Société

«RECHERCHÉ» PAR LA JUSTICE À ALGER ET INVITÉ PAR L’AMBASSADE D’ALGÉRIE À WASHINGTON L’énigme Chakib Khelil

unnamed-50.jpgChakib Khelil s’est prêté, tout sourire, au jeu des photographes venus immortaliser les festivités organisées le jeudi 5 novembre par l’ambassade d’Algérie à Washington pour célébrer le déclenchement de la guerre d’indépendance. Il a fait son entrée en compagnie de son épouse et de ses trois enfants sous les regards étonnés des centaines d’invités. Les graves accusations qui pèsent sur l’ancien ministre de l’Energie et sa famille ont dépassé les frontières même si les suites données au mandat d’arrêt international lancé contre les cinq personnes demeurent floues.
L’information faisant état de cette apparition a été immédiatement rendue publique par de nombreux sites internet lesquels n’ont pas manqué de publier des photos de la «vedette» au bras de son épouse, elle aussi très souriante. Une attitude qui laisse transparaître que la famille Khelil n’a nullement l’air d’être inquiète. Leur invitation à une cérémonie aussi officielle, aussi symbolique ne peut cependant se passer d’interrogations.
La première concerne l’initiative de l’ambassadeur d’Algérie à Washington qui, en vertu des fonctions qu’il occupe, ne peut se permettre de s’encombrer d’un invité aussi gênant sans y avoir été autorisé par Alger. Logiquement, l’autorisation devrait émaner directement de la chancellerie, mais la sensibilité du dossier et la réalité de la politique algérienne veulent qu’elle doit être prise uniquement par les plus hautes autorités du pays.
Les liens que Chakib Khelil entretient avec le Président Bouteflika ne sont un secret pour personne. La seconde interrogation concerne d’ailleurs la situation juridique qui entoure tant l’ancien ministre de l’Energie que sa famille depuis l’émission d’un mandat d’arrêt international à leur encontre pour corruption, blanchiment d’argent et fuite de capitaux.
Un ancien procureur d’Alger chargé du dossier Khelil s’était d’ailleurs rendu célèbre en dévoilant l’existence de ce mandat devant un parterre de journalistes avant d’être écarté dans le cadre d’un remaniement partiel opéré par le Président Bouteflika. Sans tarder, le ministre de la Justice a confirmé le lien entre l’affaire Chakib Khelil et cette décision car selon lui, l’ancien procureur «avait divulgué des informations portant préjudice au déroulement de l’enquête et qui portent atteinte à la présomption d’innocence». On se souvient aussi qu’avant M. Zeghmati le juge Ghezal du tribunal de Sidi-M’hamed chargé de l’instruction de l’affaire Sonatrach avait, lui aussi, fait l’objet d’une mesure similaire.
Le ministre de la Justice avait ajouté que le mandat lancé par M. Zeghmati avait été annulé pour vice de forme, affirmant qu’en tant qu’ancien ministre, Chakib Khelil ne pouvait être poursuivi que par la Cour suprême. Au même moment, Freedom House, une ONG célèbre de défense des droits de l’Homme, affirmait dans son rapport que Chakib Khelil avait peut-être échappé à ce mandat en raison de ses relations avec Bouteflika. Que devient cependant le mandat d’arrêt international ? Peu d’informations circulent cependant à ce sujet. Le fait d’être apparu publiquement jeudi à l’ambassade d’Algérie veut dire, on le sait, que celui-ci n’a rien à craindre dans son pays puisque cette même ambassade est territorialement sous contrôle algérien, mais au plan international, la donne est tout autre. Chakib Khelil a été publiquement accusé par la justice milanaise dans la célèbre affaire Saipem-ENI, géant pétrolier italien. Les enquêteurs ont affirmé détenir toutes les preuves, y compris des copies de conversations téléphoniques entre Chakib Khelil et le patron d’ENI, l’impliquant dans une affaire de pots-de-vin puisqu’il est accusé d’avoir reçu 198 millions d’euros.
Le patron de l’entreprise pétrolière italienne, M. Paolo Scaroni, a révélé devant le tribunal milanais avoir versé cette somme en échange de 8 contrats dans le domaine des hydrocarbures en Algérie dont le montant avait été fixé à 9 milliards de dollars. Pire encore, notre ancien ministre de l’Energie est soupconné par la justice italienne d’être le principal bénéficiaire de ce réseau de corruption international. Pour traiter cette affaire, la justice italienne a délégué de très célèbres juges instructeurs tous spécialisés dans les affaires de corruption et d’implication dans des réseaux de blanchiment d’argent. Parmi eux figure le fameux procureur Fabio De Pasquale qui a fait éclater l’affaire Médiaset pour laquelle l’ancien Premier ministre italien, Silvio Berlusconi, a été condamné à quatre ans de prison ferme.
Abla Chérif le soir d’Algérie

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