Économie

Le vrai et le faux sur la dévaluation du dinar algérien, Par B. Mahdi

[bleu]Spécificité algérienne ou quand le patronat veut un dinar « fort ». La dévaluation du dinar a été d’actualité ces dernières semaines. Dans ce point de vue, B.Mahdi conteste la réalité de cette dévaluation et livre son décryptage sur les raisons qui en ont fait un thème d’actualité.
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Le vrai et le faux sur la dévaluation du dinar algérien
par B. Mahdi

Dans la série d’un autre regard sur la chose économique et avec le souci d’éclairer les gens sur les non-dits et les arrières pensées, la dernière campagne des medias sur le thème de la dévaluation du Dinar mérite d’être décryptée. Les chiffres et les statistiques, quand ils existent, sont soit biaisés, soit remontent au temps du «nouveau franc Algérien». Faisons l’inventaire, on obtient une toute autre histoire…

QUELLE EST LA REALITE DE LA DEVALUATION DU DINAR ?

En théorie, c’est le marché monétaire qui fixe le cours du Dinar. La Banque d’Algérie ou alors sa filiale la BEA (Banque extérieure d’Algérie) étant les seules en mesure d’apporter les devises des recettes pétrolières, le cours est fixé par une banale formule mathématique en fonction d’un panier de monnaies où le Dollar US a le plus fort coefficient. On peut dire sans se tromper que le Dinar Algérien est carrément indexé sur le Dollar US. Ce qui somme toute est logique, l’Algérie ne vend qu’en dollars US. Il est alors important que la monnaie locale soit stable par rapport aux recettes. Comme les autres monnaies varient entre elles dans un système flottant, il est normal que le Dinar varie par rapport à ces monnaies tout en restant fixe par rapport au Dollar. C’est ce qui s’est passé dernièrement, l’Euro est monté contre le Dollar et par conséquent par rapport au Dinar aussi et c’est ce qui a déclenché tout ce tintamarre.

Si on examine les moyennes mobiles ou glissantes qui permettent de lisser les fluctuations quotidiennes sur 50 jours par exemple (MMA50), le Dollar est passé de 79,2 à 81 Dinars soit une hausse de 2,22% sur les 3 derniers mois et de 79 à 81 sur la dernière année. Sur les 4 dernières années, on est passé de 70 à 81 Dinars soit une dépréciation moyenne de la monnaie nationale de 3,4% par an. D’un autre côté, sur les 3 derniers mois la moyenne mobile (MMA50) de lEuro par rapport au Dollar est passée de 1,31 à 1,35 soit une variation de 3% alors que la MMA50 du EUR/DZ est passée de 104,9 à 108,2 soit exactement les 3% de la variation EUR/USD. En 4 ans l’Euro est passé de 105 à 109 Dinars, soit 4% ou encore 1% par an, on a vu pire comme dévaluation…

Comme on le voit, si le glissement par rapport au Dollar est réel, il n’est que de 2% seulement et voulu par la Banque d’Algérie, la «dévaluation» par rapport à l’Euro n’est que conjoncturelle et complètement due aux variations EURO/USD. Il reste que l’affaire a été très mal expliquée par le ministre des finances et par la Banque d’Algérie qui ne voulait pas trop s’attarder sur les mécanismes de fixation du cours du Dinar. En contrepartie, si on ne comptait que l’inflation officielle avouée sur les 4 dernières années et qui est au moins de 30%, la baisse de 14% du Dinar par rapport au Dollar est en fait une réévaluation de 16% en Dinars constants. Le résultat ne s’est pas fait attendre, une inflation galopante accompagnée d’une explosion des importations.

LE POURQUOI DE CETTE CAMPAGNE

Comment expliquer cette campagne sur la dévaluation du Dinar ? Et les pleurs sur les pauvres couches de la population qui verraient les prix des produits de première nécessité augmenter ? La campagne a été relayée, et peut-être suscitée par le patronat qui se plaignait du renchérissement des matières premières importées. Il y a deux ans à peine, ces patrons et leur chef, M. Réda Hamiani en premier, demandaient la réévaluation du Dinar… Une demande qui rend perplexe. Dans tous les pays du monde, le patronat demande la dévaluation de sa monnaie sauf en Algérie où il se plaint de sa faiblesse, voire demande une réévaluation. Les patrons Européens se plaignent de la force de l’Euro, les Américains menacent les chinois de représailles pour qu’ils réévaluent le Yuan tout en déversant chaque mois des tas de Dollars (85 Mds exactement) dans le cadre de la politique du quantitative easing de la Fed pour faire baisser le Dollar. N’en parlons même pas de la politique des trois flèches de Shinzo Abe qui a fait baisser le yen de 20% en quelques mois. Là, on peut parler sans se tromper de dévaluation. Alors pourquoi ce battage médiatique anti-dévaluation? La réalité est que nos industriels font très peu de valeur ajoutée locale, leurs prix sont fortement liés aux prix des intrants importés. Ainsi par exemple, un fabriquant de jus importe la pulpe de fruit, le sucre, les additifs et le packaging… seule l’eau ajoutée est locale. Avec des chaines mécanisées, la seule valeur ajoutée locale va être le coût du travail des manutentionnaires et des chauffeurs livreurs ce qui représente peu dans le prix de vente final. Les perspectives d’exportation étant limitées, paradoxalement à cause même de la force du Dinar, ces industriels ont tout à craindre d’une dévaluation qui restreindrait leurs ventes. Avec un tel apport à l’économie nationale, on comprend leur offuscation de ne pas être associés à l’élaboration de la politique des importations du pays. Si par contre la valeur ajoutée locale était importante, le renchérissement des importations aurait moins d’effet sur le prix final. On peut supposer dans ce cas que les coûts internes (produits et main d’œuvre) ne suivent pas en totalité l’augmentation des prix à l’importation. En fait, la force actuelle du Dinar est une arme de destruction massive contre l’industrie Algérienne et de l’économie nationale en général. Ce tir de barrage préventif contre la supposée dévaluation n’est rien d’autre qu’une tentative de préservation de l’accès à la rente…
RFM.

Article tiré du journal le « Quotidien d’Oran » du 26/11/2013.

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