Intervention de Bouhamidi à la soirée solidarité du PCF avec le peuple algérien (censurée)
J’ai été invité à donner mon analyse des développements des mobilisations populaires dans notre pays.
J’ai accepté. Pour moi le PCF ne pouvait être dans les logiques d’ingérences « démocratiques » du journal «Le Monde » ou de Médiapart ou du Figaro et des élus de droite qui redouble d’appels à Macron pour soutenir notre peuple contre l’ANP.
Dans ma mémoire était revenue la 8ème condition d’adhésion à l’Internationale Communiste (I.C) qui faisait obligation aux communistes de lutter contre leur propre impérialisme et de porter aide aux peuples en lutte contre le colonialisme. Et l’Impérialisme concret aujourd’hui, pour nous c’est la Françafrique et sa dernière née la Françalgérie, c’est l’OTAN à nos frontières, c’est l’assassinat de nos dirigeants anti-impérialistes comme Thomas Sankara, les troupes françaises en Syrie sans base légale, c’est la vente d’armes qui bombardent marchés, écoles, infrastructures au Yémen, c’est la protection des intérêts de Total et d’Areva au sahel etc.
J’ai donc envoyé, le 6 novembre la vidéo de 13 minutes. On m’en avait demandé 10.
Tard dans la soirée du 6/11 je reçois le texte d’orientation de cette soirée de solidarité.
En voici un extrait :
« Ces dernières semaines, le pouvoir autoritaire, représenté par le chef d’état-major de l’armée, a décidé d’imposer son agenda électoral en « ordonnant » l’organisation de l’élection présidentielle le 12 décembre prochain. Son rejet massif comme les deux tentatives précédentes (avril et juillet derniers) fait craindre au pouvoir l’échec de son scénario.
En s’entêtant dans cette voie, en systématisant la répression – kidnappings, arrestations arbitraires de militants et de manifestants, passages à tabac de manifestants, matraquages médiatiques et campagnes de haine sur les réseaux sociaux, bouclage par la gendarmerie de la capitale, présence policière massive, etc. –, le pouvoir fait courir les plus grands dangers au pays, à sa stabilité et à sa cohésion.
Face à cette répression, nous ne devons pas nous taire. Nous tenons à réitérer notre dénonciation ferme et vigoureuse des actes commis par un pouvoir autoritaire, et interpellons toutes les organisations de défense des droits de l’Homme pour que cessent la répression, les persécutions en tous genres, et que soient libérés tous les détenus d’opinion. »
Toute dialectique marxiste en a disparu. Les armées ont pu donner franco ou Pétain mais aussi de Gaulle, L’ANP a donné Boumediene l’armée égyptienne Gamal Abdenasser, l’armée du Burkina Faso a donné Thomas Sankara, celle du Venezuela a donné Chavez. Sans Dumouriez et l’Armée de Valmy, la Convention Nationale et Danton étaient morts.
L’armée n’est pas le mal en soi. Le mal des armées est de servir des intérêts des classes exploiteuses et de réaliser les buts coloniaux. Mais une armée peut servir aussi les buts des peuples et des exploités.
La différence c’est la révolution ou la contre révolution, et la notre est encore celle de la Révolution Nationale Démocratique dont l’ennemi est justement cette démocratie formelle de tous les droits pour le Capital et rien pour les peuples(1).
Aucune différence avec les positions d’ingérences « démocratiques » du Monde, de Mediaprt, du Figaro, des élus de droite.
Cette intervention reflète le point de vue du « Collectif novembre pour la souveraineté nationale, une économie autocentrée et le socialisme », un cercle de réflexion et d’études.
J’ai donc travaillé cette intervention sur les lignes sociales et politiques de clivages : lignes d’oppositions ou d’alliances de classes et la ligne de confrontation créée par la guerre que mène l’impérialisme à tous les peuples du monde, y compris le peuple de France.
La vidéo n’a pas été projetée.
Les organisateurs de cette soirée ont indiqué avoir reçu de moi une vidéo qu’il ne pouvait projeter pour des raisons techniques.
Je la diffuse donc pour que parvienne ma voix aux cercles et organisations françaises qui luttent contre l’impérialisme et le néocolonialisme de leur propre Etat et leur propre capitalisme. Leur aide nous sera nécessaire quand les politiques d’ingérences deviendront plus agressives.
Texte de ma déclaration à la journée de solidarité du PCF avec le peuple algérien.
Chers camarades bonjour,
Le 22 février notre peuple a organisé des manifestations massives contre le 5ème mandat de Bouteflika.
Sa lutte et sa mobilisation pour lui imposer la démission ont progressivement élevé la critique du président à la critique de son système de gouvernance.
Notre peuple ne menait pas, cependant, sa première lutte politique postindépendance.
Au cours de ces quarante dernières années il a exprimé une multitude de mécontentements et s’est mobilisé pour des questions sociales, politiques et culturelles, pour des droits démocratiques mais aussi pour l’eau, l’électricité, la construction d’école, le goudronnage des pistes ou pour dénoncer des abus, des prédations, des atteintes aux biens de l’Etat.
Le point d’inflexion qui a contraint notre peuple à lutter pour ses droits fut l’abandon, en 1980, du choix socialiste. Cette dénomination désignait en réalité les politiques de développement solidaire fondées sur l’industrialisation et la justice sociale.
Cet abandon traduit par le démantèlement industriel et le consumérisme effréné a produit ses premières crises vers 1984.
Le choix pour le capitalisme nous a menés à l’Infitah, dénomination indigène des réformes libérales imposées par le FMI. Nous passions d’une « autonomie de décision pour le capitalisme » à l’hétéronomie dictée par le FMI.
A la même époque l’Infitah avait déjà produit les terribles conséquences de la misère et de la faim :
70 morts en Egypte dans les émeutes de la faim de 1977.
114 morts à Casablanca en 1981, 600 morts selon d’autres sources dans les émeutes du pain.
70 morts en Tunisie entre décembre 83 et janvier 84. 143 morts selon d’autres chiffres.
Les premières luttes ont culminé dans les émeutes d’octobre 1988, mélange de provocations droitières et de colères populaires orphelines d’une direction politique.
Elles se poursuivront dans d’autres conditions, celles du terrorisme, qui faciliteront à des groupes constitués au sein du pouvoir la récupération à leur profit du bradage en grand de notre secteur industriel.
La gouvernance d’Eltsine serait une bonne analogie.
L’oligarchie issue de la bureaucratie qui comptait ses membres sur les doigts d’une ou deux mains va exploser avec l’arrivée de Bouteflika en une constellation de loges plus ou moins secrètes.
Cette Oligarchie tenait déjà l’essentiel de l’appareil d’Etat. Elle avait le pouvoir, elle pouvait asservir l’Etat, le vider de ses dernières survivances à caractère social.
A travers un labyrinthe de caisses spéciales et de fonds, soustraits à toute transparence et à tout contrôle démocratique, elle s’est octroyé des aides innombrables pour le moindre segment de ses activités.
Ces réformes déclaraient combattre « la mentalité d’assistés » de notre peuple.
Elle venait de créer le capitalisme assisté.
Chadli avait le sens de l’honneur national né de sa vie de maquisard et de militant. Bouteflika enterrera jusqu’à l’idée de cet honneur.
Chadli s’opposait au socialisme du point de vue de la paysannerie, attachée à la propriété privée dans laquelle il a grandi.
Bouteflika s’opposait au socialisme du point de vue de la féodalité et du Makhzen et de ses formes maraboutiques.
Convaincu jusqu’au dogme des idées néolibérales, il appliquera la politique de retrait de l’Etat de la sphère économique au-delà des recommandations même du FMI et de la Banque Mondiale.
Ne comptaient pour lui que les IDE(s).
Il retirera l’Etat de la sphère de l’économie, de la culture, du sport, mais il multipliera les subventions à sa clientèle.
Il forcera la signature avec l’Union Européenne de l’accord d’association qui nous ligote les mains et liquide sur le fond notre souveraineté nationale.
De 1980 à aujourd’hui, cette série de réformes pour toujours plus de capitalisme a été soutenue par des campagnes multiformes pour :
Jeter le discrédit sur le socialisme et moquer la lutte des peuples, notamment le Chavisme.
Moquer le caractère ringard de la lutte anti-impérialiste.
Remplacer les lignes sociales de clivage par des lignes culturelles.
Faire du capitalisme une « option conforme à la nature de l’homme ».
Discréditer les traditions de solidarité avec les peuples en lutte, notamment celle des Palestiniens.
La rationalité de l’économie de marché nous est revenue dans sa réalité froide du capitalisme, celle de la prédation, du vol, de l’éloge de l’individualisme, mais surtout de la corruption.
Cette dernière sera codifiée dans les faits.
De 1999 à 2010, Bouteflika a rabaissé l’Algérie au statut de néo-colonie. Sur le modèle de la Françafrique, il avait construit avec ses compères Chirac, Sarkozy, Hollande puis Macron la Françalgérie.
C’est contre cette situation que notre peuple s’est levé.
Le Hirak en est né.
Si on devait faire le bilan de ses victoires, les plus significatives seraient :
La démission de Bouteflika.
Le passage du refus du 5ème mandat à la critique de la politique des mandats précédents.
Le lien spontané de cette mobilisation avec les figures et les buts de libération nationale du 1er novembre 54.
La conscience que l’option pour le capitalisme et le mimétisme néolibéral a remis en cause notre indépendance, la souveraineté de notre Etat et replacé notre pays dans une condition néocoloniale.
La naissance d’une alliance Peuple/ANP, après le 3ème vendredi, quand elle a définitivement compris que la mobilisation populaire dépassait largement et écrasait les espérances et les dispositifs des ONG, des militants Otpor et des affidés de l’Etat-profond qui guettaient l’explosion prévue et attisée.
Le démantèlement des structures les plus apparentes de la Françalgérie à partir du 6ème vendredi aussi bien dans ses réseaux administratifs, politiques que financiers et économiques.
Dans cette perspective, l’alliance avec l’ANP est cruciale pour concrétiser le recouvrement total de notre souveraineté et de notre Etat, à l’agonie depuis la venue au pouvoir de la caste maraboutique qui a poursuivi le projet de désarmement national – tant sur le plan politique qu’économique et culturel.
Au cours du mois de mai, les poursuites judiciaires contre les plus hauts responsables de l’Etat, les oligarques, et des officiers supérieurs, ont convaincu la grande majorité de notre peuple que les buts fondamentaux de leurs mobilisations étaient atteints.
Le nombre des manifestants a drastiquement baissé. Le lieu le plus emblématique en termes de masse, Bordj Bou Arreridj, ne remplit plus les espaces.
A partir de la moitié de mai la décrue a été continue sauf les jours de grands millésimes, 5 juillet, 20 août, 1er novembre.
La mobilisation populaire avait écrasé les organisations de la révolution colorée.
Avec la décrue, elles sont devenues visibles. Les mots d’ordre se sont modifiés. L’armée en est devenue la cible à travers l’image de son chef d’Etat-major.
Nous distinguons actuellement :
– Le pôle démocratique aligné sur les ONG, Otpor et sur le « printemps » arabe, formant tous ensemble un pôle de la destruction de l’Etat national.
– Une mobilisation des étudiants de moins en moins significative, brouillée de plus par la présence d’adultes, voire de retraités.
– Des carrés organisés de tendance islamiste, avec leurs mots d’ordre et toujours soucieux de relations cordiales avec les autres manifestants.
– Un carré de femmes voilées sécurisé par un cordon masculin.
– Des sit-in séparés de femmes démocrates, des familles de disparus, des familles de détenus.
– Des carrés de travailleurs affiliés ou sympathisants des groupes de gauche.
-Des couches moyennes qui continuent à manifester mais ne s’alignent toujours pas sur les révolutionnaires colorés et printanistes. Elles poursuivent leurs propres buts de plus de démocratie pour garantir leur droit à une vie politique libre.
La révolution colorée en Algérie a échoué. Aucun des mots d’ordre de grève générale, de désobéissance civile, de désignation d’un chef dépositaire de la légitimé « révolutionnaire » n’a été suivi par le peuple.
La « révolution démocratique » n’a pu se substituer à la révolution nationale et démocratique à laquelle aspire notre peuple.
La révolution colorée n’a pas réussi, non plus, à mobiliser des « amis du peuple algérien » sur le modèle des « amis du peuple syrien ».
Les mascarades du journal « Le Monde », de « Médiapart », les pressions sur Macron pour afficher la solidarité de la droite avec notre peuple, les « sympathies » calculées de Macron sont restées sans effets.
La cause du peuple algérien qui demande et mérite soutien est celle de se défaire de la condition néocoloniale où nous ont mis l’oligarchie et ses maîtres impérialistes.
La question révolutionnaire qui se pose à nous n’est pas celle de la démocratie formelle ou des valeurs libérales mais celle de notre libération des liens néocoloniaux.
Nous avons besoin de votre solidarité dans notre lutte contre la Fançalgérie.
Africains, nous avons aussi besoin de votre soutien contre la Françafrique car notre libération réelle est tributaire de la libération de nos terres africaines du système néocolonial.
Nous avons besoin de votre solidarité pour nous aider à combattre l’implantation de l’OTAN en Afrique et sur toute la périphérie de nos frontières.
Nous avons aussi besoin de votre soutien pour rendre justice à thomas Sankara, assassiné sur ordre de la Françafrique.
Que se développent notre solidarité et notre soutien mutuel dans notre lutte contre l’Impérialisme et le néocolonialisme.
Chers camarades, je vous remercie pour votre attention.
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