Économie

TAFTA, ce sigle vous dit-t-il quelque chose ? Par Abdelatif Rebah

Il est plus qu’important de veiller à ce qui se trame au niveau international et notamment aux initiatives des multinationales, véritables détenteurs des pouvoirs d’exploitation et de domination (« matérielle » et donc idéologique), tant il est vrai que nombre de problèmes majeurs que connaît et que connaîtra l’Algérie prendront leurs sources dans la restructuration violente du capitalisme dominant (voir échanges précédents).
A noter qu’à coté de ce traité USA – Union Européenne, les FMN lancent aussi le traité TransPacifique. Les objectifs géopolitiques ne sont pas difficiles à lire : une zone pacifique de libre échange (lire de base d’attaque économique et financière) pour le confinement de la Chine, et une zone atlantique analogue pour le confinement de la Russie, tout cela en prévision des affrontements inter-impérialistes dans lesquels le leader impérialiste anticipe l’alliance potentielle Russie – Chine.
Le traité permet de pousser plus loin ce que l’OMC a déjà accompli, c’est-à-dire le démantèlement total des réglementations nationales au profit des FMN, une suprématie des FMN sur les Etats et les gouvernements dans les négociations et le règlement des différends.
Une véritable dictature de classe !
Dans ce cadre nous vous proposons un travail sur le projet de partenariat transatlantique en négociations dans le plus grand secret entre les USA et la Commission Européenne et qui vise ni plus ni moins à dessaisir les Etats et les institutions nationales du monde entier du pouvoir normatif en matière d’économie pour le mettre dans les mains exclusives des firmes
multinationales.
Si l’OMC est, selon les mots d’un oligarque russe » une piscine infestée de requins », alors comment qualifier ce Traité transatlantique qui promet de déshabiller les Etats de toute souveraineté en matière économique

La rédaction de Raina

TAFTA, ce sigle vous dit-t-il quelque chose ?

Par Abdelatif Rebah

TAFTA, en anglais Transatlantic Free Trade Area désigne la zone de libre-échange transatlantique, un accord commercial et d’investissement en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis, envisagé pour 2015, nous apprend Wikipedia.
On l’appelle également Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership, abrégé TTIP)
Si le projet aboutit, peut-on lire encore sur Wikipedia, il s’agira de la plus importante zone de libre échange de l’Histoire, couvrant plus de 46 % du PIB mondial et même 51,3 % si elle s’étend également à l’ensemble des membres de l’Aléna et à ceux de l’AELE. Selon le « mémo » 13/95 du 13 février 2013 de la Commission européenne, « les relations commerciales transatlantiques constituent l’épine dorsale de l’économie mondiale ».
La réunion du G8 qui s’est tenue à Lough Erne, en Irlande du Nord, les 17 et 18 juin 2013, a été l’occasion de lancer officiellement les négociations pour aboutir à un Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) ou TAFTA. Mais, les travaux se font dans le plus grand secret et les citoyens, au contraire des représentants des consultants des firmes multinationales, ne peuvent avoir accès aux documents préparatoires
Une OTAN économique
Selon même ses promoteurs, ce traité a des visées qui vont bien au-delà d’un « banal » accord de libre échange, si on peut s’exprimer ainsi. Ce partenariat est appelé à s’ériger en « alliance économique aussi forte que l’alliance diplomatique et militaire » qu’est l’OTAN (Le Monde, 19 juin 2013).Même son de cloche au Wall Street Journal pour qui cet accord « est une opportunité de réaffirmer le leadership global de l’Ouest dans un monde multipolaire » (Edition du 17 juin)
Cet accord, en effet, a vocation à s’appliquer au reste du monde, puisque ce traité ne fait pas mystère de son objectif de fixer des règles mondiales visant à encadrer tout le système commercial multilatéral. Pour les firmes multinationales, il est nécessaire de contrôler la production des normes qui relèvent aujourd’hui des parlements (les lois), des États (les règlements) ou de l’Union européenne que les lobbies ont déjà largement envahie (les directives notamment). C’est la condition mise par les firmes multinationales pour contrôler le commerce et les profits qu’il génèrera.
C’est un projet qui dépasse largement le seul domaine du commerce international
Il s’attaque aux « barrières non-tarifaires » que sont les normes sociales, environnementales, alimentaires, techniques, etc.
Le TAFTA : Une vague ou plus exactement un tsunami de déréglementations
Ce projet s’accompagne d’une vague de déréglementations qui n’épargnent aucun domaine : l’alimentation, la santé publique, l’éducation, la vie privée, le code du travail, etc L’assurance-maladie, l’assurance-retraite, l’éducation, sont des secteurs dans lesquels l’intérêt général et la mise à disposition de ces services pour tous seront remplacés par les intérêts privés. De fait tous les secteurs, même ceux pensés comme non-marchands, seraient touchés par cet accord et les normes et réglementations remises en cause comprendraient (liste non exhaustive) le salaire minimum, les normes sanitaires pour l’alimentation et la sécurité, la protection de l’environnement, le contrôle de l’impact carbone, la protection des données numériques personnelles, la réglementation de la finance, le soutien des États pour l’accès à tous à l’éducation et à la santé.
Seuls ceux qui peuvent payer pourront accéder à ces services. Les services publics qui n’auront pas encore été privatisés le seront afin que tout particularisme national soit éliminé. C’est en effet la condition pour que les firmes multinationales réalisent des économies d’échelle dans les domaines suivants : électricité, gaz, eau, téléphone, Internet, transport ferroviaire et aérien…
Les normes sociales, fiscales, techniques, de sécurité, d’hygiène, environnementales, etc., ne résulteront plus de la loi mais d’un accord entre groupes privés, les firmes multinationales et leurs avocats. Le règlement des différends entre organismes privés et États, tel qu’il est prévu, serait une remise en cause radicale de la démocratie. Privatisation du droit et de la justice par la mise en place d’un mécanisme de règlement des différends hors la loi
Le TAFTA donne aux multinationales la possibilité d’attaquer les États,
Le TAFTA donne aux multinationales la possibilité d’attaquer les Étatsplus exactement de poursuivre des États dont la politique entraverait leur activité commerciale, même s’il s’agit d’une politique de santé publique.. Les firmes multinationales, qui pourraient considérer que des règlements ou des lois d’un État sont contraires à leurs intérêts, auraient ainsi la possibilité de poursuivre les États qui veulent protéger l’environnement, la santé, les droits des travailleurs.
Et les exemples ne manquent pas déjà de cette privatisation de la justice. La CNUCED signale qu’ « en 2012, les investisseurs étrangers ont intenté des actions contre un large éventail de mesures gouvernementales, dont la modification de règlements intérieurs (concernant le gaz, l’énergie nucléaire, la commercialisation de l’or et les changes) et la révocation de licences et de permis (dans les secteurs de l’exploitation minière, des télécommunications et du tourisme). Ils ont aussi engagé des poursuites, alléguant des violations de contrats d’investissement, des irrégularités dans les marchés publics, des retraits de subventions (dans le secteur de l’énergie solaire) ou des expropriations directes ».
Le Corporate Europe Observatory et le Transnational Institute, de leur côté, montrent que « en Uruguay comme en Australie, le géant du tabac Philip Morris, basé aux États-Unis, a mené des poursuites contre les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes ; la multinationale suédoise de l’énergie Vattenfall réclame 3,7 milliards d’Euros à l’Allemagne suite à la décision démocratique d’abandonner progressivement l’énergie nucléaire ; et la société états-unienne Lone Pine poursuit le Canada à hauteur de 250 millions de dollars concernant un moratoire sur l’extraction (fracturation) controversée du gaz de schiste au Québec ».
Chez nous, le rapport 2013 de l’USTR (chargé des négociations commerciales internationales aux USA), rendu public en mai dernier, fait référence explicitement aux restrictions qui frappent, depuis 2009, l’importation en Algérie d’une liste de produits pharmaceutiques dont l’approvisionnement est assuré entièrement et de manière satisfaisante par les producteurs nationaux. Ce rapport public, disponible sur le site internet www.ustr.gov/sites/…/05012013%202013%20Special%20301%20Report.pdf
place l’Algérie en liste prioritaire des pays dont la politique commerciale externe devrait être questionnée par l’administration américaine.
Tous ciblés y compris, l’Algérie
Acculés par la crise sans issue visible qu’ils traversent et par la montée en puissance des BRICS, particulièrement de la Chine, et les révolutions en Amérique du Sud. qui sonnent le glas du monde unipolaire occidental, les Etats-Unis soutenus par l’Union Européenne, veulent reprendre le leadership mondial en s’octroyant un pouvoir normatif imposable à toute la planète. Le TAFTA est une mécanique de guerre dirigée non seulement contre les BRICS, mais aussi contre les peuples qui veulent construire des projets de développement souverains et autonomes. Le danger que ce traité représente pour tous ces pays et ces peuples y compris le nôtre est malheureusement méconnu et sous-estimée. L’article qui suit signé par le secrétaire général du Parti communiste d’Irlande en février 2014, en révèle les enjeux et les menaces les plus significatifs.
ATTENTION AU TRAITE TAFTA
Par Eugène McCartan, secrétaire général du Parti communiste d’Irlande(traduction RAINA DZ)
De façon presque inaperçue, sont en train de se dérouler des négociations entre les Etats-Unis et l’UE sur ce qu’on appelle «l’Accord de libre-échange transatlantique» ((Trans-Atlantic Free Trade Agreement ; Tafta). À première vue, cela semble tout à fait inoffensif. La proposition d’un «Accord de libre-échange» a surgi début 2013 au Sommet du G8 à Co Fermanagh.
La plupart des organisations de travailleurs et avec certitude, la plupart des syndicats, ne sont pas, comme il s’est avéré, au courant de ce qui se passe. Cet accord, s’il est adopté, aura un impact profond sur nos vies, sur tout le concept de démocratie et de responsabilité. A côté de cela, « 1984 » de George Orwell apparaitra sacrément ennuyeux.
De quoi s’agit-il ?
Tout d’abord, il ne s’agit pas de réduction des tarifs douaniers. Les médias bourgeois abusent en disant que c’est pour réduire les obstacles et pour que les produits soient moins chers. Cela ne se passera tout simplement pas comme ça. En réalité, les tarifs douaniers entre l’UE et les Etats-Unis sont déjà assez bas – la plupart sont inférieurs à trois pour cent. Vous vous rappelez le battage médiatique nous martelant que si nous votons pour les différents traités de l’UE, nous aurons une assurance automobile, moins chère, etc.?Ici, il s’agit de l’instauration d’une « convergence réglementaire » entre les deux blocs.
Ce qui signifie que les grandes entreprises monopolistiques veulent supprimer toutes les restrictions, nationales ou quel qu’elles soient, dont elles sont persuadées qu’elles entravent leur droit de faire des profits, les plus élevés possible.
Cela signifie non seulement l’édulcoration de la législation existante, mais aussi des nouveaux règlements qui seront formulés afin de prévenir de futures barrières commerciales. Ils veulent les normes et les contrôles les plus bas.
Qu’est-ce que cela signifie pour vous et votre famille
Organismes génétiquement modifiés:
Cela affecte la nourriture que vous mangez. Les Organismes génétiquement modifiés (OGM) sont tout à fait acceptés aux États-Unis, mais l’UE limite leur utilisation. Les grandes compagnies pharmaceutiques comme Monsanto veulent supprimer toutes les restrictions de l’UE à l’encontre des OGM, parce qu’elles considèrent les limites sur les denrées alimentaires et les grains, comme des barrières commerciales.
Cela va affecter également l’alimentation des animaux, qui n’a actuellement une utilisation limitée que dans l’UE.
Le droit des brevets:
D’autres sociétés pharmaceutiques qui contrôlent les médicaments brevetés veulent prolonger la durée de validité des brevets afin d’augmenter les profits. Elles font pression pour la limitation du contrôle des prix et manifestement sur les moyens d’étendre la durée et la portée des monopoles de brevets.
Ceci va limiter l’utilisation des médicaments génériques
Si ce traité passe, il aura franchi le long chemin vers la privatisation – la propriété et le contrôle dans les mains des sociétés – des connaissances publiques mondiales via le renforcement du régime de la « richesse intellectuelle » et l’imposition de brevets, de marques commerciales et de droits d’auteur « .
La fracturation hydraulique:
Les compagnies pétrolières et gazières seront en mesure de déterminer et de s’assurer la plus réduite limitation de la fracturation hydraulique. Le traité définira ensuite toute autre rigueur sur ce plan, comme une obstruction vis-à-vis du sujet commercial quand il s’agit de sanctions. Cela rendra pratiquement impossible d’éviter la destruction de l’environnement et la pollution des eaux souterraines..
Le contrôle financier:
Il est probable qu’ils vont essayer d’inclure un libellé qui rendrait impossible l’application d’une taxe sur les transactions financières, ce qu’exigent dès maintenant des groupes de pression. L’objectif est de donner aux entreprises étrangères des moyens de contourner la loi et les tribunaux.
Cela donne aux grandes entreprises plus de droits que n’en possèdent les gouvernements locaux ; les services commerciaux y compris financiers – comme les banques et assurances- et de l’investissement.
Cela va donner un grand espace aux prises de décision de l’entreprise hors de la responsabilité démocratique
La démocratie nationale contre les monopoles mondiaux:
Si un Etat ou un pays s’engage par des accords commerciaux internationaux à libéraliser certains services, il va, ce faisant, ouvrir et subordonner les intérêts démocratiques, économiques et sociaux de son peuple au contrôle international des investisseurs de l’extérieur.
Cela signifie que si des Etats se lient par des accords commerciaux internationaux, ces engagements deviendront irréversibles et se trouveront en dehors des lois du pays et de l’UE, quelle que soit la nature des futurs gouvernements.
C’est le but des accords commerciaux internationaux et de la pression que déploient en leur faveur les firmes. Ils veulent lier les mains à tout futur gouvernement, quel qu’il soit.
Les intérêts des grandes entreprises vont triompher sur les revendications démocratiques du peuple pour le changement. Les entreprises appellent cela le «Règlement des différends entre un investisseur et l’État. » Les opposants décrivent cela comme «la privatisation du système de justice en faveur des entreprises mondiales. »
Exemple: en Argentine pendant la crise financière, en réponse à la lutte et aux revendications des gens exigeant de changer la forte augmentation des charges pour l’énergie et l’eau, l’Argentine a proposé de geler ces services de base ( un son familier?).
Les entreprises de services internationales dont le gonflement scandaleux des factures et des profits avait forcé le gouvernement à agir, ont poursuivi l’Argentine devant les tribunaux. Le gouvernement argentin a été contraint de payer aux monopoles étrangers plus d’un milliard de dollars en compensation.
Au cours d’un accord commercial, les multinationales obtiennent non seulement l’accès, mais des droits, y compris le droit de poursuivre les États. Les droits des États à contrôler les entreprises seront verrouillés en conséquence et la démocratie durement limitée.
En vertu du droit international actuel, un État peut poursuivre d’autres Etats. Maintenant les droits des firmes seront érigés au même niveau que ceux des Etats
S’il ya un conflit entre l’État et la société, celui-ci ne sera pas traité dans le cadre de la compétence des tribunaux nationaux, mais de la compétence internationale des tribunaux sur les litiges commerciaux, en fonction du choix que fera l’entreprise.
Dans le règlement des différends commerciaux les jugements ne seront prononcés que sur la base du «libre échange» sans tenir compte, par exemple, des facteurs sociaux ou environnementaux, par conséquent, en faveur des entreprises.
Les Etats n’auront pas un droit correspondant de poursuivre la compagnie. Les juges seront choisis dans une équipe d’experts selon le litige en question. Ce qui permet de distribuer les cartes en faveur des entreprises- car, d’où viendront, en effet, ces « experts » ?
Exemple: le gouvernement australien a décidé que les cigarettes seront vendues dans des boîtes ordinaires, uniquement avec un avertissement sanitaire graphique. La Haute Cour de justice d’Australie a appuyé cette décision.
Mais en utilisant un accord commercial, l’Australie a incité Hong Kong, la compagnie de tabac Philip Morris a fait appel à un tribunal étranger pour qu’il lui attribue un montant énorme à titre de compensation pour la perte de ce qu’elle appelle la richesse spirituelle.
Exemple: au Salvador, les communautés locales ont réussi en payant le prix fort (trois manifestants ont été tués), à convaincre le gouvernement de refuser de donner l’autorisation pour une vaste exploitation de l’or qui menaçait la contamination de l’eau potable. Une victoire pour la démocratie? Probablement pas pour longtemps. La société canadienne qui a essayé d’exploiter la mine d’or, attaque maintenant en justice le Salvador et exige 315 millions de dollars pour la perte des profits futurs attendus.

Oui, en effet, ce qui va venir va encore éroder davantage la démocratie déjà très limitée dont nous disposons.
Le mouvement syndical irlandais doit immédiatement lancer une campagne contre cette menace. Nous avons besoin que le mouvement ouvrier en Europe et dans le reste du monde en fassent de même.
Cela veut dire qu’un retour en arrière, vers le changement, ne sera pas possible par la voie démocratique. Ceci est une camisole de force permanente, tissée par les grandes entreprises, ce sont elles qui vont en vérifier les sangles et à quel point elles sont resserrées.

Abdellatif Rebah
fbf

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