Politique

*L’Otan finalise son nouvel ordre de bataille face à la Russie*

Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg sur la base militaire de
Deveselu le 12 mai 2016Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg sur
la base militaire de Deveselu le 12 mai 2016 afp.com/DANIEL MIHAILESCU

Bruxelles – Les chefs de la diplomatie de l’Otan se retrouvent à Bruxelles,
à six semaines d’un sommet crucial à Varsovie, pour finaliser le
renforcement militaire de l’Alliance sur son flanc est, sans précédent
depuis la fin de la Guerre froide, face à une Russie jugée « agressive ».

Lors d’un sommet à Varsovie début juillet, les dirigeants des 28 pays de
l’Alliance atlantique doivent décider d’envoyer davantage de troupes dans
les pays baltes et en Pologne afin de parachever « l’adaptation (militaire)
la plus importante jamais entreprise depuis la fin de la Guerre froide »,
selon son secrétaire général Jens Stoltenberg.

Ce renforcement militaire de l’Otan, qui a multiplié depuis deux ans ses
manoeuvres et patrouilles maritimes, terrestres et aériennes à l’Est, et
entrepris une série de réformes pour augmenter la rapidité de déploiement
et la flexibilité de ses forces, devrait culminer avec l’envoi –par
rotations– de plusieurs bataillons avec leurs équipements de combat dans
des pays partageant une frontière avec la Russie.

Sur le front politique, le Monténégro, petite république des Balkans, signe
jeudi lors d’une cérémonie à Bruxelles son protocole d’adhésion à l’Otan,
qui doit encore être ratifié par les parlements des 28. Moscou, qui y voit
un empiètement sur sa sphère d’influence, s’est insurgé contre
l’élargissement de l’Alliance dans cette zone stratégique à ses yeux.

« Notre approche face à la Russie allie une défense forte et la dissuasion
au dialogue » avec Moscou, a souligné mercredi M. Stoltenberg, assurant que
« l’Otan ne cherche pas la confrontation ». « Il est dans l’intérêt de tous
d’éviter une nouvelle course aux armements », a-t-il insisté.

Les tensions se sont récemment ravivées à propos du bouclier antimissiles
américain en cours de déploiement en Roumanie et en Pologne, dont l’Otan va
prendre le commandement.

Des incidents militaires, plus ou moins graves, ont lieu à intervalles
réguliers. En novembre 2015, la Turquie a abattu un avion de chasse russe
qui avait, selon elle, pénétré dans son espace aérien depuis la Syrie. Plus
récemment, des avions russes ont survolé un destroyer américain en mer
Baltique.

Après une première rencontre en 20 mois au siège de l’Otan le 20 avril, une
nouvelle réunion entre les ambassadeurs alliés et leur homologue russe
pourrait être organisée avant le sommet de Varsovie (8 et 9 juillet). Son
objectif: éviter que des incidents ne dégénèrent et augmenter la
« transparence » ainsi que la « prévisibilité » militaires.

– ‘Etats en faillite’ –

La situation au sud de l’Europe sera elle aussi scrutée jeudi et vendredi
par les ministres des Affaires étrangères de l’Otan, dont le secrétaire
d’Etat américain John Kerry: conflit syrien, lutte contre l’Etat islamique
(EI), instabilité en Libye et la crise migratoire.

Car, aux yeux des Alliés, le chaos qui s’étend au sud constitue une menace
sécuritaire au moins aussi inquiétante que les menées russes en Ukraine,
qui ont provoqué un refroidissement des relations entre Moscou et l’Otan.

« Si vous regardez la périphérie de l’Otan aujourd’hui, en particulier au
sud-est avec la Syrie et l’Irak, mais aussi par delà la Méditerranée sur
les rives septentrionales d’Afrique, vous voyez toute une série d’Etats
affaiblis ou en faillite », a relevé l’ambassadeur américain à l’Otan,
Douglas Lute.

A Bruxelles, où siègent à la fois l’Otan et l’Union européenne, la menace
de l’EI s’est brutalement concrétisée lors d’attentats qui ont fait 32
morts le 22 mars, quatre mois après les attaques sanglantes de Paris (130
morts).

Dans ce contexte, l’Alliance a entamé un rapprochement sans précédent avec
l’UE, que ce soit contre les techniques de guerre dite « hybride », celles-là
mêmes qui ont permis à la Russie d’annexer la Crimée en mars 2014 sans
verser une goutte de sang, mais aussi dans le cadre de la crise migratoire.

Depuis début mars, des navires de guerre de l’Otan croisent en mer Egée
pour surveiller les réseaux de passeurs opérant depuis les côtes turques,
afin de partager ces informations avec les garde-côtes grecs, turcs et
l’UE.

Et au moment où les routes migratoires se déportent, l’Alliance envisage de
transformer une autre de ses opérations navales en Méditerranée, « Active
Endeavour » afin d’appuyer notamment la mission « Sophia » de l’UE de lutte
contre les passeurs au large de la Libye.

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