Société

Sur le film L’Oranais

Sur le film L’Oranais



Le jeune réalisateur Lyès Salem a tapé dans le mille. Son film l’Oranais ne laisse personne indifférent. Il nous interpelle pour porter un regard sur nous même, d’abord par le choix de l’histoire de « l’oranais » mais aussi en mettant en scène un scénario ingénieux pour illustrer la situation du pays durant les 25 premières années après l’indépendance.

Les trois principaux personnages du film Hamid, Djaffar et Farid, anciens maquisards, incarnent chacun un profil d’une personne bien réelle dans la société algérienne post-indépendance avec ses espoirs et ses contradictions.

Hamid, devenu un politicien, au pouvoir très étendu, n’hésite pas d’utiliser ses privilèges pour intervenir en faveur de ses amis. Plus le temps passe, plus ce personnage glisse vers une sorte de confusion entre ses propres intérêts, ceux de ses amis et les intérêts publiques censé les défendre vu son statut de dirigeant politique. La genèse de la corruption. Djaffar, obnubilé par son passé douloureux, la perte de sa femme violée par un colon et son « fils » illégitime ne semble pas comprendre ce qui se passe autour de lui. Il laisse son ami Hamid agir sans s’opposer à ses décisions et ni discuter ses idées. Malgré lui, il est entrainé par les évènements et réagit avec spontanéité et colère devant les situations qui l’embarrassent mais sans suite. Farid, personnage plus réfléchi qui a fait des études supérieurs, tente de porter la contradiction à son ami Hamid sur des questions d’actualités politique, culturelles et sur ses abus de pouvoir. Sans concession avec ce nouveau milieu des ses amis, il rencontrera des problèmes qui finiront par lui être fatals.

Le réalisateur, tout au long du film, a choisi de faire parler ses personnages, avec la langue « populaire » les premières années de l’indépendance. Selon les lieux et les situations c’est soit l’arabe parlé ou le français qui est utilisé. Il ne s’est pas embarrassé pour casser un tabou, de montrer que les maquisards, sans diminuer de la valeur de leur action, étaient des personnes ordinaires. Ils fréquentent les bars et profèrent aussi des insultes et des « gros mots » quand la colère les envahit. Cette démystification des artisans de l’indépendance les rendra aux yeux du réalisateur plus accessibles à la critique et c’est ce qui donne tout son sens à la dernière parole de Dajaffar à Hamid: « nous aurons pu y arriver à construire notre pays, nous avions les moyens »
Film à voir absolument.

Mohamed Mezghiche

Commentaire:

Ce film participe au travail sur nous mêmes, et c’est en travaillant sur nous mêmes que l’on construira (consolidera) notre identité en harmonie avec nos intérêts nationaux et populaires.
Quant à la polémique reprochant au réalisateur de montrer des moudjahidines buvant de l’alcool, il faut souligner deux choses :

1. C’est une des réalités, surtout qu’il s’agit moins de moudjahidines que d’ex moudjahidines devenus hommes de pouvoir

2. il y a à respecter la liberté de création et d’imagination  de l’artiste réalisateur surtout quand il n’ y a pas ambiguité sur son engagement comme le montre le personnage de Farid le progressiste réprimé par d’anciens moudjahidines.

Kamel Badaoui

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