Société

Rencontre avec Mustapha Boutadjine l’auteur de “Collage Résistant(s)”

Rencontre avec l’auteur de “Collage Résistant(s)”

“Je ne suis pas ingrat envers cette Révolution qui m’a nourri et éduqué”



Liberté : Comment est né le projet du livre Collage Résistant(s) ?
Mustapha Boutadjine : Ce projet de monographie était déjà pensé depuis quelques années, mais des difficultés d’ordre matériel et conjoncturel se conjuguaient et ont retardé sa sortie. C’était peut-être une bonne chose puisque j’ai eu la chance, entre-temps, de rencontrer un excellent éditeur, Jacques Dimet, directeur des Éditions Helvétius, qui s’est complètement impliqué dans le projet en me donnant carte blanche. L’accumulation des monographies déjà éditées pour les différentes expositions que j’ai réalisées m’a encouragé à finaliser ce volumineux livre. Et aussi, les conseils des amis, des éditeurs et des galeries ont, effectivement, impulsé cette réalisation.
Est-ce une compilation de “toutes” les œuvres exposées ces dernières années ou plutôt un tri de toiles obéissant à des thématiques ?
Cet ouvrage n’est pas une compilation d’œuvres mais plutôt un ensemble de travaux organisés en 7 thèmes que j’ai exposés en France, en Algérie et dans d’autres pays. Quelques titres : Les femmes d’Alger ; Sous les pavés, le Gitan ; America basta ; Black is toujours beautiful ; Insurgés ; Poètes et Contre-images. Cette volumineuse monographie est accompagnée d’un extrait de 19 minutes du film Bouts de vies, bouts de rêves, du cinéaste Hamid Benamra, consacré à ma démarche plastique. À la fin de l’ouvrage se trouve une reproduction d’une fresque de 2 mètres, pliée et insérée, réalisée par des élèves des écoles de Toulouse dans le cadre du Festival Rio Loco (échelle réelle de la fresque : 30 m x 5 m).
M. Boutadjine, quels sont les tableaux que vous chérissez le plus ?
Je n’ai pas de préférence pour un tableau ou un thème particulier. Ma démarche s’inscrit dans un contexte de révolte et de mémoire. Chaque portrait et chaque thème est porteur d’une histoire et d’une mémoire singulières. De façon générale, tous représentent mes convictions et sont porteurs d’une forme de dénonciation des injustices et des inégalités que vivent les peuples, les ethnies et les populations stigmatisées.
On vous présente comme un artiste engagé. Cette définition vous satisfait-elle ?
Je ne sais pas si le fait de dénoncer les falsifications des mémoires et de l’histoire à travers une démarche plastique, c’est être engagé. Ma démarche consiste à déchirer des magazines bourgeois, avec tout ce que cela représente, et à créer à partir de cette matière des images symboliques qui contredisent la société de consommation, la dérive du capitalisme sauvage et le néo-colonialisme guerrier et culturel. C’est aussi ma réponse, avec une écriture plastique, à tous ces nouveaux et anciens révisionnistes. Je ne suis donc pas désengagé !
Qui est Mustapha Boutadjine et quelle est sa relation avec l’art du collage ?
Je suis né en 1952 à La Glacière, à Alger, 2 ans avant le déclenchement de la lutte de Libération nationale. Je suis, comme beaucoup d’Algériens, issu des quartiers populaires, mais de la génération des enfants de la guerre. J’ai eu la chance de bénéficier d’un enseignement gratuit, adéquat et généreux de la part d’un pays qui partageait les richesses. C’est pour cette raison que je ne suis pas ingrat envers cette Révolution qui m’a nourri et éduqué, et qui, à mon avis, est devenue universelle. C’est pour cela que toutes mes images viennent de ce background révolutionnaire, dont je suis fier.
S’agissant du collage, je ne me considère pas comme un collagiste. J’applique plutôt une démarche picturale qui désarçonne le regard du spectateur. L’idée centrale c’est la déconstruction pour créer un décalage à plusieurs niveaux : la matière, le thème et la présentation.
Entretien réalisé par : Hafida Ameyar

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