’y voir l’écho réconfortant de leur propre jugement sur leur pays, voire la confirmation de leur clairvoyance ou y puiser des arguments eurolabellisés pour leur « combat pour la démocratie ». Nous avons, pour notre part, choisis de nous interroger sur ce qui qualifie les diplomates de l’Union Européenne pour jouer le rôle de censeur de notre pays. Car c’est bien, après tout, de cela qu’il s’agit. Qu’est ce qu’il leur confère, au juste, la prérogative(le privilège ?) d’émettre un rapport sur la situation politique, économique ou sur les lois de notre pays ? Nous ne sommes pas membres du Traité de Maastricht ou de Lisbonne pour être éligibles à ce type d’exercice et on imagine mal l’Algérie, notre pays, s’affairer à rédiger, dans une réaction symétrique, un rapport sur la situation dans l’Union Européenne, non faute de matière à griefs, loin s’en faut, mais tout simplement parce que nous ne serions pas dans notre rôle. C’est l’affaire des peuples européens et d’eux seuls et il n’y a aucune raison de penser qu’il manquerait de maturité au point d’avoir besoin d’un rapport rédigé par l’Algérie. Vérités élémentaires qu’il semble étrange de devoir rappeler. Et les proverbes ne manquent pas qui en soulignent le simple bon sens : charbonnier est maître chez soi, charité bien ordonnée commence par soi même, etc…
A quel titre et donc de quel droit, les diplomates de l’Union Européenne interpellent-t-ils notre pays sur ce ton impérial, pour ne pas dire dominateur et sûr de lui, suivant la célèbre expression d’un illustre chef de l’Etat français particulièrement jaloux de l’indépendance de son pays ?
Ce n’est sûrement pas l’Histoire dont ils seraient soudainement sortis blancs immaculés des crimes esclavagistes, colonialistes et impérialistes qui les autorisent aujourd’hui à décerner, urbi et orbi, des certificats de bonne conduite humanitaire, démocratique, droits de l’hommistes etc, etc, etc…
Est-ce alors les performances exemplaires qui les distinguent sur le plan économique et social ? Sur ce chapitre, il y a tout lieu de penser que les experts de l’Union Européenne gagneraient plutôt à braquer leurs projecteurs sur les immenses béances qui marquent comme des plaies géantes le paysage européen dévasté par la crise. Comment qualifier autrement cette génération perdue privée d’avenir faute de travail, 6 millions de jeunes Européens de moins de 25 ans à la recherche désespérée d’un travail. L’Espagne est l’exemple le plus frappant, enregistrant un taux catastrophique de 52,1%, tout comme la Grèce (52,1%), la Slovaquie (38,8 %), le Portugal (36,4 %), l’Italie (36,2 %) ou la France (22,7%).
Le chômage qui frappe depuis de très longues années près de 26 millions de personnes jeunes et adultes de l’Union Européenne, n’est ce pas l’incarnation vivante de la violation permanente et institutionnelle des droits de l’homme chez ceux-là mêmes qui se sont érigés en donneurs de leçons. De quelle performance experte, peut-on se prévaloir à notre endroit quand on a réussi l’exploit de faire grimper le nombre de chômeurs dans l’UE, de 20 millions de personnes en 2000 à 27 millions en 2013 !
Comment peut-elle, par ailleurs, porter un jugement crédible sur notre croissance quand la sienne n’a pas franchi la barre des 2% depuis de si longues années.
Se mettre à 28 Etats pour produire de l’échec à si vaste échelle devrait, en principe, inciter à plus d’humilité dans le jugement des déconvenues d’autrui. Mais, on l’aura compris, ce n’est pas un problème d’éthique ou de rationalité, mais bien de raison pratique. Le rêve occidental d’un retour à la case départ est tellement puissant en cette ère de crise et de vaches maigres qu’il ne peut rien se refuser. L’enjeu en vaut son pesant de mystification et de duperie. Une duperie qui dure et perdure, il faut bien le reconnaitre sinon ça fait belle lurette que le peuple palestinien aurait construit son Etat national indépendant dans ses frontières de 1967, ainsi que le prescrivent les résolutions de l’ONU ;
De quel intérêt, pour nous, enfin, peut être un modèle dont la puissance la plus forte et la plus représentative, les Etats-Unis est le pays le plus endetté de la planète avec une dette à 14 chiffres, de plus de 16 000 milliards de dollars, dont on annonce périodiquement le risque de banqueroute ?On sait que depuis 2007, les USA se sont » enrichis » de six millions de chômeurs en plus et de 20 millions de détenteurs de Food stamps (bons d’aide alimentaire) supplémentaires. En 2012, ils sont 47 millions d’Américains à émarger aux tickets d’alimentation et des dizaines de millions à vivre avec 10$ par foyer et par jour. Sans oublier le drame des victimes de la duperie des prêts hypothécaires. Aux Etats-Unis, depuis 2009, les banques ont saisi plus de 4 millions de logements jetant à la rue des centaines de milliers de personnes.
Est-ce que c’est fort de ce « palmarès » que les rapporteurs de l’Union Européenne ont rédigé, avec tant d’aplomb, leurs pressantes recommandations pour notre pays ?
Que dire du fameux classement« Doing Business » de la Banque mondiale, qu’on nous balance régulièrement à la figure comme miroir de toutes nos tares. La couvée 2014 citée par les auteurs du document européen nous assigne à la 153e place sur 189 économies. Accablant, en effet, si on prête un quelconque crédit à un classement qui attribue aux pays qui maintiennent encore l’économie mondiale à flots, les BRICS, les places peu enviables de 96ème, pour la Chine, 116ème, pour le Brésil, 92ème pour la Russie, la 139ème pour l’Inde.
On se souvient du classement 2009-2010 de la « Global Competitiveness », que le Forum économique de Davos, une institution d’évaluation similaire à la Banque mondiale, avait sorti en pleine « tempête financière » qui venait de plonger le monde dans la récession. Les évaluateurs du WEF qui veillent scrupuleusement au label de l’excellence libérale, n’avaient pas hésité, alors, à reconduire pratiquement le palmarès de la couvée 2008-2009, en confirmant tout bonnement à la place de leader, les Etats-Unis, comme si rien ne s’était passé ! Cette même institution, dans son Rapport 2008, classait sans ménagement l’Algérie à la 134ème et dernière place ….pour la sécurité bancaire ! Le célèbre Forum de Davos jugeait alors plus sûr, tout compte fait, de déposer ses fonds dans les portefeuilles de Lehmann Brother, « le fleuron de Wall Street », la 4ème banque US à faire faillite, qui a laissé une ardoise de 613 milliards de dollars de pertes, un encours douteux de plus de 400 milliards de dollars et 25 000 salariés sur le carreau ! Quant à Baer Stearns, la 5èmebanque d’affaires des Etats-Unis, elle avait perdu 17 milliards de dollars en 48 heures ! Et ces banques étaient au top dans le classement pour la sécurité bancaire ! Les plus fins limiers de l’évaluation des banques avaient pendant 9 années consécutives sacré meilleure équipe d’analystes celle de Lehmann Brother et ce jusqu’en 2007, c’est-à-dire à la veille même de l’effondrement de ce géant de la finance !
C’est de crédibilité justement dont manque-le plus nos censeurs de l’Union Européenne. Ils ne cessent de verser des larmes de crocodile sur notre dépendance continue aux hydrocarbures comme s’ils brulaient d’envie de nous voir devenir une puissance industrielle alors que toute leur politique en actes a consisté et consiste toujours à tout faire pour nous maintenir dans l’état de simple déversoir pour leurs biens et services. ! C’est le voleur qui crie au volé ! Et la meilleure illustration n’est ce pas qu’en 30 ans, de 1978 à 2008, les parts de marché de nos fournisseurs traditionnels se sont remarquablement maintenues ? En moyenne : 19% pour la France[1], 9% pour l’Italie, 5% pour l’Espagne, 7% pour les USA. Seuls faits nouveaux : l’Allemagne descend de 18% en 1978 à 6% en 2007. La Chine se hisse de 0,36% en 1978 à 8,65% en 2007.
D’autres exemples viennent apporter la démonstration de cette duplicité
Quand ,il y a quelques années, le MEDEF, l’organisation patronale française, rencontre celle du patronat algérien, le FCE, elle lui exprime son inquiétude quant à l’article 57 de la LFC 2009 qui fait obligation aux investisseurs étrangers de réinvestir la part des bénéfices correspondant aux exonérations ou réductions fiscales accordées au titre des avantages octroyés. Les dirigeants du FCE, eux, observent que dans la délégation française, la plupart sont du secteur des services : où sont les équipementiers automobiles ? Où sont les industriels du médicament, secteur qui a permis aux Français de réaliser en Algérie 850 millions de dollars en 2008, s’interrogent-ils ? L’Algérie a absorbé à elle seule, 90% des exportations céréalières de l’UE, ses importations alimentaires proviennent à 70% de cette zone. L’industrie alimentaire et manufacturière française fournit les deux-tiers des marchés algériens. Quant aux équipements de production de biens alimentaires, ils ont pour fournisseurs prédominants à 80%, l’Italie et l’Allemagne. Le marché des médicaments est quasi totalement dominé par l’UE, avec à sa tête la France. Le marché des matériaux de construction également. Le marché algérien de l’automobile évalué à près de 3 milliards de dollars/an est constitué pour l’essentiel de marques françaises et européennes. Les entreprises françaises sont là pour vendre !
Tout dernièrement, un tapage médiatique remarquable a accompagné la visite d’une délégation du MEDEF dans notre pays qui allait ouvrir la voie à une ère de coopération exemplaire. 80 entreprises françaises avaient fait le déplacement. Au final, 13 maigres accords de partenariats conclus, même pas un quart d’accord par entreprise. Ce type de relations qui perdure depuis des décennies empêche la construction d’une base productive nationale.
Pour ce qui est des IDE, ils viennent effectivement au compte-gouttes, attirés surtout par l’or noir mais avec un puissant effet de levier. Ce sont des dizaines de milliards de dollars que les sociétés étrangères ont transféré au titre des profits rapatriés.
On voit bien qu’au jeu (ou à la guerre ?) des rapports « accablants », il n’y a pas forcément qu’un son de cloche.
Mais, en réalité tout le monde connait la finalité véritable de ces rapports. L’Union Européenne s’invite opportunément dans nos débats internes, pour tester les capacités de sa proie, jauger ses chances d’imposer la « bonne voie ». Elle s’ingère comme force de pression pour peser sur les développements internes à l’Algérie. Elle vise à nous pousser à faire encore d’autres pas dans la direction de ses intérêts stratégiques, à conforter et à renforcer des orientations qui n’ont rien à voir avec notre intérêt national. C’est du gagnant pour eux et du perdant pour nous. Non ce n’est pas un complot de l’étranger, ça lui ressemble à s’y méprendre, certes, mais appelons cela une « ruse de Blancs ».Plus subtil, en effet, un rapport type « bachar el khir » qui nous veut assurément que du bien. Mais les pays qui ont cédé à ces sirènes sont plongés aujourd’hui dans le désastre national. C’est connu, les conseilleurs ne sont pas les bons payeurs.
Les problèmes de développement, de démocratisation, de changement institutionnel, etc de l’Algérie sont d’abord et avant tout ceux des Algériens et d’eux seuls, une affaire interne. A nous de forger nos propres solutions puisés dans les ressorts de notre riche tradition de combats pour la libération nationale et le développement. Si les pays occidentaux peuvent nourrir une sympathie et fonder leurs espoirs sur les courants, des élites réceptives ou des groupes d’intérêts qu’ils jugent les plus enclins à épouser leur modèle, et c’est de bonne guerre, comme on dit, ils ne doivent pas nous mystifier au nom d’une prétendue cause démocratique universelle dont ils seraient les chevaliers purs et désintéressés.

Abdellatif Rebah

[1] Même durant les années de « vaches maigres », les acquis commerciaux de ce pays n’ont pas été menacés. En 1994, les ventes françaises en Algérie ont progressé de 12% par rapport à 1993 et de 18% par rapport à 1990. Cf. Le Matin du 25 octobre 1995, citant le journal économique La Tribune Desfossés du même jour.

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