(Sur la photo en blanc feu Sadek Aissat en compagnie de feux Bachir et Lucette Hadj Ali lors d’un regroupement de jeunes filles volontaires en 1981 à Sidi Fredj Alger)
Tant de traces…
à Sadek Aïssat
Je suis montée à Paris chercher Alger
Ma mère m’a dit
apporte-moi du henné et un foulard
brillant
dans une librairie j’ai trouvé le roman d’un ami
une poignée de terre dans l’océan d’amnésie
Je lui ai dit mon histoire de henné et de foulard
brillant
il a souri pour devancer la mort et dit
-pendant ce temps elle pavoisait un azur incertain-
dans mon prochain livre je raconterai
l’histoire d’une femme
venue à Paris chercher du henné et un foulard
brillant
pour sa mère
A Paris, j’ai trouvé qu’Alger n’avait pas trop changé
la voix des enfants captivait les nuages
leur petite taille m’a serré le cœur
des chansons d’oranges et de flics ont grimpé aux lèvres des mémoires
tchina mandarin la police haggarin
les oiseaux ont fui la carcasse du passé
dans une salle de concert on s’est demandé des nouvelles
des uns et des autres
au son du ‘oud plaintif on s’est tenus chaud
les uns les autres
Alger était bien là dans sa peau de lumière
tapie sous les hésitations du poème
et les prochaines crises cardiaques
les mauvaises nouvelles pilonnaient nos cerveaux
les écrivains écrivaient pourtant
les journalistes bredouillaient une mort rétive
les mères couvraient leurs cheveux d’or de feu et de cendres
Moi je snobais Paris dans les franges de guerre voisine
Paris cet hiver-là s’est remis à parler arabe
foulards dorés à profusion dans les marchés et la littérature
l’odeur du henné dans les sacs de voyage
pour couvrir la nostalgie des mères échevelées
sur les pavés j’ai bien reconnu les signes tatoués
traçant sans équivoque la constellation des sangs
Keltoum Staali
sadek Aissat