Histoire

Evocation : Henri Maillot, ce chahid du second collège

L’Algérie est-elle ingrate avec ceux qui ont contribué à faire d’elle un Etat libre et indépendant ? On sait que depuis l’indépendance, les maîtres successifs du pays n’ont pas voulu d’une authentique écriture de l’histoire du Mouvement national et de la Guerre de libération.
Pour des raisons inexpliquées, les moudjahidine et les chouhada d’origine européenne sont les plus frappés par cet ostracisme, alors que leur combat et leur présence au sein de l’ALN étaient la preuve que la Révolution algérienne était au-dessus des religions, des ethnies des clans. Bref, elle était réellement universelle. Malheureusement, la patrie n’a pas été reconnaissante — à l’exception de Maurice Audin, sans doute parce que son affaire a été médiatisée au plan international — aucun lycée, aucune rue ne portent des noms de chouhada d’origine européenne.
Le cas de l’aspirant Maillot est à ce titre édifiant. Militant de Parti communiste algérien, il a été rappelé par l’armée française qui se renforçait à l’époque en Algérie. Il monte alors avec le concours de son parti un coup extrêmement audacieux qu’aucun combattant de la Guerre de libération n’a réussi à égaler. Il s’empare en effet d’un camion plein d’armes qu’il a réussi à convoyer jusqu’au maquis de l’ALN. Il y avait 121 mitraillettes Ytem, 92 fusils Lebel, 82 revolvers, 14 caisses de grenades et 6 mitraillettes Thomson. Qui dit mieux !
Maillot meurt le 5 juin 1956 à Lamartine, aujourd’hui El Karimia, lors d’une bataille entre l’ALN et l’armée coloniale. Un hommage lui est rendu chaque année par des Algériens de toutes confessions, mais point de site en son nom. Il paraît qu’une placette sise à Diar Essaâda va être débaptisée et s’appellera Henri Maillot. Or, il est question d’élargir le boulevard de cette zone et les plans existants prévoiraient la disparition de cette placette ! Il n’a été reconnu membre de l’ALN qu’en 1986.
Son cas n’est pas isolé, à croire que les chouhada d’origine européenne appartiennent à un second collège qui ne dit pas son nom. Même les manuels scolaires n’en parlent pas. Qui se souvient de Maurice Labon, par exemple ? Il est mort dans les Aurès en 1956 lors d’un accrochage. Pourquoi les Aurès ? Il a rejoint la Wilaya III à la demande de Mostefa Ben Boulaïd en personne, parce qu’il était un spécialiste dans la fabrication de bombes. Les survivants de cette épopée héroïque vivent aujourd’hui modestement et dans la plus grande discrétion.
Certains sont même malmenés comme le militant Félix Pelosi. Parce qu’il avait refusé de cautionner le coup d’Etat du 19 juin 1965, il avait été déchu de la nationalité algérienne. L’Organisation nationale des moudjahidine n’a pas levé le petit doigt pour le rétablir dans ses droits. Le professeur Chaulet est mort il y a quelques années. Il avait formé plusieurs générations de professeurs en phtisiologie après l’indépendance. Durant la guerre, lui et sa femme Claudine s’étaient beaucoup occupés des blessés de l’ALN avant de fuir en Tunisie. Chaulet a été notamment l’assistant de Abane Ramdane et l’un des membres fondateurs du journal
El Moudjahid. A-t-on pensé à donner son nom à une faculté de médecine ?
Tayeb Belghiche
el watan

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