Société

El Méknassia, Désaveux Et Acrimonie…

Parmi les textes emblématiques du patrimoine poétique maghrébin
(poésie d’expression populaire ou Melhoune), El Méknassia (comme nous
l’appelons chez nous) plus connue au Maroc et chez les connaisseurs
par « Q’sid Eddar Dial Sidi Kaddour » survivra encore des siècles
après nous étant donné le nombre d’interprètes l’ayant repris selon
leurs états d’âme ; virtuosités vocales et instrumentales ; sources
d’inoculations premières. La dernière tentative très récente et
louable, a été de faire plier l’œuvre devant les exigences du Malouf.
N’oublions pas aussi que l’école du Bedwi Wahhrani l’aurait adoptée
des le début du siècle dernier et peut être bien avant la façon
Algéroise…
Cependant, les tenants et aboutissants de l’œuvre restent très confus.
El Anka nous a suggéré de retenir surtout les déboires occasionnés par
les relations basées sur l’intérêt, la cupidité et l’ingratitude. La
signature du refrain par « Sebti Wehhlaki Lamane Fi B’nadem » (La
cause de ma ruine, est ma foi en mes semblables), ce qui nous oriente
inéluctablement à comprendre qu’il s’agit d’une mésaventure vécue par
l’auteur provoquée et encouragée par les Méknasi(R’djal Meknès) qui le
jalousaient…Aussi son interrogation Ach Men Aar Aalikoum Ya R’djel
Meknès/M’chat Dari Fi H’makoum/Ya HH’lel K’rayem ?prend difficilement
le sens : « Que n’est-il pas honteux O. Gens généreux de Meknès /
d’avoir permis la perte de ma demeure, que je pensais sous votre
protection ».Que nenni !m’avait dit le grand Cheikh Hocine Etoulali
Que Dieu ait son âme. En 1994, lors d’une longue discussion cet
illustre interprète m’a éclairé sur une autre vision de la chose…
Oui, Sidi Kaddour aurait acquit une habitation mitoyenne du
Dharih(mausolée)de Sidi Boutayeb pour servir le saint homme et
accumuler quelques tributs spirituels(El Gh’nayem).Ayant remarquer le
respect grandissant de la population envers lui, quelques notables de
Meknès, jaloux de sa notoriété spirituelle de plus en plus reconnue
,avaient réussi à le déposséder de cette demeure et le jeter en pâture
à l’errance et le désarroi à travers les méandres de Meknès…Devenu
l’objet de moqueries, risées de la part même des petites gens qu’il
aurait réconforté de façon désintéressée, puisant dans ses propres
deniers il s’en retourna aux Saints Hommes de Meknès(R’djel
Meknès).Aussi, l’avanie subjuguée par notre lecture en Algérie du
texte ,devient une imploration, et nous permet de reformuler le cri de
Sidi Kaddour comme suit :Wach Ma Aar Aa’likoum Ya R’djel Meknès/M’chat
Dari Fi H’makoum/Ya Hh’lel K’rayem ? O. Saints de Meknès, ma
déconfiture ne porte t’elle pas atteinte à votre ‘aura’ ? Et la chute
du refrain qui m’a été soufflée par le Cheikh : « Sekhroulna Men
R’dhakoum (gratifiez moi de votre félicité) »au lieu de Sebti
Wehhlaki…en est très explicite.
Quant aux désagréments vécus par l’auteur étaient dus essentiellement
au Pouvoir que permet l’Argent Corrupteur. Méditons ses deux vers :
Qed ma Aaecht Ya B’nadem /Terdjeaa Aattil/Fenaach Teterfed Walaou
T’koun Dhou Mal (Aussi longtemps que tu puisse vivre/Tu deviendras
impotent /Et malgré toutes tes richesses, sur une civière tu seras
conduit vers ta dernière demeure…). Eloquent dirions nous !
A ce titre, quand des démunis s’assimilent à Sidi Kaddour pour narguer
l’infortune en demandant aux chanteurs El Meknassia ça me réjouit…Mais
quant c’est des nantis qui nous la réclame à tue tête lors de
certaines soirées ça me laisse perplexe !!!
Réda DOUMAZ.

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