Luttes des travailleurs

Contribution:Tripartite, 87 bis et IRG : l’éternel bras d’honneur aux travailleurs

Tripartite, 87 bis et IRG : l’éternel bras d’honneur aux travailleurs

par
BOUDERBA Nouredine
Poste graduation en management des entreprises.
Ancien membre du bureau de la FNTPGC-UGTA
Chargé de la législation et des affaires sociales.
Email : nbouderba@yahoo.fr


Comme de tradition les travailleurs qui avaient retenu leur souffle
durant une semaine ne savent plus à quel saint se vouer au lendemain
de la tripartite et à la lecture des différentes déclarations aussi
contradictoires que floues.

Ainsi il leur est annoncé que l’article 87 bis est définitivement
abrogé (le secrétaire général de l’UGTA avait déclaré exactement la
même chose à l’université du parti des travailleurs en aout 2012) mais
qu’il sera remplacé par un article ayant une nouvelle formulation dans
le cadre du nouveau code du travail et/ou (on n’est pas à une
contradiction près) de la loi des finances 2015. Cette mesure
concernera, « dans un premier temps 1,2 million de fonctionnaires et
entre 2 à 3 millions de travailleurs du secteur économique (soit une
approximation de l’ordre de 50 %) et «Les autres catégories de
travailleurs bénéficieront graduellement des augmentations après
révision des grilles des salaires. »

Au sujet des promesses sans lendemains, Il est à rappeler que
l’article 87 bis devait selon l’UGTA être aboli par la 12eme
tripartite tenue le 01 octobre 2006. Au lendemain de cette dernière un
secrétaire national de l’UGTA avait lui aussi déclaré (cf. el Watan du
02 10 2006) que la solution avait été trouvée et que la révision de
cet article sera prise en charge dans … « le cadre du nouveau code du
travail, devant être finalisé en 2007. » Huit (08) ans après cet
article est toujours là et ce nouveau code de travail n’est plus le
bienvenu puisqu’il n’annonce rien de bon pour les travailleurs.

D’abords une première remarque pour la fonction publique: sachant
qu’il s’agit des catégories 01 à 05 (essentiellement les corps
communs) il n’est pas précisé si c’est l’ensemble des fonctionnaires
qui vont bénéficier d’une augmentation par une revalorisation de
l’indice des salaires ou si cette augmentation ne touchera que ces
catégories citées par le truchement d’un reclassement et/ou de primes
spécifiques.

Pour le secteur économique comment le secrétaire général peut-il
affirmer que l’augmentation à terme touchera l’ensemble des
travailleurs Sachant que les salaires dépendent de la négociation
collective. Si Ce pouvoir existait à son niveau ou même au niveau du
gouvernement comment expliquer que certains engagements du patronat en
matière de salaire et même d’application du SNMG n’ont pas été tenus à
ce jour.

Comment peut-on nous parler de l’impact qui sera généré par cette
mesure lorsque les « experts économiques » prennent un plaisir fou pour
intervenir à la vielle de chaque tripartite afin de peser de tous
leurs poids contre toute décision favorable à cette abrogation ou à
une augmentation du SNMG en prenant appui sur des chiffres erronés ne
correspondant nullement à la réalité (voir plus loin).

Comment peut-on nous parler de l’impact lorsque le Chef des patrons
Interrogé par Econews (23 février 2014) sur l’impact financier de
cette mesure sur les entreprises, il indique ne pas connaitre encore
exactement les répercussions de cette mesure mais qu’une évaluation
approximative faite par le FCE situe cet impact pour le secteur privé
à 60 milliards de DA » somme insignifiante lorsque les patrons nous
disent que le privé «représente 80 % de l’économie nationale ». Le même
FCE estimait 21 jours plus tôt (el watan 02 février 2014) que «les
entreprises du secteur privé en général ne sont pas trop concernées
par les salaires variant entre 18 000 et 20 000 DA, mis à part en ce
qui concerne les Traitements des agents de sécurité ou agents de
nettoyage… ». Alors comment expliquer le refus depuis 09 ans de
l’abrogation de cet article par le FCE ?

Comment parler d’impact lorsque depuis 09 ans le gouvernement ne cesse
de répéter qu’il « était conscient que la situation découlant de
l’article 87 bis est vécue comme une injustice par le monde du
travail » et Mr Ouyahia avait en 2005 déjà parlé “de correction d’une
injustice”. Une injustice qui dure à ce jour.

Mais là où le bât blesse c’est au niveau de la définition du SNMG que
les travailleurs se font avoir une nouvelle fois malgré la décision du
président de la république prise le premier mai 2014 (et annoncée en
grande pompe à l’ouverture du journal télévisé) d’abroger purement et
simplement cet article. L’abrogation ne veut pas dire remplacer
l’article 87 bis par un autre mais le retour à la définition
universelle du salaire minimum qui existait en 1994 avant
l’introduction de cet article 87 bis.

Selon la définition universelle « la salaire minimum correspond au
salaire brut sans aucune gratification liée aux conditions de travail
et à ses résultats. Il ne comprend ni les heures supplémentaires ni
les primes ni les indemnités liées aux conditions de travail, au
rendement ou à la productivité. »

Or selon l’APS M. Sidi Saïd a expliqué, Concernant la redéfinition du
nouveau SNMG, que « la redéfinition se fera sereinement entre les
partenaires sociaux sur la base du nouveau code du travail ». A ce
sujet il faut préciser justement que l’avant-projet de ce code, rejeté
à juste titre par les travailleurs et la base syndicale, définit le
SNMG comme le salaire de base auquel on ajoute les primes liées à la
productivité, au rendement et aux résultats.

Accepter cette définition c’est accepter de perpétuer une injustice
dont les travailleurs sont victimes depuis 20 ans et tout argument
tendant à montrer que l’abrogation de cet article coutera très cher ne
fera qu’illustrer l’ampleur de cette injustice imposées aux
travailleurs.

En effet il faut rappeler que les travailleurs contre mauvaise fortune
avaient accepté de serrer la ceinture en 1994 et un gel des salaires à
travers l’article 87 bis parce que le pays traversait une crise
économique sans précèdent et une crise politique qui menaçait
l’existence même de l’état national.

Mais depuis les choses ont évolué favorablement à cette abrogation
puisque la situation économique n’est plus ce qu’elle était.

Si en 1994 l’Algérie était en cessation de paiement, les caisses
étaient vides et les revenus du pays en devises ne lui permettaient
même pas de faire face aux services de la dette, en 2014 et pour
reprendre les termes du gouvernement et des experts  » Tous les
indicateurs économiques de l’Algérie sont pratiquement positifs avec
une position extérieure extrêmement confortable, comparativement aux
économies de la sous-région maghrébine et Moyen-Orient et Afrique du
Nord (Mena). Un endettement quasi nulle et des réserves de change de
l’ordre de 194 milliards de dollars » soit l’équivalent de 38 mois
d’importations.

De 1994 à 2014 la part des salaires dans l’affectation des richesses a
connu trois périodes caractéristiques :

1-La période 1994-à 1999 avec la chute des prix de pétrole et
l’institution de l’article 87 bis pour « contenir les salaires » pour
reprendre l’expression chère au FMI.

2- -La période 1999 à 2006 durant laquelle malgré le renchérissement
des prix du pétrole, l’augmentation des revenus du pays et la reprise
de la croissance, les salaires ont continué à être tirés vers le bas
par le 87 bis. Cette situation a été rendue possible par la faiblesse
du pouvoir de négociation des travailleurs particulièrement dans le
secteur économique (les syndicats indépendants étant marginalisés du
dialogue social au niveau national et n’existent que dans le secteur
administratif) et l’absence de volonté des pouvoirs publics qui ont
préféré plutôt satisfaire le patronat.

Et enfin une période 2006 2014 avec un début de redressement mais
insuffisant et surtout injuste et inégal entre les différents
secteurs. Les laissés pour compte sont les travailleurs du secteur
privé et ceux des corps communs de la fonction publique. Au même
moment on a assisté à une explosion indécente des salaires des cadres
supérieurs de l’état, et d’une bonne partie des cadres dirigeants du
secteur économique qui ont l’avantage de voir leurs rémunérations
indexées sur le SNMG. En sus du rapport indécent entre les hauts et
les bas salaires, une augmentation du SNMG de l’ordre de 3 000 DA se
répercute par une augmentation du salaire annuel des premiers de
l’ordre 800 000 DA contre 36 000 DA pour les basses catégories et
souvent rien pour la maitrise et les cadres moyens.

A ce sujet les chiffres avancés par le patronat et les experts sont
erronés et aucun ne pourra prouver le contraire pour justifier la non
abrogation du 87 bis et le « gel » du SNMG.

A titre d’exemple en novembre 2013 et sous le titre effrayant d’un
journal : »Abrogation de l’article 87 bis du code du travail : les
mises en garde d’un économiste » un expert nous apprend je cite que « …
le ratio global masse salariale sur le PIB est passé de 22,10% en 1991
à 26,99% en 2011 et tendrait vers plus de 40% en 2013, les plus
grandes augmentations Salariales ayant eu lieu en 2012 ce qui est
vraiment inquiétant : attention donc à la dérive salariale » ( Fin de
citation).

A une semaine d’intervalle dans un autre article il affirme que dans
le cas où la tendance 2010/2011, serait semblable entre 2012/2013, la
masse salariale globale dépasserait les 88 milliards de dollars fin
2013. » Enorme !

Le même expert revient à deux reprises, les 30 aout et 15 septembre
2014, à la vielle de la tripartite avec les mêmes arguments mais aussi
quelques contradictions avec ce qui précède pour nous dire que  » La
masse salariale est de 54,98 milliards de dollars fin 2013. » et « le
ratio masse salariale sur le PIB de 30,93% en 2013 et avec
l’abrogation de l’article 87 bis risque d’aller vers 40% du PIB contre
19/20% entre 1999/2000″ (fin de citation).

D’abord le ratio MS/PIB-2013 (40% puis 30.93%) a été calculé une
première fois avec une extrapolation automatique du taux
d’augmentation des salaires intervenue en 2010-2011 sur la période
2012- 2013 sans tenir compte du fait que l’exceptionnelle augmentation
de la masse salariale des années 2011 et 2012 est due en partie aux
rappels des exercices précédents. Ensuite le même ratio a été calculé
une seconde fois sur la base d’un PIB-2013 de 177 Mrds de $ alors que
selon les chiffres du ministère des finances et de l’ONS il est de
l’ordre de 225 Mrds de § (210,2 Mrds de $ selon la banque mondiale et
206 Mrds $ selon le FMI). Le même constat est fait pour le PIB-2012 ou
au lieu de 204,3 Mrds de $ le montant pris en considération est 177
Mrds $. A partir de là toute analyse basée sur les ratios est fausse.

Le patronat et ses experts prennent souvent l’année 2000 comme année
de référence alors qu’en 2000 les salaires venaient à peine de
terminer leur courbe descendante engendrée par l’application de
l’article 87 bis et de ce fait étaient à leur niveau le plus bas.
Lorsque ces mêmes experts reviennent en 1991 ils nous servent des
ratios qui ne correspondent pas à la réalité (le ratio masse
salariale/PIB était égal à 29.6 % en 1991 et non 22.10%).

En réalité et contrairement à ce qui est affirmé l’examen des données
de l’ONS, du ministère des finances et du FMI montre que le ratio de
la masse salariale sur le PIB, c’est à dire la part des salaires dans
l’affectation du revenu national a évolué comme suit :

Il était de l’ordre 31,8% en 1992 et 31,6% en 1994 année de
l’institution du fameux 87 bis alors qu’en 2013 ce ratio est retombé à
24,3% après avoir été de 26,4% (rappel compris) en 2011 et 26,1%
(rappels compris) en 2012.

Autrement dit la part des salaires dans l’affectation du revenu
national qui était de l’ordre de 31,6 % en 1994 soit à la vielle de
l’application de 87 bis n’est plus que de 24.3 % en 2013 (et non
30.93%). Il faut préciser que ces ratios sont de 36 % au Maroc, 37 %
en Tunisie et dépassent les 40 % dans les pays développés.

Au moment où la part des salaires dans le PIB est passée comme on l’a
vu de 34,7% en 1993 à 26.4% en 2011 la part de l’accumulation du
capital à travers l’Excédent Net d’Exploitation et les amortissements
des actifs de l’entreprise (Consommations de Fonds Fixes) est passée
de 49.6% à 59.6 % pour la même période c’est-à-dire que l’affectation
de la richesse nationale a connu une évolution injuste au détriment
des travailleurs.

Mais c’est au niveau du salaire net moyen que ’on pourra mesurer et
comparer l’évolution réelle des salaires avec celle des richesses
créées. En effet et contrairement à ce qui est avancé par les experts
et le patronat les salaires ont évolué beaucoup moins rapidement que
le PIB entre 2002 et 2012. Durant ces 10 ans le PIB a augmenté de 250
% (passant de 4 523 Mrds de DA en monnaie locale courante à 15 843
Mrds de DA) tandis que le « PIB par habitant » s’est accru de 188,30%
(passant de 144 Mrds de DA en monnaie locale courante à 416 Mrds de
DA). Durant cette même période le taux d’augmentation du SNMG n’a été
que de 125% passant de 8 000 Da à 18 000 DA et celui du salaire
mensuel net moyen uniquement de 68,89% passant de 19 028 DA (chiffre
du ministère du travail et de la sécurité sociale) à 31 755 DA
(chiffre de l’ONS). Ceci veut dire que les salaires réels ont
augmenté 04 fois moins vite que le PIB durant cette période. Il faut
souligner à ce niveau que durant cette période le salaire moyen dans
le secteur public a évolué de 128,52% contre 68,06% pour le secteur
privé.

Par rapport au SNMG il faut savoir que si le Pib de l’année 2012
représente 15,11 fois le PIB de 1992 et le PIB per capita de 2012
représente 10,55 fois celui de 1992 le SNMG de 2012 ne représente que
7,2 fois celui de 1992.

Selon les experts du FCE, en 2011 la masse salariale représente 4,3
fois celle de 2000, alors que le PIB de la même année représente 3,5
fois celui de 2000, argument repris même par l’UGTA. En réalité et
sans remettre en cause cette comparaison sur la période 2000- 2011 il
faut là aussi souligner que l’année 2000 ne peut être une référence et
qu’il faut revenir à la période qui a précédé l’année d’abrogation du
87 bis. Le PIB de l’année 2011 représente 13,5 fois celui de 1992
alors que la masse salariale de 2011 ne représente que 11,2 fois celle
de 1992. Soit un déficit de 2,3 points.

En 2013 ce déficit s’est accentué à 3,8 points puisque la MS de 2013
représente 12.7 celle de 1992 tandis que le rapport des PIB des mêmes
années était de 16.5.

Accepter la redéfinition du 87 bis au lieu de son abrogation c’est
accepter de perpétuer l’injustice vécue par les travailleurs pour
paraphraser l’ancien chef du gouvernement Mr Ouyahia.

La politique salariale depuis 2005 : Une arnaque pour les travailleurs.

Lors de la tripartite tenue le 03 et 04 mars 2005 aussi bien le chef
du gouvernement de l’époque Mr Ouyahia que le patronat, suivis en cela
par les experts avaient indiqué que « que la question n´est pas si
simple dans le sens où une telle mesure pourrait induire des
incidences financières sur le budget de l´Etat. Les effets induits
seraient une dépense salariale supplémentaire de l´ordre de 500
milliards de dinars, soit un doublement de la masse salariale de la
fonction publique. ». Pour le secteur économique ce chiffre était de
40 milliards de DA.

L’examen des chiffres de l’ONS montre que l’augmentation de la masse
salariale dans le secteur administratif entre 2005 et 2013 a été de
l’ordre de 2 015 milliards de DA passant de 634 Mrds Da à 2649 Mrds DA
soit 04 fois l’incidence déclarée qu’aurait engendré l’abrogation du
87 bis en 2005. Pour le secteur économique et sur la même période la
MS a augmenté de 869 milliards DA passant de 652 Mrds DA à 1521 Mrds
DA soit 24 fois l’impact déclaré en 2005.

En 2006 aussi bien le patronat à travers ses organisations et les
études commandées par le FCE que le gouvernement étaient arrivés à la
conclusion que les salaires étaient anormalement bas et qu’il fallait
les augmenter sensiblement afin de fouetter la demande et assurer la
relance par la consommation.

Un expert, même s’il nous dit le contraire aujourd’hui, a même déclaré
que les salaires ne doivent pas être indexés sur la productivité hors
hydrocarbures mais tenir compte de l’érosion de son pouvoir d’achat
afin de lui assurer un salaire décent ajoutant « qu’une augmentation «
de 30 à 35 % était économiquement justifiée ». Il ajouta même que
l’Algérie n’était pas tenue d’appliquer les recommandations du FMI qui
disaient le contraire.

Au lieu d’assurer une augmentation des salaires cohérente en abrogeant
le 87 bis et en augmentant les minimas à travers le SNMG les pouvoirs
publics sous la pressions du patronat et avec l’assentiment de l’UGTA
ont préféré ouvrir des chantiers de revalorisations des salaires
obéissant à la logique des rapports de force et sans aucun pouvoir de
contrôle et/ou d’harmonisation pour l’état

L’abrogation du 87 bis et une augmentation du SNMG se seraient
traduites par une augmentation générale des salaires en particulier
ceux des travailleurs des secteurs privés dont le salaire net moyen
est le plus bas du bassin méditerranéen.

Ainsi grâce à cette politique, renforcée par le crédit à la
consommation, le patronat a pu fouetter la demande de consommation et
renforcer ses carnets de commande sans avoir à consentir des
augmentations de salaire à ses propres travailleurs.

C’est cette politique qui explique les disparités actuelles et les
difficultés pour certains secteurs d’absorber les augmentations qui
seront induites par l’abrogation du 87 bis.

Encore une fois pour l’année 2015 on ne compte ni supprimer carrément
le 87 bis ni augmenter le SNMG mais on se prépare à ré-instituer le
crédit à la consommation qui n’aura pour conséquences que
l’augmentation des importations puisque même pour « la production
nationale » le taux d’intégration moyen ne dépasse pas 15 % et un
appauvrissement à moyen terme des travailleurs qui auront demain à
rembourser le crédit d’aujourd’hui avec un pouvoir d’achat plus
réduit. Le seul bénéficiaire sera encore une fois le patronat.

La politique fiscale une autre injustice pour les travailleurs et retraités.

La fiscalité outre sa fonction de financer le budget de l’état est un
instrument de redistribution par lequel l’état limite les inégalités à
travers une politique de solidarité nationale et de justice sociale.
En Algérie on a pris le chemin inverse puisque et ce n’est un secret
pour personne l’impôt sur le revenu composé dans sa quasi-totalité par
la contribution des salariés a, depuis 03 ans, dépassé l’impôt sur les
sociétés.

Selon les déclarations officielles faites en 2013 aussi bien par les
représentants du gouvernement que ceux de l’UGTA, la tripartite
initialement prévue pour fin 2013 puis reportée à février 2014 devait
se pencher sur l’impôt sur le revenu et prendre des décisions dans le
sens de l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs. Mais ce
point fut occulté aussi bien en février 2014 que lors de la récente
tripartite du 18 septembre. Pourtant depuis 2009 toutes les
tripartites ont été généreuses au sujet des multiples exonérations en
matière d’IBS.

En mars 2013, à la question de savoir si le gouvernement allait
réviser l’IRG (Impôt sur le revenu global), M. Djoudi, ministre des
finances, avait répondu : « on demande aux pouvoirs publics de
dépenser plus, de percevoir moins de recettes et d’assurer les
équilibres internes et externes et c’est contraignant ! » avant
d’ajouter « … avec des exonérations fiscales annuelles de 450
milliards DA, le taux de l’IRG ne peut pas être à son tour réduit ».
(Expression 19 mars 2013). Cette déclaration résume à elle seule
l’injustice de la politique fiscale suivie par les pouvoirs publics.

Mais pourquoi demander une réduction de l’IRG que les spécialistes
trouvent à un niveau normal. Un autre expert, questionné par la radio
en 2013, avait répondu « c’est normal dans tous les pays du monde
l’impôt sur le revenu est supérieur à l’impôt sur les sociétés.» Si
cette affirmation est juste pour les pays développés au vu de
l’importance des salaires distribués dont la part dans le revenu
national se situe entre 40 % et 60 % (dans certains pays elle dépasse
même 75 %) ce n’est pas le cas pour les pays à revenu intermédiaire à
l’exemple de nos voisins du Maroc et de la Tunisie avec lesquels nos
experts nous invitent à chaque fois nous comparer pour justifier leurs
postions anti-travailleurs.

Au Maroc les recettes de l’impôt sur le revenu sont estimées à 32,9
milliards de dirhams (loi des finances 2013) et représentent 3.6 % du
PIB tandis que les recettes relatives à l’Impôt sur les sociétés se
chiffrent à 42,5 milliards de dirhams et représentent 4,7% du PIB.
Comme on le voit l’impôt sur le revenu représente à peine les trois
quart (¾) de l’impôt sur les sociétés. L’impôt sur les salaires est
inférieur à ce ratio puisque dans l’impôt sur le revenu on trouve
celui des salariés et des indépendants.

En Tunisie l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés sont
sensiblement égaux et représentent respectivement 4.1% et 3.8 % du
PIB. A noter que l’impôt sur le revenu est composé de l’impôt sur le
revenu des salaires et celui des indépendants (sources Finances
publiques : bilan et perspectives édité par Institut Tunisien de la
Compétitivité et des Etudes Quantitatives).

C’est-à-dire que l’impôt sur le revenu des salariés est égal à celui
de l’IS en Tunisie et représente moins que 75 % de l’IS au Maroc.

Qu’en est-il en Algérie ?

Entre 2008 et 2013 l’évolution d’IRG a été comme suit : 117 Mrds DA
(1.1 % du PIB) en 2008, 183 Mrds DA (1.8 % du PIB) en 2009, 245 Mrds
DA (2 % du PIB) en 2010, 383 Mrds DA (2.6 % du PIB) en 2011, 553 Mrds
DA (3.5 % du PIB) en 2012 et 489 Mrds DA (2.8 % du PIB) en 2013.

Durant la même période l’impôt sur les bénéfices des sociétés a connu
l’évolution suivante : 135 Mrds DA (1.2 % du PIB) en 2008, 228 Mrds DA
(2.3 % du PIB) en 2009, 254 Mrds DA (2.1 % du PIB) en 2010, 246 Mrds
DA (1.7 % du PIB) en 2011, 248 Mrds DA (1.6 % du PIB) en 2012 et 258
Mrds DA (1.5 % du PIB) en 2013.

Comme on le voit l’IRG des salariés qui représentait 64 % de l’IBS en
2008 en représente 190 % en 2013.

Et ce n’est pas tout, en réalité la part des entreprises Algériennes
dans l’IBS est beaucoup plus insignifiante que ne le laissent paraitre
les chiffres. A cet effet le rapport de la cour des comptes de 2011
nous apprend que « « La contribution des entreprises nationales à
l’lBS (pour l’année 2010) n’est que de 44,885 Mrds DA, soit 11 %, les
83% restant, soit plus de 210 Mrds DA, sont réalisés avec des
entreprises étrangères par voie de retenues à la source.

Autrement dit la part de l’IBS dans le PIB payée par les entreprises
nationales n’est que de l’ordre de 0.37 % contre 2.8 % pour l’IRG.

Et l’argument qui veut expliquer que la part de l’IRG a augmenté à
cause de « l’explosion des salaires » ne tient pas la route puisque
comme on l’a vu plus haut la part des salaires dans l’affectation du
revenu national n’est plus que de 24.3 % en 2013 contre 36 % au Maroc
et 37 % en Tunisie. Si l’augmentation des salaires peut expliquer
l’augmentation de l’IRG correspondante dans l’absolu elle ne peut
expliquer l’importance de l’augmentation de ce dernier comparativement
à l’IBS.

En conclusion on ne peut parler de juste répartition des richesses
nationales sans l’abrogation pure et simple du 87-bis et un
rééquilibrage de la politique fiscale en faveur des salariés et des
retraités.

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