Histoire

Hommage à Abderrahmane FARDEHEB, enseignant à l’Université d’Oran, assassiné le 26 septembre 1994.

img068.jpgCela fait 21 ans que des intégristes islamistes t’ont ôté la vie ce 26 septembre 1994 à Oran.
21 ans après, on peut lire encore dans la presse des nouvelles abjectes, comme celle de l’annonce de la création d’un parti politique par un certain Madani Mezrag. Bien évidemment, beaucoup diront  » mais non, foutaise, cela a été démenti par le pouvoir ». Ou alors « Quand bien même cela est vrai, le pouvoir est conscient, et s’il laisse faire, c’est pour mieux contrôler les islamistes…t’inquiète » !
Mais je m’inquiète. Je m’inquiète encore et toujours.
Un démenti ? Il a bien été annoncé, certes ! Peut-être bien sous l’impulsion et la dynamique des réseaux sociaux qui ont joué un rôle prépondérant face à cette nouvelle qui a scandalisé une partie de la population. Un mouvement a vu le jour « Société Civile Algérienne » et a eu le courage de lancer une pétition pour le dépôt d’une plainte au TPI.
Cependant, ce démenti est arrivé trop tard. Oui bien trop tard pour nous qui avons subi ce carnage dans notre chair. Trop tard pour nous qui avons perdu des êtres chers. Trop tard pour nous qui avons vu nos familles éclatées, et nos vies brisées.
Tard pour nous qui, a tout moment, basculons dans le vide après de brefs répits. Tard car l’angoisse d’un éternel recommencement refait surface et nous persécute. Une telle annonce est une insulte envers les 200000 victimes du terrorisme et leurs familles marquées à vie.
Elle montre l’aisance qu’a M. Mezrag à s’exprimer alors qu’il ne regrette rien de son passé , or que nous, familles de victimes sommes contraintes de pardonner et nous réconcilier avec des assassins.
Mezrag revient en héros, il nous défie, nous nargue. C’est là une démonstration de force et d’arrogance, chose impardonnable.
Cela a été rendu possible car on lui a donné les moyens de le faire. l’Etat a fait preuve d’impunité envers lui et tous ceux comme lui impliqués dans des crimes de SANG !
On leur a permis la repentance, on leur a permis de se laver de tous les crimes commis.
Ils organisent des Universités d’été ! ils deviennent des érudits ! des donneurs de leçons !
Pour rappel, Mezrag est bien l’ancien chef de l’armée islamique du salut (AIS) qui a mené une guerre farouche et sans merci contre l’Etat, contre son propre peuple. Il a bénéficie en janvier 2000 d’une amnistie totale pour lui et les 5 000 combattants de son organisation. Aujourd’hui , celui qui a longtemps été un des hommes les plus recherchés par les services de sécurité, et sa tête mise à prix pour 4,5 millions de dinars devient notable, célèbre. On lui donne la parole, il bénéficie des plateaux télévisés, fait des conférences. Il a même été longuement reçu par le Ministre d’Etat, directeur du cabinet de la Présidence de la République, chargé de mener les consultations sur le projet de révision constitutionnelle. Ce monsieur a été reçu en qualité de « personnalité politique nationale » !
Qu’en est -il de son passé terroriste lui, le responsable de la mort de milliers de personnes ?
Lorsqu’un journaliste lui pose la question « alors Madani Mezrag un repenti de la réconciliation ? » il répond: « Jamais ! Je ne suis pas un repenti. J’ai mené une guerre juste et j’ai passé un accord, les armes à la main, avec l’état-major de l’armée. » Une guerre juste dit-il !
Il reconnait avoir tué de ses propres mains sans la moindre gêne !
Il va jusqu’a raconter son premier assassinat avec une sérénité déconcertante !

C’est cet homme là, et d’autres encore qui se pavanent aujourd’hui, impunément dans les rues de l’Algérie.
Des individus amnistiés et lavés de leurs crimes, auxquels on accorde respectabilité et considération.
En ce jour de triste commémoration, en cette 21 année de l’assassinat de mon père, voilà ce que j’ai envie de dire, avec un sentiment profond et amère d’une telle réalité.
Je tente très difficilement de garder espoir, en me disant que la mort de nos proches n’est pas vaine.
Je tente très difficilement de me dire que tout cela a du sens.
Je tente très difficilement de croire en la Justice.
Repose en paix père. Une conscience libre. Vos assassins sont et resteront à jamais hantés par votre souvenir, par vos visages, vos voix, vos râles.
Ta fille Amel

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Abderrahmane FARDEHEB
21 ans après
La vie. C’est la rose éphémère qui s’épanouit sous le soleil, qui émerveille, qui embaume,
puis se meurt un matin.
La vie. C’est cet horizon au loin qui captive le regard et fascine, que l’on croit voir et toucher,
et qui s’échappe à mesure que l’on s’en approche.
La vie. Des milliers de vagues surgies de lointains rivages, qui se bousculent perpétuellement chassées par les vents,
inlassables, elles réapparaissent sur les plages dorées.
La vie est longue, la vie est courte, la vie est éphémère.
La vie qu’on t’a enlevée est morte comme la rose, s’est échappée comme l’horizon, et elle nous revient comme les vagues.
Mais tes rêves, ton idéal, ton combat ne meurent jamais.
Abderrahamane , ton humilité, tes engagements, tes valeurs humaines, ton combat pour une paix juste et durable ne sont pas vains.
Tu nous manques : tu as laissé un vide, une tristesse une désolation infinis.
Repose en paix. Allah yerrahmek.
Tes assassins resteront à jamais poursuivis par la justice divine.
Ta femme Zokha
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