Société

DÉCÈS DE /HOUARI MOUFOK

Hospitalisé hier soir à L’HOPITAL de Béni Messous ALGER ,
HOUARI MOUFOK est décédé, Il a été enterré aujourd’hui au cimetière
de Béni Messous.L’équipe du journal RAINA présente a l’occasion de ce
triste evenement à la famille du défunt ; et a tous ses compagnons et
amis ses plus sincères condoléances et les assure de son entière
solidarité !
Lire l’interview que le defunt avair accordé au journal el watan

Houari Mouffok, ancien militant de l’UNEA
Le militant étudiant et les tortionnaires
El Watan du 09 novembre 2003
Monsieur Houari Mouffok, vous avez été arrêté en 1965 par la Sécurité
militaire lorsque la répression s’était abattue sur des centaines
d’Algériens dans les jours, les semaines et les mois qui ont suivi le
coup d’Etat du 19 juin. Pouvez-vous rappeler brièvement les données de
ce contexte aux lecteurs d’El Watan ?
En réalité, j’ai été recherché par les services de sécurité après la
déclaration que j’ai faite au nom du comité exécutif de l’UNEA et qui
dénonçait le coup d’Etat du 19 juin 1965 et exigeait la libération de
Ben Bella, président de la République, garant de l’application de la
charte d’Alger. Je suis entré en clandestinité, puis je me suis rendu
au Maroc. La répression s’est abattue sur les compagnons de Ben Bella
comme Benalla, le Dr Nekkache et autres, sur les leaders du PCA comme
Bachir Hadj Ali, Sadek Hadjerès… et la gauche du FLN, comme Harbi,
Zahouane… qui ont constitué l’Organisation de la résistance populaire.
Les étudiants ont payé un lourd tribut en raison de leurs actions pour
les libertés démocratiques.
Dans un écrit qui a été publié par El Watan le 7 octobre 2003, vous
exigez des autorités des compensations. Avez-vous subi des tortures ou
autres sévices durant le temps qu’a duré votre incarcération après
votre retour du Maroc où vous avez été, par ailleurs victime de
traitements inhumains ?
En effet devant le silence des autorités face à mes doléances, j’ai
décidé de lancer un appel aux nombreuses victimes du régime instauré
par le coup d’Etat du 19 juin pour qu’elles se rassemblent et exigent
leur rétablissement dans leurs droits moraux et matériels. Il est
injuste que, alors que des personnalités politiques ont bénéficié
d’indemnisations, la quasi-totalité des victimes soit oubliée.
Personnellement j’ai été arrêté à Rabat, torturé au commissariat
central et séquestré pendant 45 jours au bout desquels j’ai été remis
aux services algériens en échange d’exilés marocains de l’opposition
qui avaient trouvé refuge à Alger. J’ai fait l’objet de sévices
inhumains de la part de la sécurité militaire et ce n’est qu’en
novembre 1965 que j’ai été transféré à la prison d’El Harrach où j’ai
retrouvé les autres détenus politiques.
Que vous reprochait la Sécurité militaire algérienne ?
La Sécurité militaire a arrêté tous les opposants du 19 juin, en les
accusant d’association de malfaiteurs. En réalité en ce qui me
concerne, ils n’avaient aucun motif si ce n’est la déclaration dont je
parle plus haut et qui a été publiée dans le quotidien Le Monde.
Avez-vous une idée de l’identité de vos tortionnaires ? Quels sont
leur nom, grades et fonctions ?
C’est le capitaine Benhamza qui m’a arrêté et enfermé dans une cellule
de 1 m2 et 50 cm de haut où je suis resté trois jours… Un véritable
calvaire. Transféré dans une cellule plus «vivable» j’ai eu affaire —
chance dans le malheur — à une ancienne connaissance de Mostaganem,
comptable dans une maison de gros, que mes compagnons de détention,
retrouvés à El Harrach, appelaient le «balafré» et qui était
particulièrement «féroce»
Vous aviez, sans doute, appris après votre libération que certains de
vos compagnons de l’UNEA, des militants du PCA et des membres de l’ORP
avaient également subi le sort qui vous avait été réservé, quelle
était l’ampleur des arrestations et des sévices infligés à ceux qui
s’étaient prononcés contre le coup de force de l’armée ?
En prison déjà j’ai appris les traitements cruels dont ont été
victimes mes compagnons. Deux livres de référence dans ce domaine :
Les Torturés d’El Harrach de Henri Alleg et L’Arbitraire de Bachir
Hadj Ali.
Durant les années suivantes, avez-vous été encore maltraité ou l’objet
d’ostracisme ou d’autres formes de répression ?
Quelques semaines après ma libération j’ai été agressé à Oran et
laissé pour mort dans un couloir d’immeuble. J’étais l’objet d’une
surveillance constante. Par ailleurs, en 1976 lors d’un congrès
national des ingénieurs algériens alors que j’étais élu délégué par
l’assemblée de wilaya d’Alger à la quasi-unanimité, les responsables
du FLN qui contrôlaient le congrès ont tout simplement interdit ma
candidature au bureau national. Vous savez, à ma libération en
novembre 1966, je me suis retrouvé sans famille, sans logement. En
effet, mon appartement du centre-ville a été confisqué par la SM avec
tout ce qui s’y trouvait (mobilier, électroménager, albums personnels,
correspondance privée…). Je n’ai même pas pu récupérer mes diplômes.
Les séquelles de la détention et des sévices m’ont lourdement
handicapé durant les premières années de ma carrière professionnelle.
Par la suite, marginalisé par le système, ce n’est que grâce à des
relations personnelles avec certains responsables comme Belaïd
Abdesselem, Sid Ahmed Ghozali ou encore Abdelhamid Brahimi que j’ai
pu, par exemple, faire un doctorat d’Etat de sciences économiques à la
Sorbonne et travailler pendant trois ans à la représentation de
Sonatrach aux Etats-Unis.
Vous étiez un jeune à la fin des années 1950 mais vous aviez néanmoins
entendu parler de la torture infligée par l’armée coloniale aux
Algériens et aux Français partisans de la libération de l’Algérie.
Quel a été votre ressentiment lorsque ces pratiques ont eu lieu sous
les ordres de responsables politiques et/ou militaires qui, en tant
que maquisards, dénonçaient, quelques années auparavant les sévices
féroces des militaires français ?
Après avoir déserté l’armée française, je me suis rendu en Suisse où
j’ai découvert La Question de Henri Alleg. J’ai été bouleversé. Ainsi
la France, patrie de la Révolution de 1789, torturait ceux qui, en
Algérie, se réclamaient de ses principes. Plus tard, comme beaucoup
d’autres victimes des tortures que nous infligeaient ceux que nous
appelions nos frères, j’ai eu le sentiment que l’appétit de pouvoir
mène à toutes les dérives.
Vous lancez un appel à toutes les victimes du coup de force de juin
1965 en vue de la mise sur pied d’une association. Quels objectifs
aura à atteindre cette dernière ?
J’ai écrit un récit-témoignage paru aux éditions Bouchène à Paris en
1999 et à Alger en l’an 2000. Il retrace les péripéties objet de cette
interview et précède l’appel que j’ai lancé le 7 octobre à tous ceux
qui ont connu la prison, la torture, la spoliation, la clandestinité,
l’exil et ou la marginalisation après le coup d’Etat du 19 juin 1965,
pour qu’ils se constituent en une association démocratique qui a pour
seul objectif la satisfaction des revendications morales et
matérielles. Je profite de cette interview pour demander aux
intéressés de nous contacter par Internet Lahourimouffok@hotmail.com
Par A. A.

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