Politique

Les vautours nord-américains qui rodent sur l’Argentine

Les vautours nord-américains qui rodent sur l’Argentine
granma 26 juin 2014

Les fonds vautours hypothèquent l’avenir de l’Argentine
Deux décisions de la Cour suprême de justice des États-Unis contre l’Argentine attireront les investisseurs prédateurs et entraveront les initiatives de réduction de la dette des pays les moins favorisés, ont averti plusieurs organisations de lutte contre la pauvreté.
La Cour suprême des États-Unis a rejeté, lundi 16 juin, un recours du gouvernement argentin qui lui demandait d’annuler sa condamnation à rembourser plus de 1,5 milliard de dollars à deux fonds spéculatifs dits « vautours », qui avaient refusé les plans d’échange de dette proposés par l’Argentine
À l’annonce de ce jugement au mois d’août, l’Argentine avait affirmé qu’elle refusait de payer ces fonds spéculatifs, avant de modérer sa position.
La présidente Cristina Fernandez a déclaré qu’à travers cette sentence, les magistrats des États-Unis légitiment « une forme de domination mondiale basée sur la spéculation… pour mettre à genoux les pays et leur population ».
Les conséquences de cette décision pourraient être dramatiques pour l’Argentine, qui se bat depuis des années contre deux fonds vautours nord-américains, NML Capital et Aurelius – qui traînent une réputation de spéculateurs sans états d’âme, à l’affût des faillites d’État ou d’entreprises – qui ont racheté la dette du pays à prix cassés, pour négocier la restructuration de sa dette de 102 milliards de dollars, après la cessasion de paiement du pays en 2001.
NML Capital, qui a dirigé la procédure engagée contre l’Argentine à New York, a acheté des bons du Trésor argentin pour 48,7 millions de dollars, et à présent la Cour suprême des États-Unis lui reconnaît le droit d’encaisser 832 millions de dollars pour ces titres.
Un des fonds vautours « réaliserait en quelques années près de 1 600% de bénéfices (par rapport à son investissement initial). Je crois que même dans le crime organisé, les marges ne sont pas aussi élevées », a déclaré la présidente Cristina Fernandez à Buenos Aires dans un message à travers la chaîne nationale de télévision.
L’Argentine devrait donc verser 1,5 milliard de dollars aux fonds vautours, un chiffre qui ne représente que 10% des bons non échangés lors de la faillite partielle du pays en 2001.
Mais si le pays sud-américain procède à ce paiement, les autres fonds spéculatifs ayant refusé les restructurations de la dette argentine en 2005 et 2010 pourraient exiger le même traitement et ce sont 15 milliards de dollars supplémentaires que pourrait avoir à régler l’Argentine.
Un deuxième jugement rendu également le lundi 16 par la Cour suprême des USA a accordé un soutien écrasant en faveur des fonds à haut risque et permettra aux possesseurs de fonds d’obliger les banques internationales à leur accorder leur aide dans la quête d’actifs argentins.
Ces décisions ont enhardi les prédateurs financiers, et implique un important revers pour les pays pauvres qui cherchent à réduire leur dette, ont averti à Washington plusieurs organisations gouvernementales.
« Je suis encore tout retourné par cette nouvelle, qui est terrible », s’est exclamé Eric LeComte, directeur du collectif d’ONG Jubilee Network USA, un réseau d’organisations religieuses qui lutte contre la pauvreté dans le monde.
« Non seulement on justifie le comportement des fonds des capitaux à risque, mais on les encourage. À présent ils ont de nouveaux instruments juridiques pour contraindre des pays comme la Côte d’Ivoire et la Zambie rapidement à la soumission », a-t-il ajouté.
Ainsi est mise en évidence la stratégie d’un petit nombre de fonds d’investissements ou fonds vautours basés notamment aux États-Unis, qui rachètent les dettes des pays pauvres à un prix extrêmement bas en vue de les contraindre par voie judiciaire à les rembourser au prix fort, autrement dit pour réclamer 100% de la valeur nominale de bons qu’ils avaient achetés à bas prix, engendrant des plus-values colossales sur le dos des populations.
Les fonds de ce genre maintiennent leurs demande, même si d’autres investisseurs consentent à réduire la dette – ce qu’on appelle échange de dette – et acceptent des rendements inférieurs à ceux escomptés qui, malgré tout, permettent au gouvernement endetté de se relever économiquement.
Par ailleurs, un seul fonds vautour ou créancier ayant refusé l’échange peut annuler la totalité du processus de restructuration de la dette, l’accord ne pouvant avancer sans l’approbation de l’ensemble des détenteurs de bons.
Pour les Argentins, la crise de 2001 restera gravée dans les mémoires comme le pire moment qu’ait traversé le pays. Le PIB réel argentin connut une chute vertigineuse de 61%, passant de 268,6 milliards de dollars en 2001 à 102 milliards en 2002.
En 2005 et 2010, le pays proposa deux échanges de bons à un quart de leur valeur réelle.
À l’exception de NML Capital et Aurelius, qui entamèrent une série de poursuites contre le gouvernement argentin devant les tribunaux de New York, près de 93% des créanciers de l’Argentine finirent pas accepter les échanges.
« Maintenant le moment est venu pour l’Argentine d’honorer ses engagements envers ses créanciers, ce qui bénéficiera aussi bien à l’économie argentine qu’à sa position internationale », a signalé NML dans un communiqué de presse à l’annonce du jugement.
UNE OPTION ATTRAYANTE
Selon les experts, cette décision pourrait, de fait, encourager, à l’avenir, d’autres investisseurs privés à refuser tout échange de dette. Au risque de compromettre des plans de restructuration financière pourtant jugés vitaux pour les pays en grave difficulté financière.
« Ce comportement était déjà l’un des plus rentables du monde, et cette décision le rend légitime et encore plus rentable, étant donné que les investisseurs auront moins de frais de procès », a souligné Lecomte.
Certains estiment qu’Aurelius et NML ont engagé une procédure contre l’Argentine non seulement pour l’argent en jeu, mais pour créer un précédent qui leur permettra de consolider leur avenir.
Ce jugement pourrait comporter des répercussions adverses. À présent, les fonds vautours pourraient attaquer les revenus fiscaux des pays qui connaissent une extrême pauvreté, ainsi que l’aide internationale qui leur est offerte.
Les opérations de restructuration de la dette réalisées par des créanciers multilatéraux comme le FMI ou le Club de Paris, qui ont facilité la réduction de la dette de 90 pays d’environ 573 milliards de dollars, pourraient être également menacées.
Les investisseurs légitimes éviteront probablement de participer à ce genre de restructuration, à présent que leurs opérations pourraient courir des risques.
Il existe de nombreux efforts internationaux en cours qui pourraient limiter l’action des investisseurs prédateurs ou créer un système d’arbitrage international chargé de trancher sur le problème de la dette souveraine.
D’après une analyse de Jubilee Network USA et New Rules for Global Finance, une ONG de Washington, il est question de « limiter ou d’éliminer les comportements prédateurs extrêmes… qui violent les politique d’allègement de la dette, sa restructuration et le bon fonctionnement du système financier ».
Cependant, autant au niveau national qu’international, n’importe quelle mesure de ce genre n’apportera qu’une solution unique à moyen terme. À présent, l’Argentine a jusqu’au 30 juin pour honorer ses engagements envers ses créanciers, dont NML et Aurelius. Ce faisant, elle pourrait être obligée de faire face à une dette de 15 milliards de dollars, ce qui pourrait mettre ce pays en défaut de paiement. (Fragments tirés de IPS)

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