Politique

Nos alertes tunisiennes par Mohamed Bouhamidi.

telechargement_1_-7.jpgPar Sarkozy ou par Kasserine, l’alerte nous vient toujours de l’Est. Le premier trouvait dans la géographie la source du mal tunisien dans le voisinage du pays Algérie. S’il ne pouvait et ne peut éliminer la réalité géographique de nos montagnes communes algéro-tunisiennes, il pouvait rêver et annoncer son plan d’éliminer l’Etat et le pays Algérie. Il a couvé le Gouvernement Provisoire de la Kabylie dont la première reconnaissance diplomatique est venue d’Israël, le Sénat français, aussi en invitant son «président» Ferhat Mehenni.

Quelques déclarations de ministres tunisiens ajoutent du poids à l’hypothèse d’un projet anti-algérien partagé.

En Tunisie, Sarkozy a été l’invité des élites qui ont récupéré la révolte populaire pour remettre la Tunisie dans l’orbite occidentale. Il a été la «preuve» de leur fidélité au système de domination actuel et de la mort des prétentions des clans civilo-affairistes, policiers et militaires de Ben Ali, de prélever leur «part nationale» dans l’économie tunisienne. Comme en rêvent aujourd’hui, pour leur propre profit, les forces organisées ou spontanées qui se disputent le pouvoir en Algérie.

Ben Ali a appris à ses dépens que dans le système de brigandage et de pillage impérialiste, nul groupe social, clan affairiste ou force politique ne peut s’ériger en gang pour disputer au capitalisme mondialisée n’importe quelle part de profit, fût-elle marginale. Le bon élève, maintes fois félicité par le FMI, fut la première victime du plan du transfert du pouvoir aux Frères Musulmans dans les pays arabes, annoncé par le discours d’Obama, au Caire, le 4 juin 2009, véritable déclaration d’amour US à l’Islam, dans sa version frériste, dont les USA venaient de comprendre l’exceptionnelle capacité à adapter des foules musulmanes aux lois du capitalisme pur et dur, comme le prouvait, au passage, l’expérience turque.

Que l’Etat français, alors, n’ait rien compris à la manœuvre globale, relève seulement du rang de comparse et d’exécutant de second ordre auquel l’ont réduit les politiques communes et solidaires de la droite et de la gauche françaises, unies dans leur touchante émulation néoconservatrice. Les gouvernements français auront leur présence, malgré tout par Marzouki, longtemps entretenu dans les couveuses de l’Etat français profond, comme l’est aujourd’hui Ferhat Mehenni.

Le hold-up réalisé par les frères-musulmans et leur allié Marzouki, leur caution «démocratique», sur la révolte tunisienne, a permis de récupérer et la révolte et le pays, dans le giron impérialiste. L’épisode Nida Tounès fut une remarquable recomposition des forces, anciennes et nouvelles, autour d’une seule option : la Tunisie doit rester dans le cadre global du système impérialiste.

Le point culminant de cette opération fut le spectaculaire retournement de la présidence tunisienne qui acceptait en mai 2015 l’alliance avec l’OTAN qu’elle avait refusée en février. Toutes ces élites, au-delà des clivages culturels -islamistes ou pas islamistes- s’unissaient sur le clivage essentiel : option pour le capitalisme et la construction d’un Etat bourgeois débarrassé du devoir de partage et de solidarité sociale intrinsèque à la longue lutte du peuple tunisien pour son indépendance.

Kasserine vient de rappeler à tous, que le peuple tunisien, décidemment toujours à l’avant-garde, n’entend pas se laisser déposséder de son droit légitime sur les ressources de sa terre et de son travail ancestral.

A la différence du peuple algérien, il dispose de structures syndicales et politiques issues des luttes populaires, encore intactes et plus aguerries par ces cinq dernières années de luttes.

Ras el Ma, près de Batna, n’est pas Kasserine, mais nous pouvons bien prendre les deux leçons essentielles de Kasserine.

Nos peuples ne peuvent rien régler s’ils ne changent pas le rapport des forces en construisant leurs organisations sociales autonomes. Et ils ne peuvent pas régler les problèmes locaux de chômage, d’éducation, de santé, d’espérance sociale et humaine, sans penser le problème global de cette mondialisation destructrice commencée avec l’ère coloniale.

B.M.
In Impact24 le 24.01.2016

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