Société

Reaction de Abdelali Merdaci au compte rendu sur la causerie autour du livre d’Ahmed Bensaada par Djawad Rostom Touati

« Aujourd’hui, comme hier, nous sommes toujours dans l’urgence de combattre pour un pays et une culture libres. » A. Merdaci

Rabeh Sebaa a raison de relever que cette rencontre-débat autour de l’essai d’Ahmed « Cologne, contre-enquête » (Alger, Frantz Fanon, 2016) animée par Mohamed à la librairie Fateh Kitab, aux Bananiers, à Alger, porte l’empreinte de la convivialité, de l’intelligente convivialité, comme en témoigne l’excellent et avisé compte-rendu qu’en donne Djawad Rostom Touati. J’entrevois l’ampleur de cet échange où des questions fondamentales ont été envisagées. J’en retiens une, au cœur de nos préoccupations : « Peut-on considérer qu’un discours idéologique renvoie à une réalité cachée et sous-jacente, et de ce fait peut-on y répondre en conséquence ? » Or l’idéologie est une représentation imaginaire – et cohérente – des rapports de force à l’intérieur du groupe social, commandant et énonçant des postures distinctives et des prescriptions éthiques, philosophiques et politiques. Bernard-Henri Lévy a clairement, en maintes circonstances, notamment dans son dernier essai où il revêt la tunique biblique de Jonas (« L’Esprit du judaïsme », Paris, Grasset, 2016), fait prévaloir à côté du funeste sort des armes le combat idéologique au nom d’Israël et du sionisme. Convient-il de rappeler qu’il est à Paris une des cautions les plus vigilantes de Daoud ? Est-ce en cela, comme le note Mohamed, que pèse cette chape de plomb, qui tombe sur ce qui contrevient à la gnose dogmatique des protecteurs de Kamel Daoud, réussissant la gageure d’aligner et de fustiger à côté des tenants de la « fetwa islamiste » les adeptes d’une fantasque « fetwa laïque » (rageur oxymore de Michel Onfray), à l’enseigne d’un républicanisme douteux.
Alors, il devient difficile de forcer le barrage qu’oppose une intelligentsia néoconservatrice germanopratine, dominant les champs littéraire et médiatique français, autour du trublion oranais. La publication de l’essai d’Ahmed rompt les certitudes que Paris et ses relais algérois ne peuvent plus imposer à Alger et aux Algériens. Bensaada libère la parole autour d’une imposture journalistique et littéraire.
Cette discussion inaugurale, qu’ont lancée à la librairie Fateh Kitab Mohamed et ses amis, est prometteuse. A nous de la prolonger, car il s’agit moins de dresser des bûchers que de démythifier un personnage sanctuarisé par l’Occident et de le rendre à ses sordides plans de carrière. Après Sansal, Benmalek, Kacimi et bien d’autres, Daoud a compris que le succès littéraire en France ne se mérite plus par les œuvres mais par le spectacle de la littérature et la mise en scène permanente de l’auteur. Il a trouvé sa place de jeteur d’oracles échevelé voguant sur une mer d’intolérances. Le terrain de chasse que lui ont assigné ses protecteurs néoconservateurs français est celui d’une Algérie et d’un Orient inaltérablement arabes et musulmans ré-ensauvagés. Il se donne ainsi toutes les libertés de parole en effaçant celles de ses contradicteurs, on le sait maintenant et on le saura davantage dans les jours et les semaines qui viennent par l’intimidation judiciaire.
Je voudrais pourtant exprimer un regret qui porte moins sur le fait d’avoir raté les savoureux cigares de Merbouha que le consciencieux discours sur la chanson chaâbie d’El Anka et son ressourcement national. Mohamed Bouhamidi, promeneur attentionné de la Casbah, atteint une rare dimension de l’ineffable lorsqu’il relie la parole insulaire du maître algérois à l’avènement d’espérances populaires et nationales. Aujourd’hui, comme hier, nous sommes toujours dans l’urgence de combattre pour un pays et une culture libres.
Amitiés.

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