Histoire

Message de ABDELMADJID KAOUAH

Cher Fateh, je te demande ton indulgence.
En cours de déménagement, je suis sans téléphone ni Internet.
Je voulais écrire un témoignage personnel assez consistant ur Lounnès que j’ai côtoyé jusqu en avril 1994 avant mon départ à l’étranger. Nous habitions ensemble à Bachjarah, dans la vie courante, nous étions comme une même famille avec Kerroum Mehenni..C’était un homme de bravoure et de fidélité.
Nous sommes devenus amis et compagnons de lutte depuis le 19 mais 1975.
A sa façon, c’était un poète qui ne s’avouait pas. Il fallait bien le connaître pour découvrir son amour profond attachement à la poésie. Il s’est ouvert durant son compagnonnage à Messaour Boulanouar à Sour El Ghozlane où il accomplissait en simple djoundi son Service national après son injuste enprisonnement avec son camarade Kerroum Mehenni – qui pourra mieux que moi témoigner de cet épisode de la chasse aux sorcières…
Comme l’écrit dans la préface de La Maison Livide, le e poète Serge Pey ce fils de républicain espagnol, « les fascistes du vide » ne passeront pas en dépit des malheurs et des carnages qu’ils auront causés.
Lounès , aujourd’hui, est encore vivant de tout l’éclat de son ardeur militante alors que ces « fascistes du vide » sont déjà dans les poubelles de l’histoire ! « Z » Lounès Djaballah. Il est vivant!
Abdelmadjid Kaouah
Toulouse , ce 2 novembre 2012

La Maison Livide
poème-titre du Recueil La Maison Livide ( éditions Encres Vives, 1995)
en hommage à Djaballah Lounès, dédié à sson épouse Yasmina et ses enfants Kenza et Sadek

*
Te souvient-il ombre errante

Il revenait du travail
A la rencontre
De ses deux anges
-Mais ses voisins
Vivent dans le mensonge-
Que die
Sinon un silence
A ma sœur Yasmina
Qui porte le deuil du jasmin

Qu’écrire
Après
Après que les balles
Aient tracé la mort
Sur a poitrine
De mon frère
Quand Lounès rencontra son étoile

-je ne lui tenais pas l’échelle du ciel-

Ici Bachjarah
La Maison-Livide
Dévoreuse de cœurs
Tisseuse de linceuls
Par perfidie

Et j’ai maudit le téléphone
L’ai lancé comme une pierre sur le malheur
Surgi dans l’écouteur
J’ai piétiné
Le jardin les feuilles mortes
Ouvert grand le portail
Marché pieds nus sur l’asphalte de l’exil
Maison Livide

II

Faut-il encore
En appeler à la vie
Dans ces cages d’escaliers
Où la rage
Pousse comme le chiendent
On affûte les lames
Contre le béton
Et l’on arme la haine
A coups de versets inversés

Tandis qu’à Hydra
On domestique le monstre
A force de faste
Et de dialogue
Avec le néant

Faut-il toujours en appeler à la mort
Pour passer par pertes et profits
Les mille et une impostures
De ce ciel anthropophage
Qui moissonne les têtes
Pour combler le déficit alimentaire
Dans cette Cité
Où ne foisonnent plus
Que les rubriques nécrologiques
Et les communiqués-suaires expéditifs

Ici Maison Livide
Pendant
Que la mer surchargée d’immondices
Continue vague après vague
A rouler son écume
Contre les galets

Maison Livide

Est-ce vos rictus
dieux des limbes
au nom desquels
on donne la mort
après la vie
auxquels on confie
le dernier terrassé
après la dernière dépêche

Te souvient-il ombre errante

Ici Bachjarah
La Maison-Livide
Dévoreuse de cœurs
Tisseuse de linceuls

Faut-il parfois
En appeler à quelque chose
La mer continue
Vague après vague
Son écume

Toulouse, 5/6 Novembre 1994

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