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Cinquantenaire : les confidences de René Justrabo rené Justrabo

Cinquantenaire : les confidences de René Justrabo
rené Justrabo

René Justrabo est né le 15 juin 1917 à Mascara. Il mena un combat sans réserves contre le colonialisme. Enseignant, membre actif du parti communiste Algérien (PCA), il devint maire de Sidi-Bel-Abbès de 1947 à 1953, ville qui abritait 75.000 habitants à majorité d’origine Européenne. Après le 1er Novembre 1954, il soutient la cause algérienne et subit la répression des services spéciaux. Il sera interné au camp de Lodi pendant trois ans et demi sans jugement. Son épouse Renée Clerc, qui l’a toujours soutenu dans son combat et avait même été arrêtée, décéda à l’âge de 97 ans le mercredi 2 novembre 2011 à Dijon (France)

René Justrabo se confie à Bel-Abbès.info

Par A. Salim, 21 juillet 2012

Entrant dans le cadre de la commémoration du cinquantenaire de la fête de l’indépendance et poursuivant notre périple à la recherche de figures emblématiques ayant marqué l’histoire Algérienne, et surtout la ville de Sidi Bel-Abbes, de leurs empreintes, l’idée qui germait depuis notre correspondance, il y a de cela environ deux ans mais infructueuse en raison du moyen de communication inadapté que nous avons utilisé avec M. René Justrabo, eh oui ! Il s’agit de l’ancien maire de la ville de Sidi Bel-Abbes de la période 1947 à 1953 qui vient de fêter, récemment son anniversaire à 95 ans et qui a marqué l’histoire de la ville et dont la presse locale et nationale en fait régulièrement écho, nous avons décidé d’aller à sa rencontre à Dijon où il vit dans un modeste Appartement sur le boulevard Trimolet sur lequel une nouvelle ligne de Tramway était en test.

Bien sur, il n’a pas été facile de le rencontrer et surtout de nous identifier comme tel du journal online de Bel-Abbès info malgré qu’il avait eu connaissance de nos multiples appels téléphoniques auparavant et avait reçu par courrier ordinaire notre projet de questionnaires cité plus haut par l’intermédiaire d’un fervent lecteur de BAI. En effet, arrivé devant le bâtiment de sept étages où il vivait, nous lui téléphonâmes pour nous identifier, il insista qu’il était fatigué et avait rendez-vous ce jour-là, bref toutes des excuses évoquées et nous l’avons compris. Méfiance et crainte étaient de rigueur. Ce jour là, la chance semblait nous sourire puisque à l’instant où nous allions abandonner cette rencontre, deux femmes voisines, nous ouvrâmes la porte principale et nous fîmes signe qu’elles allaient sonner à la porte de M. Justrabo pour annoncer notre visite et après plusieurs coups de sonnette à sa porte du troisième étage, elles redescendirent pour nous signaler qu’il était probablement sorti « voire sa fille puisqu’il en avait l’habitude » et elle nous indiquâmes son adresse. Et voilà que l’idée surgit, le « fil d’Ariane » devait être sa fille que nous remercions ici, vivement et nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Il était claire que M René Justrabo, malentendant avec le poids de l’âge, ne pouvait ouvrir à des personnes étrangères et sans badge professionnel de surcroit, plus facile donc était de toucher sa fille au préalable. Ainsi, nous nous approchâmes du bâtiment où elle vivait et suite à une longue conversation à l’interphone d’entrée et après que nous nous déclinâmes notre identité également, elle décida de nous accompagner auprès de son père. Chemin faisant , nous apprîmes qu’elle était Professeur en médecine, spécialiste en pathologie ,elle était née à Oran et avait déjà fait quelques navettes à Alger et Oran, dans un cadre professionnel surtout. Elle entra dans l’appartement de son père et retourna après quelques instant, la porte nous fumes grande ouverte cette fois-ci, nous entrâmes et elle nous fit signe d’attendre M. René Justrabo dans le salon qui ne tarda pas à se montrer.

Malgré l’âge, il était toujours en bonne santé et une mémoire intacte mais devait porter une prothèse auditive pour pourvoir mieux entreprendre l’entrevue, sa fille Eve nous fîmes signe de s’asseoir à sa gauche. Il était très content de voir des gens de Sidi bel-Abbes venir le saluer dans cet appartement F4 du boulevard Trimolet, nous l’avons tout de suite compris et la première question qui le taraudait concernait la population actuelle de la ville. »Presque 205 000 habitants au dernier recensement, Monsieur René », lui rétorquais-je. » Je l’avais laissé à 75 000, la population d’origine Européenne était au départ importante mais quelques années plus tard, c’est la population Arabe qui l’a surpassé », me répondit-il.

Tout d’abord, il nous fait remarquer qu’il a bien reçu le courrier envoyé par BAI, il y a presque deux ans mais « avait refusé la collaboration » avec ce qu’il appelle « la station d’internet en ligne (BAI) par mesure de réserves » cependant, il en avait fait un dossier et nous informa que « ces derniers temps, j’avais envisagé de leur écrire et leur dire deux ou trois choses ». Bref sa « mémoire d’éléphant » était toujours d’aplomb et n’en a perdu aucun détail. (Nous vous livrons un premier extrait de ce long entretien)

Une longue conversation s’en suivit, sa fille assise à coté, prenait des notes et Monsieur René Justrabo aimait parler de l’histoire et surtout de son époque, il se rappelait des Bel-Abbesiens en citant leur noms qui étaient à ses cotés alors qu’il désapprouvait les méthodes des deux poids, deux mesures « coloniales ». Si c’était à refaire et son départ Brusque vers Alger qu’en pensait-il? C’étaient là, quelques unes de la dizaine de questions qui lui a été envoyé auparavant, Il nous retraça son retour à Sidi Bel-Abbes en 1962 et à ce moment là, les colons qui l’ont « chassé » le voyaient revenir en sauveur (Voir extrait de l’entretien en médaillon) plusieurs questions furent abordées que nous vous présentons dans un prochain article.

Qui est M. René Justrabo ?

René Justrabo est né le 15 juin 1917 à Mascara, d’un père épicier venu du Sud-Ouest de la France et d’une mère d’origine bavaroise, signale-t-on, le jeune René Justrabo mena un combat sans réserves contre un colonialisme usurpateur et «apartheid ». Il était un membre actif du parti communiste Algérien (PCA) et était élu à l’Assemblée Algérienne (1948-1956) composée de cent vingt membres. Mais bien avant, il devint le maire de la ville de Sidi-Bel-Abbès de 1947 à 1953 et c’est lui qui est à l’origine de la réalisation du centre de santé au centre ville, de l’hôpital Dr Hassani et bien d’autres infrastructures. Enseignant de profession, il était probablement le plus jeune Maire qu’a connu la ville qui abritait 75.000 habitants dont la majorité était d’origine Européenne. Il fut éloigné de la ville suite à un « complot mijoté quelques parts dans la villa tout près du rocher ». Et lorsque le 1er Novembre 1954 éclata, il s’aligna avec la cause Algérienne et subit la répression des services spéciaux, il fut vite arrêté à son domicile de Belcourt (Alger), suite à un avis d’assignation à résidence signé par le préfet d’Alger, il est accusé d’atteinte à la sécurité et à l’ordre public. Il sera ensuite transféré au camp de Lodi dans lequel il sera interné pendant trois ans et demi sans jugement avec plusieurs compatriotes et là, il nous relata une anecdote concernant ses parachutistes qui venaient prendre des douches dans ce camp où il assurait la cuisine.

Son épouse Renée Clerc, qui l’a toujours soutenu dans son combat et avait même été arrêtée, décéda à l’âge de 97 ans le mercredi 2 novembre 2011 à Dijon (France).

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